Au Burkina Faso, les violences basées sur le genre continuent de toucher plusieurs femmes, laissant derrière elles souffrance et exclusion. Dans les centres de prise en charge intégrée, des survivantes trouvent refuge, accompagnement et réinsertion, malgré des ressources limitées. Témoignages et dispositifs nationaux montrent à la fois les avancées et les défis persistants dans la lutte contre ces violences.
Salimatou Compaoré (Nom d’emprunt), jeune femme de Houndé, a vu son destin brisé par un mariage forcé. Dans son foyer, elle n’a connu que coups et humiliations. « Mon mari me battait chaque jour et me refusait même de la nourriture. Quand j’ai voulu rentrer chez mon grand-père, il m’a interdit de revenir. Alors je n’avais plus qu’une issue : le centre », confie-t-elle avec émotion. Après avoir alerté la gendarmerie, les services sociaux l’ont orientée vers ce lieu de protection.
Alida Guigma (Nom d’emprunt), 17 ans, a également trouvé refuge au centre. Elle explique avoir vécu huit mois sous l’emprise d’un homme, son patron, qui la frappait, la privait de nourriture, la contraignait à des relations sexuelles et refusait de lui verser son salaire de 25 000 F CFA. Avec l’aide d’un voisin, elle a pu déposer plainte au commissariat et trouver un lieu sûr, le centre intégrée de prise en charge des VBG de Baskuy.

Aujourd’hui, ces deux jeunes femmes respirent un peu de sérénité. Salimatou raconte : « Depuis mon arrivée, je me sens mieux. On prend soin de moi, je reçois nourriture et vêtements. » Alida, de son côté, dit avoir retrouvé la paix et une consolation qu’elle croyait perdues.
Une prise en charge holistique
Pour venir en aide à ces cas de violences basés le genre, les centres de prise en charge intégrée ont été créés. L’ex directrice du centre, Gladys Kaboré, explique que la prise en charge est globale, combinant soutien psychosocial, sanitaire, juridique et alimentaire. « Dès l’admission, les travailleuses sociales évaluent les besoins et apportent un accompagnement émotionnel, tandis que les pensionnaires reçoivent un kit de dignité. Les repas sont assurés trois fois par jour malgré des ressources limitées », soutient-elle.
Elle fait savoir que le service sanitaire, composé d’un infirmier et d’une sage-femme, assure le suivi général et la santé maternelle et infantile, avec orientation vers le CSPS si nécessaire. L’absence d’un psychologue permanent reste une limite, compensée par un partenaire externe pour des consultations hebdomadaires ou à distance.
Quant au volet juridique, l’ex responsable du centre affirmé qu’il est assuré par cinq officiers de police judiciaire et gendarmes détachés, qui accompagnent les survivantes dans leurs démarches et sensibilisent les auteurs afin de prévenir la récidive.
Réinsertion socioéconomique et défis

Gladys Kaboré souligne aussi que la réinsertion progresse grâce à des formations professionnelles et à du matériel fourni par les partenaires, mais le suivi reste limité par le manque de moyens financiers et logistiques. Certaines survivantes ont néanmoins créé des associations et contribuent au soutien du centre. Elle évoque l’importance d’un financement renforcé pour garantir la continuité et la durabilité des activités génératrices de revenus.
Le centre fait face à plusieurs contraintes : manque de matériel sanitaire, dortoirs insuffisants, équipements dégradés et ressources limitées, confie Mme kaboré. Et d’ajouter que malgré ces défis, l’équipe s’efforce de maintenir un accompagnement humain et digne.
Pour sa part, le directeur de la Promotion du Genre, Sacré Moussa Sawadogo, rappelle que les violences basées sur le genre (VBG) touchent aussi bien les femmes que les hommes et s’inscrivent dans des rapports sociaux inégalitaires. « Le Burkina Faso dispose de plusieurs dispositifs : centres intégrés à Baskuy, Bogodogo et Fada N’Gourma, centres d’écoute à Koupéla, Dédougou et Kaya, ainsi que les One-Stop Centers de Kaya et Ouahigouya », indique-t-il
Et d’expliquer que la stratégie nationale genre 2020-2024, appuyée par un plan d’action contre les VBG et diverses politiques sectorielles, assure une prise en charge holistique : soins médicaux, soutien psychologique, assistance juridique et accompagnement socioéconomique. Entre 2021 et 2024, près de 40 000 cas ont été enregistrés, avec une majorité de femmes, mais des hommes sont également concernés, bien qu’ils s’expriment moins en raison des stéréotypes sociaux, a relevé M.Sawadogo. Il estime que les résultats sont visibles : environ 11 000 cas ont été enregistrés en 2021, plus de 10 700 en 2022, plus de 9 000 en 2023 et près de 9 540 en 2024.

Il insiste sur le fait que les défis persistent : manque de ressources, stigmatisation des victimes et contexte sécuritaire difficile. Cependant, soutien-t-il, les efforts de sensibilisation portent leurs fruits, et en 2025, 80 travailleurs sociaux, 230 agents de sécurité et 60 magistrats ont été formés. « Pour l’avenir, le ministère prévoit d’étendre les centres intégrés, d’assurer un financement durable, de mettre en place un mécanisme national de gestion des cas et de réviser le cadre juridique afin de le rendre inclusif », relate Sacré Sawadogo.
Vers une approche holistique et coordonnée

Selon le Responsable plaidoyer et communication de l’association SOS Jeunesse et Défis Burkina Faso,(SOS/JD), Étienne Koula, , la prise en charge des survivantes doit être véritablement intégrée, incluant les dimensions sanitaire, juridique, psychosociale, sécuritaire et économique. Les centres intégrés, mieux équipés et dotés de personnel qualifié, permettent une réinsertion plus complète. Il confie que le principal défi reste l’accompagnement économique, essentiel pour garantir l’autonomie des survivantes.
Mme Kabré Abibou, juriste de formation et experte en matière de violences basées sur le genre (VBG), rappelle que la loi n°061-2015/CNT définit et encadre les violences faites aux femmes et que le Code pénal révisé en 2018 renforce les sanctions. Toutefois, l’accès à la justice reste limité par les normes sociales, le coût des procédures et la méconnaissance des droits. Des dispositifs comme le Fonds d’assistance judiciaire existent, mais restent peu connus, surtout en zones rurales. Enfin, elle souligne que les VBG concernent aussi les hommes et les enfants vulnérables, qui bénéficient des mêmes droits et protections.
Wamini Micheline OUEDRAOGO
Crédit photo : (Photos 2, 3 ont été prises sur le net)




