Coopération sino-burkinabè : Dr Silvère Dieudonné Zaongo un exemple d’intégration réussie en Chine

Le biologiste de recherche et spécialiste en santé publique, Dr Silvère Dieudonné Zaongo : « la rigueur et l’amour du travail bien fait m’ont permis de toujours attirer l’attention des responsables ».

A la fin de ses études doctorales, Dr Silvère Dieudonné Zaongo, biologiste de recherche et spécialiste en santé publique, option infection et immunité, s’est installé et travaille au Centre médical de santé publique de Chongqing au Sud-Ouest de la Chine. Le parcours de ce chercheur est un exemple d’intégration dans l’Empire du milieu.

Natif d’Abidjan en République de Côte d’Ivoire, Silvère Dieudonné Zaongo, aujourd’hui docteur spécialiste en santé publique, option infection et immunité, a fait tout son cursus primaire, secondaire et universitaire (en partie) à Bobo-Dioulasso au Burkina Faso. Après son baccalauréat en 2006, il s’inscrit à l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO) dans la ville de Sya, jusqu’à l’obtention de sa licence 3 en Biologie appliquée en 2009. Durant ses études à l’UCAO, il faisait chaque année des stages dans le service des laboratoires biomédicaux à Centre hospitalier universitaire Souro-Sanou (CHUSS) de Bobo-Dioulasso. Par ailleurs, pour l’obtention de sa licence 3 en Biologie appliquée, il a travaillé sur les méningites bactériennes.

En 2010, il met le cap sur Bamako au Mali pour sa maitrise en Biochimie-microbiologie. L’année suivante, il rentre au bercail pour entamer son Diplôme d’études approfondies (DEA) en biologie appliquée et modélisation des systèmes biologiques, cette fois-ci à l’université polytechnique de Bobo-Dioulasso (aujourd’hui université Nazi-Boni). Ainsi, de 2011 à 2012, il suit les cours théoriques. A partir de 2012, il entame un stage à la direction régionale de l’ouest de l’Institut de recherches en sciences de la santé (IRSS), toujours à Bobo-Dioulasso qui aboutira en février 2013 par l’obtention de son DEA. Pour ce faire, il a mené des recherches de terrain et de laboratoire sur le paludisme chez la femme enceinte. Depuis lors, il a continué à l’Institut en qualité de biologiste de recherches jusqu’en début septembre 2014 où il s’envole pour Taiwan (Chine) après avoir obtenu une bourse d’études.

Débutent alors pour le jeune biologiste, les études doctorales de santé publique orientées sur l’infection et l’immunité sur l’ile de Formose jusqu’en juin 2018. Un mois auparavant, le Burkina Faso avait repris ses relations diplomatiques avec la République populaire de

Le Dr Silvère Dieudonné Zaongo en compagnie des autres lauréats du prix « jeune chercheur exceptionnel » de l’édition 2022.

Chine. « A l’annonce de la nouvelle, contrairement à beaucoup d’autres, je ne m’inquiétais nullement. Cela faisait plusieurs années maintenant que je suis de très près les avancées techniques et scientifiques engrangées dans les pays asiatiques. J’étais plutôt curieux à l’idée de commencer une nouvelle aventure qui, je l’espérais, m’aiderait à mieux comprendre le monde », a confié Dr Zaongo.

Une intégration facilitée

A propos de l’organisation du transfert, il a précisé qu’elle s’est faite en coordination avec l’ambassade du Burkina Faso d’alors à Taiwan et le bureau des Burkinabè vivant à Taiwan. Ainsi, a-t-il relaté, le départ s’est effectué en 3 vagues avec des délégués pour chaque vague. « J’étais d’ailleurs le délégué de la deuxième vague. Les premières, deuxièmes et troisièmes vagues d’étudiants sont respectivement arrivées en juin, juillet et août 2018 en République populaire de Chine.

Une fois sur place, nous étions en terrain inconnu. Heureusement, avec le mandarin et les cours de mise à niveau, l’intégration et l’adaptation à notre nouvelle vie furent facilitées », s’est-il remémoré. Après leur intégration sociale dans l’Empire du milieu, il s’est agit pour la plupart des étudiants de faire des recherches sur les diverses universités en vue de postuler aux programmes qui leurs correspondaient le mieux.

Si l’intégration sociale du tout nouveau Dr Silvère Dieudonné Zaongo s’est bien passée sans accros, ce ne fut pas le cas pour l’intégration professionnelle. En effet, à la rupture des relations diplomatiques entre le Burkina Faso et Taiwan, il venait de décrocher son PhD (doctorat) consacré à l’étude des amibes (parasite unicellulaire ayant la capacité de

changer de forme) affectant le cerveau et les yeux. Avec cela, Dr Zaongo avait également des promesses d’insertion professionnelle à Taiwan, précisement dans une entreprise fabriquant des kits de diagnostiques pour maladies infectieuses où il officiait depuis un an (2017-2018) comme consultant.

A son arrivée en Chine continentale, précisément à Tianjin dans le Nord du pays, il lui a été difficile de trouver et intégrer une équipe qui travaillait exclusivement dans le domaine lié à ses études précédentes. Fort heureusement, s’est-il réjouit, il a fait la rencontre d’une conseillère académique qui, au regard de son profil orienté sur les infections, l’a recommandé auprès d’un hôpital dénommé « Tianjin second people’s hospital », spécialisé dans le dia-gnostic et le traitement des maladies infectieuses, notamment le VIH/Sida et

Le biologiste en pleine explication sur les défis de l’infection du VIH.

les hepatites virales. C’est ainsi que débute son intégration professionnelle dans l’Empire du milieu. Il y est resté environ 2 ans avant de rejoindre le Centre médical de santé publique de Chongqing (Sud-Ouest de la Chine) où il travaille actuellement comme investigateur principal (porteur d’un projet).

Evaluer et proposer des solutions innovantes

Le biologiste dit avoir un quotidien similaire à celui de grand nombre de chercheurs, consistant à évaluer et proposer des solutions innovantes pour la résolution des problèmes de santé de notre temps. Autrement dit, en tant que chercheur, ses tâches s’articulent autour de la recherche de nouvelles perspectives de diagnostic et de traitement des maladies infectieuses.

Particulièrement, a-t-il indiqué, il s’intéresse au diagnostic et au traitement du VIH/Sida qui est un sérieux problème de santé publique à l’échelle mondiale. Pour lui, c’est un travail passionnant avec ses jours heureux et moins réluisants. « Il n’y a pas vraiment de routine. On navigue entre la revue de la littérature, les commandes de matériels, les expériences au laboratoire et l’interprétation des résultats. Au bout du compte, les plus grands moments de joie résident dans le fait de voir ses travaux publiés. Cela représente l’aboutissement de plusieurs heures, jours et mois de travail ainsi récompensés », raconte-il son quotidien.

Lauréat du prix « jeune chercheur exceptionnel »

En sa qualité de chercheur principal au Centre médical de santé publique de Chongqing, Dr Zaongo a été à deux reprises, notamment en 2021 et 2022, nominé puis
lauréat du premier prix « jeune chercheur exceptionnel ». « Ce prix est honorifique et à ma connaissance jusqu’à preuve du contraire, je suis le premier africain, voir chercheur étranger à l’obtenir au sein de mon Institut. Je me sens donc très honoré car mes collègues chinois sont très compétents et pouvoir décrocher le premier prix face à eux, est très valorisant non seulement pour ma modeste personne, mais aussi pour mon pays », s’est-il satisfait.

Il a, en outre, signifié que des prix de ce genre sont importants dans la vie d’un chercheur. Selon ses dires, les prix reçus démontrent l’importance de ses travaux aux yeux de ses pairs et permettent également de toujours se surpasser en donnant le meilleur de soi-même. Pour ce qui concerne le processus de sélection, le double lauréat a expliqué qu’à la fin de chaque année, il y a des évaluations qui se font en interne par les responsables de l’hôpital. Cette évaluation, a-t-il insisté, se fait au regard des performances de chaque travailleur et les responsables évaluent et priment ceux qui se sont le plus remarquablement distingués dans leur travail.

Dr Zaongo a soutenu qu’il n’y a pas d’entretien dans la mesure où tout le monde est logé à la même enseigne et en fonction des performances, les lauréats sont choisis. « Ainsi, une liste provisoire est affichée. Ensuite, une seconde évaluation est faite et la liste définitive est elle aussi affichée publiquement. Il y a même des mécanismes de recours pour ceux qui ont des objections par rapport aux lauréats », a-t-il décrit le
processus.

A la question de savoir pourquoi avoir opté pour la Chine et non pour le Burkina Faso, Dr Zaongo a signifié qu’il est vrai qu’il ne réside pas physiquement au Burkina Faso mais que son attachement à sa patrie ne souffre d’aucun débat parce que toute l’expérience qu’il acquiert présentement sert et servira d’une façon ou d’une autre au Burkina Faso. En plus, il dit être convaincu que l’on peut servir son pays de diverses manières, même étant à l’étranger. De ce fait, lorsque l’opportunité de perfectionner ses acquis en Chine s’est présentée, il n’a pas hésité.

« Cela m’a permis et continue de me permettre d’apprendre de nouvelles approches et surtout de servir d’intermédiaire entre mon pays et la Chine en matière de recherche médicale. Le plus important pour moi est de permettre une intégration sur le plan scientifique bénéfique aux deux Etats », a souhaité Dr Zaongo. Déjà, il a reconnu qu’étant un produit du Burkina Faso, il lui est difficile d’avancer seul dans le domaine de la recherche.

C’est pourquoi, il dit collaborer avec des collègues du Burkina Faso notamment du Centre Muraz (Bobo-Dioulasso), IRSS/CNRST et de l’université Joseph-Ki-Zerbo et ce, à travers la publication d’articles scientifiques disponibles en ligne. Cependant, il a révélé qu’il n’a pas de contact particulier, pour le moment, avec le ministère de la Santé et celui de la Recherche scientifique du Burkina Faso. Malgré tout, Dr Zaongo a affirmé être disponible et ouvert à toute initiative allant dans ce sens.

Renforcer le domaine médical

Dr Silvère Dieudonné Zaongo dans le laboratoire de biologie moléculaire.

Analysant la coopération sino-burkinabè, Dr Zaongo a estimé qu’elle est au beau fixe et mérite d’être renforcée dans différents secteurs tels que le domaine médical. De son constat, la Chine est le pays où la majorité du matériel médical est le plus abordable (en terme de coût) au monde. A en croire Dr Zaongo, les compagnies chinoises en la matière sont compétentes et les brevets, de plus en plus nombreux. « Ils ont le savoir-faire et nous
gagnerions à coopérer davantage avec la Chine sur ce plan.

Cela permettra de résoudre de nombreux problèmes, comme la formulation et la fabrication des médicaments, l’équipement des structures de santé en matériels de pointe et à moindre coup, la formation de personnel qualifié à la conception, au maintien et à la fabrication du matériel médical », a-t-il fait savoir.

Pour lui, la coopération entre les deux pays fonctionne et cela se traduit par des projets d’envergures tels que la construction d’infrastructures notamment l’hôpital de référence à Bobo-Dioulasso. A l’entendre, la multiplication des infrastructures reste importante et indispensable. Mais, un autre aspect tout aussi important, a-t-il suggéré, doit être l’accompagnement par le renforcement des compétences et des équipements des structures déjà existantes au risque de constituer une action limitée dans le temps.
Si le pays des Hommes intègres veut permettre l’accès aux soins de santé à tous sans discrimination surtout sur le plan financier, a estimé le chercheur, il serait intéressant de renforcer davantage le partenariat avec la Chine.

Pour ce faire, il préconise une orientation dans les secteurs de la conceptualisation, la production et la fabrication de nos propres produits et consommables médicaux. Dans cette optique, il a confié que la souveraineté s’établit également dans le domaine médical qui demeure, malheureusement, une chasse gardée et un moyen de pression sur certains Etats tels que les nôtres. « Ayant connu et surmonté les défis auxquels nous faisons face actuellement, la Chine et son partenariat pourraient grandement nous être utile dans notre quête d’autonomie. En définitive, les axes de coopérations à renforcer sont nombreux. Il
y a de nombreuses perspectives dans le partenariat sino-bur-kinabè mais le dernier mot revient à nos autorités politiques », a-t-il conclu.

Souaibou NOMBRE
De retour de Chine


Promouvoir les consommables médicaux locaux

Pour Dr Silvère Dieudonné Zaongo le Burkina Faso gagnerait à faire la promotion des techniques visant la production locale des consommables médicaux nécessaires à nos hôpitaux, pharmacies et laboratoires. Selon lui, s’il est vrai que le Burkina Faso reçoit des dons de matériels biomédicaux, il serait préférable d’opter pour la mise en place d’usines et structures qui les fabriquent sur place. De plus, a-t-il insisté, certains textes et lois régissant la création de structures biomédicales mériteraient d’être modifiés car en leur état actuel, ils limitent considérablement l’action de certains acteurs du domaine.

Par exemple, a expliqué Dr Zaongo, il est difficilement compréhensible que les biologistes ayant également des connaissances biomédicales poussées ne puissent pas ouvrir de laboratoires d’analyses biomédicaux. Pourtant, a-t-il avisé, cela se fait très bien dans les pays développés où les populations ont le choix parmi plusieurs structures. Pour lui, cela a pour conséquences de fortement réduire les coups de certains examens de routine.

S.N


Ne pas faire un choix par défaut

Dr Silvère Dieudonné Zaongo a prodigué des conseils aux jeunes étudiants burkinabè qui aspirent poursuivre leurs études dans l’Empire du milieu. De prime abord, il leur a dit de ne pas faire un choix par défaut. En effet, il a laissé entendre que beaucoup d’étudiants viennent en Chine mais espèrent y vivre comme s’ils étaient dans un pays occidental. « C’est une erreur très grave à ne pas commettre. Quand vous aspirez à poursuivre vos études en Chine, il faut déjà savoir clairement ce que vous voulez et quelle carrière vous désirez. Une fois sur place, identifiez un ou deux experts et faites vos preuves auprès d’eux », a-t-il lancé.

Ensuite, Dr Zaongo leurs a conseillé de se documenter au maximum sur la filière de leur choix et de ne pas hésiter à apprendre le mandarin. Partant de son expérience, il a soutenu que bon nombre de programmes pointus sont en chinois, mais en se limitant à l’anglais, ils ne pourront pas acquérir la totalité des compétences et connaissances qu’ils désirent. « Enfin, j’ai aussi constaté que beaucoup d’étudiants en Chine ont une expérience de travail poussée. J’ai particulièrement fait plusieurs stages également quand j’étais étudiant et ces mises en conditions m’ont été bénéfiques en Chine. A l’endroit des jeunes étudiants, faites des stages et préparez-vous mentalement », leur a-t-il lancé.

S.N

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