Bilan partiel COP30: « Plusieurs sujets sont bloqués », dixit Nebnoma Alain Combassré, Point focal national de la CCNUCC

Le Point focal national de la CCNUCC, Nebnoma Alain Combassré : « au delà des négociations techniques, à travers le bilatéralisme et le partage d’expériences avec les pairs, le Burkina Faso compte en cette deuxième semaine renforcer la coopération pour le financement de son PNA, entre autres ».

Après une première semaine de négociations, dans cette interview, le point focal national de la CCNUCC, Nebnoma Alain Combassré, dresse un bilan à mi-parcours de la COP 30. Il présente les avancées et les points de blocage des négociations.

Sidwaya (S) : La COP30 se déroule du 10 au 21 novembre 2025, à Belém au Brésil. Quels sont les sujets au centre de ces négociations internationales sur le climat ?

Nebnoma Alain Combassré (N.A.C): La COP30 se déroule dans la forêt amazonienne, un symbole fort de la présidence pour souligner l’importance de la participation et des droits des peuples autochtones dans la prise de décision en matière de climat. Pour atteindre ses objectifs, la présidence de la COP a défini un programme d’action en six piliers couvrant les domaines que sont: la transition énergétique, industrielle et des transports, l’intendance des forêts, des océans et de la biodiversité, transformer l’agriculture et les systèmes alimentaires, renforcer la résilience des villes, des infrastructures et de l’eau, favoriser le développement humain et social, les catalyseurs et accélérateurs transversaux (p. ex., financement, technologie, renforcement des capacités).

Dans l’ensemble, on s’attend à ce que la COP30 contribue à renforcer le multilatéralisme qui est affaibli de nos jours. La présidence brésilienne recherche une action collective et mettra l’accent sur une coopération solide pour que les pays obtiennent les résultats. La conférence mettra l’accent sur l’importance de la coopération internationale et du multilatéralisme pour faire face à la crise climatique mondiale. Les principaux résultats attendus de la COP30 sont : la traduction de la décision sur le nouvel objectif quantifié collectif (NCQG) sur le financement après 2025 adopté à Bakou à la COP29 concernant les 1,3 billion de dollars par an d’ici 2035 et comment étendre l’engagement de mobiliser et de fournir 100 à 300 milliards de dollars américains en actions.

Il y a aussi le renforcement de la confiance pour combler l’écart entre l’aide fournie et les CDN, et les mesures d’adaptation exprimées dans le cadre de l’opérationnalisation de l’Objectif mondial d’adaptation (GGA). Autres résultats attendus, c’est que la COP30 se concentrera sur le passage des promesses aux actes, les pays devant démontrer des progrès dans la mise en œuvre de leurs engagements climatiques, la mise en œuvre des CDN conditionnelles et inconditionnelles : cette COP 30 doit décider de faciliter la mise en œuvre des CDN, notamment en mobilisant les ressources supplémentaires pour le volet conditionnel.

Au nombre desdits résultats figure également l’intérêt du financement des CDN qui réside aussi dans le fait que 73 % des pays ont inclus des composantes d’adaptation dans leurs CDN et 94 % ont fait référence aux pertes et dommages, les besoins pour le financement de l’adaptation inclus dans les CDN qui sont de l’ordre de 560,5 à 564,6 milliards de dollars, la COP30 devrait adopter l’objectif de tripler le financement de l’adaptation pour la prochaine période 2026-2029 en tenant compte de ses progressions.

S : Y-a-t-il des avancées déjà enregistrées, notamment pour l’Afrique ?

N.A.C : A la fin de la première semaine, quelques avancés et les résultats adoptés par la COP/CMA sont, entre autres : le rapport sur l’action pour l’autonomisation climatique, les renforcements des capacités (COP/CMA), le rapport technique annuel sur les progrès réalisés par le PCCB 2025, le renforcement des capacités dans le cadre du Protocole de Kyoto, les questions administratives et financières et budget. En matière de financement climat, le bilan à mi-parcours des négociations, les projets des textes sont toujours en discussion. Les PMA ont soutenu l’élaboration d’un plan de travail commun pour la réalisation du nouvel objectif collectif quantifié en matière de financement climatique (NCQG) et la présentation d’un rapport sur sa mise en œuvre dans les prochaines communications biennales.

Pour le Fonds d’intervention en cas de perte et de dommage (FRLD), le projet de texte en discussion. Plusieurs parties se sont félicitées de la mise en œuvre rapide du FRLD, notamment du lancement de son premier appel à propositions pour les modalités de mise en œuvre à la Barbade. En matière de transparence climatique, un projet de conclusions a été proposé par la présidence qui prend en compte la fourniture d’un appui financier et technique aux pays en développement pour l’établissement de rapports et l’examen au titre de l’Accord de Paris. La deuxième semaine sera consacrée aux négociations pour que cela soit adopté.

S : La question de l’adaptation et de son financement est au centre des préoccupations de l’Afrique. Où les négociations en sont-elles avec ce
sujet ?

N.A.C : Tous les pays en développement soulignent l’insuffisance du financement pour mettre en œuvre les PNA (Plans nationaux d’adaptation). Pour le groupe des Pays les moins avancés (PMA) et le groupe africain des négociateurs (AGN), un résultat clé de cette année est la reconduction de l’engagement de financement de l’adaptation pris à la COP26. Le Groupe réitère son appel à tripler le financement de l’adaptation d’ici 2030, pour atteindre 120 milliards USD, sous forme de dons et de prêts hautement concessionnels. Aussi, des indicateurs non prescriptifs, adaptés aux réalités nationales devraient être adoptés
et obligatoirement accompagnés de moyens de mise en œuvre (financement, technologies, capacités). L’échéance du Bilan mondial impose à toutes les parties de soumettre leurs Plans nationaux d’adaptation d’ici fin 2025 et de les mettre en œuvre d’ici 2030. Cet objectif ne pourra être atteint que si les PMA reçoivent les moyens de mise en œuvre nécessaires afin de transformer leurs priorités d’adaptation en actions concrètes, immédiates et à grande échelle.

S : Quels sont les sujets sur lesquels les négociateurs ne parviennent pas encore à s’accorder ? Et quels sont les facteurs de blocage et les arguments en
présence ?

Le Point focal national de la CCNUCC, Nebnoma Alain Combassré : « au delà des négociations techniques, à travers le bilatéralisme et le partage d’expériences avec les pairs, le Burkina Faso compte en cette deuxième semaine renforcer la coopération pour le financement de son PNA, entre autres ».

N.A.C : Plusieurs sujets sont bloqués et le risque d’appliquer la règle 16 dans les négociations climat est grand. (Règle 16 : il s’agit de renvoyer tout sujet non consensuel à la prochaine session des organes subsidiaires). Nous allons faire juste un focus sur quelques items.
Pour le Fond daptation (FA), les négociations se coincent sous quel organe le mettre : la convention ou l’accord de Paris. Le projet de texte a été renvoyé aux CMP 20 et au CMA 7 sur la proposition du président du SBI. Les PMA se sont dit « déçus » de constater que certains pays continuent de lier les arrangements institutionnels du Fonds à la question de la terminologie. Aussi l’UE et le Japon souhaitent qu’on parle de “tous les flux” (incluant prêts, privés). D’ou le désaccord sur la méthodologie de suivi du doublement du financement entre les partis.

Des divergences également dans le projet de texte sur le Programme de travail sur la transition juste. Pour l’Afrique, dans ce programme, les priorités fondamentales sont : l’équité car les transitions justes doivent refléter les circonstances nationales, les priorités de développement et l’éradication de la pauvreté tout en conservant une dimension internationale ; des moyens de mise en œuvre avec une augmentation des financements sous forme de subventions, l’accès aux technologies et le renforcement des capacités comme des facteurs qui favorisent les voies de transition juste.

Il y a ausi l’accès à l’énergie avant tout : un accès universel, abordable et fiable à l’énergie, des moyens de cuisson propres et abordables, l’extension du réseau électrique sont essentiels pour favoriser une transition juste, l’adaptation et résilience : la transition juste doit intégrer l’adaptation, la protection sociale et les approches locales, et ne pas se limiter à l’atténuation. Au nombre de ces priorités fondamentales, l’on note les mesures commerciales unilatérales où il y a une opposition ferme aux mesures commerciales unilatérales de type CBAM qui nuisent aux économies africaines, et accueil favorable aux mesures commerciales qui permettent un accès équitable aux opportunités offertes par la transition.

L’on compte également les minéraux de transition : les minéraux de transition et tous les autres minéraux de la chaîne de valeurs qui sont essentiels pour les objectifs de Paris doivent être gérés de manière à soutenir des voies de transition équitables qui tiennent compte des impacts locaux et permettent la modernisation de la chaîne de valeurs en Afrique. Pour le mécanisme pour un développement propre (MDP), c’est la question sur la période à laquelle mettre fin aux projets du MDP et comment les ressources générées par le mécanisme de marché carbone du MDP seront gérées. Le groupe africain des négociateurs à fait preuve de flexibilité en optant pour l’année 2027 et a demandé que les ressources du MDP soient affectées au Fonds d’adaptation.

S : Quels sont les challenges pour la dernière semaine de négociations qui commence ce lundi 17 novembre 2025 ?

N.A.C : Pour la deuxième semaine, la présidence de la COP30 organisera les travaux selon trois axes :
Premier axe : les duos ministériels sont constitués ainsi qu’il suit en fonction des thématiques afin de booster les négociations. Il s’agit du bilan mondial : Norvège plus 1, de l’adaptation : Gambie et Allemagne, du financement : Royaume-Uni et Kenya, de l’atténuation : Espagne et Egypte, de la transition juste : Mexique et Pologne, de la technologie : Australie et Inde et du genre : Chili et Suède

La consultation ministérielle sur l’adaptation a déjà commencé, et les consultations ministérielles sur le genre, la technologie et le financement débuteront lundi. La consultation technique se poursuit : GGA, JT, MWP, CTCN, NAP, affinement du GST, dialogue GST Emirats arabes unis, genre, RM, CGE, transparence, WIM. La consultation technique s’achèvera ce mardi au plus tard. La Consultation de la présidence : la présidence prévoit des consultations pour mettre à profit la coopération avec les organisations internationales et les pays sur les sujets de divergences et les nouveaux points à l’ordre du jour qui viendront à être posés. Des consultations de la présidence sur l’article 9.1, le BTR et les CDN sont déjà en cours et des résultats sont attendus en cette journée du lundi.

S : A ce bilan d’étape, y a-t-il espoir que les préoccupations des pays africains soient prises en compte et que la COP30 tienne ses promesses d’une COP de l’action et de la mise en œuvre des engagements climatiques ?

N.A.C : La deuxième semaine est marquée par la présence des ministres, un atout pour faire avancer les positions du groupe. A cette COP, les besoins spéciaux et circonstances particulières de l’Afrique doivent être pris en compte dans les décisions. Cela pour être en conformité avec les décisions antérieures de la Convention (décisions de la COP et du CMP), le Comité des chefs d’Etat africains sur le changement (CAOSCC) qui a aussi approuvé les besoins spéciaux et les circonstances particulières de l’Afrique et enfin les décisions des ministres africains de l’environnement et des ressources naturelles (AMCEN) qui ont souligné la nécessité de tenir compte des décisions antérieures de la COP et du CMP dans le cadre de l’Accord de Paris.

De manière spécifique pour l’Afrique, les ministres devraient accompagner les négociations en faisant de leurs priorités : l’amélioration de la mise en œuvre de la Convention et de ses orientations dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris ; à la fin de cette COP 30, qu’il soit fourni des orientations opérationnelles complètes et équilibrées sur toutes les dispositions de l’Accord de Paris et combler le déficit en matière d’atténuation, d’adaptation, de financement et de moyens de mise en œuvre ;
Les ministres doivent appeler fermement à la mise en place d’un mécanisme de transition juste pour permettre la mise en œuvre de « transitions justes », de lier toute ambition renforcée à un soutien renforcé, et de passer du dialogue
sur le JTWP à la mise en œuvre;
à la condamnation des mesures unilatérales et injustifiées, comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE (cela implique pour les industries à forte intensité de carbone de payer des taxes carbones sur les produits importés afin d’éviter les fuites de carbones).

Au delà des négociations techniques, à travers le bilatéralisme et le partage d’expériences avec les pairs, le Burkina Faso compte en cette deuxième semaine renforcer la coopération pour le financement de son PNA, l’accréditation du Fonds d’Intervention pour l’Environnement pour un accès direct au Fonds d’adaptation, l’accréditation d’une Banque privée nationale pour un accès direct au Fonds Vert pour le Climat au profit des acteurs du secteur privé, etc.

Interview réalisée par
Mahamadi SEBOGO
Windmad76@gmail.com
(Depuis Belém, Brésil)

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