Le grand saut !

Redonner aux Burkinabè ayant pris de la distance vis-à-vis de la politique, l’envie de s’y intéresser à nouveau. C’est le sacerdoce que s’est donné le Mouvement SENS dirigé par l’avocat et acteur de la société civile, Me Guy Hervé Kam. Servir et non se servir, c’est donc l’ambition du Mouvement qui veut opérer une rupture avec la mal-gouvernance et s’opposer « au fatalisme, au monopole du jeu politique par une classe politique affairiste, cleptomane et démagogue ». En suscitant des candidatures aux prochaines élections législatives, le SENS a ciblé des personnes jouissant « de légitimité sociale » dans leur communauté.
A voir de près la composition de la coordination nationale du SENS, l’on se rend compte que la société civile a fait le grand saut dans l’arène politique. En effet, officiellement cantonnés à jouer le rôle de veille citoyenne et d’interpellation des gouvernants, certains acteurs de la société civile ont cru bon de descendre dans l’arène politique et de briguer, à l’avenir, les postes électifs. De ceux-là, le porte-parole du redoutable Balai citoyen qui, sans ambages, a contribué au départ forcé du président Blaise Compaoré en 2014 par le biais de l’insurrection populaire. Avec trois membres dans le bureau de la coordination du SENS, notamment Guy Hervé Kam, le coordinateur national, Abdoula Maiga, son adjoint et Idrissa Barry, secrétaire national en charge de l’organisation, il n’y a aucun doute que le Balai citoyen opère sans le dire, sa grande mue. Certes, l’OSC n’est pas appelée à disparaître de sitôt, mais ses têtes pensantes et acteurs-clé quittent progressivement le navire comme le ministre René Bagoro et les artistes Sams’K Le Jah et Smockey qu’on entend de moins en moins. A ces acteurs connus, il faut ajouter d’autres visages comme le secrétaire national en charge de l’orientation politique du SENS, le Dr Yogo Guy qui a quitté le FFS pour le MPP en 2015. Ce sankariste et fonctionnaire international (UNICEF), opposant au régime du Front populaire dans le mouvement scolaire et estudiantin en 1988 a été emprisonné et contraint à l’exil à Dakar. Il est donc clair que les orientations de rupture dans la gouvernance et la gestion de la chose publique que prône le Mouvement portent sa marque. Vient aussi, la professeure d’université et ancienne directrice générale de l’Institut des sciences et techniques de l’information et de la communication (ISTIC), Dr Aïcha Tamboura, en charge de la communication du Mouvement, et celui en charge du panafricanisme et des relations extérieures, le Yoporeka Somet, Egyptologue et professeur de Philosophie. Plusieurs autres figures vont rejoindre le SENS ou œuvrent déjà dans l’ombre à son enracinement comme le coordonnateur du Centre national de presse Norbert-Zongo. Il faudra attendre la publication de la liste des candidats aux législatures pour se faire une idée des « vrais » visages qui se cachent derrière le Mouvement, mais en attendant, Guy Hervé Kam et ses alliés ont au moins le mérite d’avoir « clarifié » leur position en s’affichant clairement comme des hommes politiques.
Le pas entre la société civile et la politique est étroit et ils l’ont franchi. Certains autres acteurs et présidents d’OSC « affiliés » aux partis politiques gagneraient aussi à situer les Burkinabè sur leurs intentions réelles, au lieu de passer le clair de leur temps à soutenir ou attaquer les hommes politiques par conférence de presse interposée.
C’est à ce prix que la démocratie burkinabè en sortira grandie, surtout que le printemps des OSC, la Transition politique de 2015, est loin derrière nous.

Jean-Marie TOE

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