Crise sécuritaire au Sahel: « Le silence, dans ce contexte, n’est pas neutre. Il est complice », cardinal Philippe Ouédraogo

Le cardinal Philippe Ouédraogo : « Le conflit actuel n’est pas religieux. Il est politique, économique, identitaire, géostratégique ».

Présent à Séoul en Corée du Sud, du 10 au 12 juillet 2025, à une rencontre de la fondation pontificale Aide à l’Église en détresse, le cardinal Philippe Ouédraogo, l’archevêque émérite de Ouagadougou, s’est prononcé sur la situation sécuritaire du Burkina Faso et du Sahel. 

« Je suis au milieu de vous pour témoigner en tant que fils et pasteur d’une terre meurtrie par le terrorisme violent au Burkina Faso, dans le sahel de l’Afrique de l’Ouest. Je suis venu porter la voix d’un peuple sans voix, qui souffre mais lutte pour rester debout dans la dignité et la paix véritable », a d’emblée dit le cardinal Philippe Ouédraogo. Sur la violence terroriste, il a précisé qu’elle dépasse les frontières du Burkina, s’inscrivant dans une dynamique sahélienne, voire régionale et mondiale.

« Elle interpelle l’Afrique, elle interpelle l’humanité. Par exemple, le Mali, le Niger et le Burkina Faso, confrontés au drame du terrorisme, se sont constitués en Confédération des Etats du Sahel. Ce que vivent ces pays aujourd’hui est la conséquence d’un désordre global, d’une accumulation de fragilités ignorées, de silences complices, et d’une géopolitique parfois cynique. Il ne s’agit plus d’une crise ponctuelle. Il s’agit d’une crise existentielle. Une crise de civilisation.

Et elle exige une réponse humaine, spirituelle, institutionnelle, et morale à la hauteur du drame vécu par les populations », a-t-il lancé. Pour l’archevêque émérite de Ouagadougou, face à cette réalité, nombreux sont ceux qui, de loin, cherchent à en donner une explication simpliste : celle d’un conflit religieux entre chrétiens et musulmans. « Il faut le dire clairement : les groupes armés violents n’ont pas une religion. Ils ont une idéologie.

Et cette idéologie n’a d’autre but que de semer la division, d’opposer les communautés, de casser la solidarité traditionnelle qui unit les Burkinabè au-delà des appartenances religieuses. Ils s’appuient sur l’ignorance, sur les blessures mal cicatrisées, sur les frustrations accumulées, pour dresser les uns contre les autres », a-t-il fait savoir. Pour lui, il ne faut pas tomber dans le piège, il faut refuser la peur, l’amalgame, le discours de division. « Le conflit actuel n’est pas religieux. Il est politique, économique, identitaire, géostratégique », a-t-il clamé. 

Quant à l’origine du terrorisme, le cardinal interroge : « Qui sont les véritables instigateurs de cette violence ? Qui arme ces groupes ? Qui les finance ? Qui leur fournit les munitions, les informations, la technologie ? D’où viennent ces armes sophistiquées qui n’existent pas sur les marchés locaux ? Pourquoi la circulation des kalachnikovs et des engins explosifs est-elle plus rapide que celle des secours ou des vivres ? Qui maîtrise les routes ? Qui contrôle les flux ? Qui entretient les conflits intercommunautaires ?

Qui tire profit de ce désordre ? ». Il en arrive à la conclusion que ce conflit n’est pas qu’interne. Il est aussi alimenté par des enjeux transnationaux, des intérêts économiques occultes, des logiques géopolitiques froides, des réseaux de trafic d’or, d’armes, de drogues, d’êtres humains – qui utilisent le vide sécuritaire pour prospérer. Il se réjouit du fait que le Burkina Faso ne se contente pas de subir la violence, mais y résiste, répondant par « la sagesse de ses traditions, la vitalité de ses jeunesses, et l’engagement de ses communautés spirituelles ». 

La Rédaction

Source : lefaso.net

 

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