La Cour pénale internationale (CPI) n’en a pas fini avec la Côte d’Ivoire. Alors que cette juridiction pénale internationale permanente envisageait la fermeture de son bureau à Abidjan, son procureur adjoint, Mandiaye Niang, a annoncé leur intention de relancer la coopération judicaire avec Côte d’Ivoire. Le gouvernement ivoirien, qui s’était réjoui de ce que la mission de la CPI s’achève en terre d’Eburnie, va devoir encore patienter un bon moment. En effet, les enquêtes sur les violences post-électorales de 2010-2011, qui avaient fait 3000 morts, sont toujours en cours.
Après l’acquittement en janvier 2019 de l’ancien Président, Laurent Gbagbo et de son ex-ministre, Charles Blé Goudé, poursuivis pour crimes contre l’humanité et du retrait du mandat d’arrêt contre la Première dame d’alors, Simone Gbagbo, la CPI entend s’intéresser désormais aux autres factions. C’est de bonne guerre, que cette institution judicaire, basée à la Haye au Pays-Bas, poursuive ses investigations pour faire la lumière sur cette crise post-électorale encore vivace dans les esprits. Le camp Gbagbo ayant été blanchi d’une manière ou d’une autre, la CPI, qui a ouvert le second volet des enquêtes depuis 2016, a dans son viseur, la rébellion des Forces nouvelles de Guillaume Soro, qui a soutenu l’actuel Président, Alassane Ouattara à l’époque.
Même si les deux personnalités ne sont plus en odeur de sainteté, elles s’étaient liguées contre Gbagbo, qui a dû céder le fauteuil à Alassane Ouattara, grâce au soutien de la communauté internationale et plus particulièrement de la France. Le Bureau du procureur espère d’ailleurs une collaboration de l’Hexagone, qui a joué un grand rôle dans l’ascension au pouvoir d’Alassane Ouattara. La Force licorne, déployée par la France en Côte d’Ivoire et dont les effectifs avaient été portés à 1100 hommes aux temps forts de la crise post-électorale, n’avait-elle pas contribué à l’arrestation de Laurent Gbagbo ?
Le procureur Niang et ses collègues ont également à cœur d’entendre des anciens membres de contingents des Nations unies en mission à l’époque en Côte d’Ivoire. Si les enquêtes n’ont pas donné grand-chose dans le clan Gbagbo, la CPI espère établir des responsabilités dans ce dossier sensible en se tournant vers d’autres acteurs de premier plan. Encore faut-il que le gouvernement ivoirien ait la même franche collaboration que dans l’instruction concernant l’ex-chef de l’Etat Gbagbo et ses affidés. Il n’est pas exclu, que les intérêts du pouvoir en place soient menacés, au fil des investigations.
Ce qui pourrait rendre la coopération entre la CPI et la justice ivoirienne difficile. Si les juges de la CPI parviennent à dégager des éléments à charge, la responsabilité du Président Ouattara, tout comme certains de ses proches, pourraient être engagée dans cette affaire. On espère aussi, que la France, dont la réputation de faire et de défaire des régimes en Afrique n’est plus à démontrer, va se donner également à cœur ouvert, pour permettre la manifestation de la vérité sur la crise post-électorale de 2010-2011.
La même attitude est aussi attendue des membres des anciens contingents des Nations unies en Côte d’Ivoire, qui sont dans le collimateur de la CPI.
En tous les cas, cette juridiction internationale est dans son rôle. Son action se justifie amplement dans un dossier dans lequel des vies ont été fauchées. Il faut bien que l’on trouve les responsables des 3000 morts et permettre à leurs proches, dont la vie est bouleversée à jamais, de faire dignement leur deuil. Cela ne saurait passer par pertes et profits….
Kader Patrick KARANTAO