Dr Arikana Chihombori, présidente de l’Institut de développement de la diaspora africaine: « Le Président Traoré incarne ce que nous avons toujours souhaité chez un Africain »

La présidente de l’IDDA, Dr Arikana Chihombori, a salué le leadership du capitaine Ibrahim Traoré dans son engagement pour une souveraineté nationale.

Une délégation d’Afrodescendants et de la diaspora africaine aux USA séjourne depuis le 26 octobre 2025 au Burkina Faso, à l’initiative de l’Institut de développement de la diaspora africaine (ADDI). Sa présidente, Dr Arikana Chihombori, a accordé une interview à Sidwaya dans laquelle elle revient sur le sens de leur visite et l’engagement du Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, pour une véritable souveraineté de l’Afrique.

Sidwaya (S) : Qui est le Dr Arikana Chiomboleko ?

Arikana Chihombori (A.C) : Je suis Dr Arikana Chiomboleko. Je suis médecin, né au Zimbabwe, dans un petit village appelé Chivu. Je suis allée aux Etats-Unis au God College, puis j’ai fait des études de médecine. J’ai pratiqué la médecine dans l’Etat du Tennessee pendant 25 ans avant d’être appelée à Washington pour être ambassadeur de l’Union africaine aux Etats-Unis. J’y suis restée trois ans et peu de temps après avoir quitté l’Union africaine, j’ai créé une organisation appelée African Diaspora Development Institute dont la mission est de combler le fossé entre la diaspora africaine et le continent africain.

Je comprends la fuite des cerveaux qui a commencé il y a plus de 400 ans. Lorsque nos grands-parents ont été emmenés hors d’Afrique comme esclaves, suivis par les migrants, certains fuyant les guerres. Cette fuite des cerveaux hors d’Afrique a été énorme et significative. Et ce voyage nous a amenés à Ouagadougou pour
continuer à faire connaître à la diaspora, le travail incroyable et merveilleux qui se fait ici au Burkina Faso. L’ADDI travaille depuis plusieurs années pour connecter l’Afrique à sa diaspora.

S : Quels sont les principaux domaines d’action de votre organisation, ses objectifs et les résultats obtenus ?

A.C : L’objectif de ADDI est de réduire l’écart entre les Africains de la diaspora et ceux du continent. Mais, plus précisément de mobiliser l’expertise et les compétences de la diaspora pour contribuer au développement de l’Afrique. La plupart des gouvernements africains souffrent d’une grave pénurie de compétences. Il est indispensable de
disposer des compétences nécessaires pour construire l’Afrique que nous souhaitons. Les gouvernements sont contraints de recruter des compétences hors d’Afrique. Nous affirmons que s’ils veulent recruter des compétences, ils doivent d’abord se tourner vers la diaspora.
La diaspora n’est pas organisée, c’est pourquoi la plupart des questions des chefs d’Etat sont : comment atteindre la diaspora africaine ? Nous disons donc qu’ADDI peut être le lieu où les chefs d’Etats africains peuvent se renseigner s’ils ont besoin d’une expertise spécifique dans leurs pays.

S : Pourquoi avoir choisi le Burkina Faso pour votre retour sur le continent africain ?

A.C : Le Burkina Faso est un pays qui a un dirigeant courageux, un dirigeant transformationnel, un dirigeant qui nous a montré que l’Afrique peut se lever et défendre son territoire. C’est donc l’un des seuls dirigeants que nous voyons en Afrique, en plus de ceux du Niger et du Mali, qui font ce que les dirigeants africains devraient faire. Nous sommes face à une situation où nous voulons des dirigeants qui représentent le peuple. Nous voulons des dirigeants prêts à se battre pour le peuple. Nous voulons des dirigeants qui ne tolèrent plus que l’exploitation de l’Afrique se poursuive. Les ressources naturelles de l’Afrique appartiennent aux Africains et doivent contribuer à améliorer leurs conditions de vie. C’est ce qui se fait au Burkina Faso, au Mali et au Niger. Nous commençons donc par le Burkina Faso, mais, nous irons ensuite au Mali et au Niger. Le Burkina Faso est le premier, pour des raisons évidentes. Le Président Traoré est notre héros. Le Président Traoré est un dirigeant qui, à mon sens, incarne ce que nous avons toujours souhaité chez un homme africain, et c’est pourquoi nous avons choisi le Burkina Faso. C’est formidable.

S : Qu’avez-vous ressenti en arrivant au Burkina Faso ?

A.C : C’est libérateur. Nous avons été au mémorial Thomas-Sankara.
Nous avons compris que notre dirigeant a été assassiné par des infiltrés du système parmi nous. Sans les traîtres qui l’ont dénoncé et saboté, Thomas Sankara serait encore en vie aujourd’hui. Aussi, réaliser que les nôtres étaient responsables du meurtre de Thomas Sankara fut une épreuve douloureuse. Se tenir dans la pièce où il gouvernait le pays, se tenir sur le même lieu où son corps a été tué, regarder les vêtements qu’il portait ce jour-là, était déchirant. Donc, comme je l’ai dit, c’était doux-amer. Nous avons pris
conscience que nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir,
en tant que Noirs, pour refuser d’être instrumentalisés dans notre autodestruction.

S : Cette visite intervient à un moment où le Burkina Faso affirme de plus en plus sa souveraineté et son leadership panafricain. Comment percevez-vous la vision et l’action du capitaine Ibrahim Traoré dans le cadre de la renaissance africaine ?

A.C : C’est exactement ce dont nous avons besoin. L’Afrique a reconstruit l’Europe après la première Guerre mondiale. Et après la seconde Guerre mondiale, les ressources naturelles de l’Afrique financent toujours l’éducation, la santé et les infrastructures européennes. Les ressources africaines entretiennent l’Europe. Cela doit cesser. Les ressources africaines doivent financer l’éducation africaine.

Dr Arikana Chihombori : « nous voulons des dirigeants qui ne tolèrent plus que l’exploitation de l’Afrique se poursuive ».

Les ressources naturelles africaines doivent financer le système de santé africain. Les ressources africaines doivent financer les infrastructures routières, ferroviaires et hydrauliques africaines. Cette exploitation doit prendre fin. Alors oui, nous soutenons pleinement le Président Traoré pour le travail qu’il a accompli et qu’il continue d’accomplir.
Nous soutenons le travail accompli par le Niger et le Mali également qui affirment simplement que ce qui se trouve en Afrique appartient aux Africains.

Ils font ce que n’importe quel autre pays ferait. Il est inacceptable que l’Afrique ait été exploitée aussi longtemps. Cela doit cesser et le Burkina Faso, le Niger et le Mali nous ont montré la voie. Nous soutenons leur revendication de souveraineté et exigeons le respect de leurs droits et la fin de l’exploitation de l’Afrique.

S : Ce séjour de près de deux semaines au Burkina Faso comprend des activités culturelles, économiques et sociales. Quels sont les objectifs
concrets et les résultats attendus de cette visite ?

A.C : Lors de cette visite, nous allons tout d’abord obtenir notre permis de séjour permanent. Ce qui est très important pour nous, car nous pourrons enfin considérer le Burkina Faso comme notre foyer et y réaliser nos projets. Deuxièmement, nous allons examiner les opportunités d’investissement. Des hommes d’affaires sont prêts à investir au Burkina Faso.

Nous rencontrerons différents ministres du gouvernement. Nous tiendrons un sommet d’affaires où nous espérons rencontrer la Chambre de commerce, le ministère des Finances et le ministère de l’Industrie. Nous sommes donc ici pour dialoguer. Nous espérons également rencontrer les vendeurs ambulants afin d’explorer les possibilités de collaboration et d’investissement au Burkina Faso.

Nous allons également inaugurer le terrain destiné au village de la diaspora. Nous sommes donc là pour faciliter l’accès au Burkina Faso aux descendants des anciens esclaves et leur permettre de rentrer chez eux. Le Burkina Faso s’est considérablement ouvert. Il ne s’agit pas seulement d’accorder des permis de séjour permanents, mais aussi d’ouvrir de nouvelles perspectives pour que la diaspora puisse venir investir et s’installer au Burkina Faso. Nous sommes donc déterminés à ouvrir ces portes et à revenir régulièrement au Burkina Faso.

S : A propos d’investissements, vous rencontrerez des acteurs du secteur privé burkinabè. Quel type de partenariat ou d’investissement la diaspora africaine souhaite-t-elle développer au Burkina Faso ?

A.C : Cela dépend des opportunités qui se présentent. Nous nous intéressons bien sûr au secteur minier, qui est toujours un enjeu majeur. Nous nous intéressons au secteur manufacturier. Nous nous intéressons à la sécurité alimentaire et à l’industrie agroalimentaire. Et puis, bien sûr, nous aimerions envisager la création du premier réseau d’information panafricain pour commencer à raconter notre histoire, à l’instar de CNN pour le monde occidental. Nous souhaitons aussi examiner notre système éducatif afin de voir si des membres de la diaspora peuvent participer à l’écriture de notre propre histoire.

Ainsi, nos enfants pourront apprendre notre histoire de nous. Nous
étudions également la création d’une Banque panafricaine, car nous sommes conscients des difficultés de financement que nous rencontrons. Nous devons disposer de nos propres ressources naturelles.

Nous recherchons donc des mécanismes pour mobiliser nos propres fonds afin de continuer à investir au Burkina Faso en finançant nous-mêmes nos investissements. Nous avons donc de nombreux projets à l’étude. Les dialogues panafricains font partie des sujets que nous abordons. Nous espérons parvenir à une solution et réaffirmer notre engagement envers le Burkina Faso.

S : De nombreux jeunes Africains de la diaspora expriment aujourd’hui le désir de renouer avec leurs racines. Quel message souhaiteriez-vous leur adresser en tant que femme leader et porte-parole du panafricanisme contemporain ?

A.C : C’est dans notre esprit que nous avons le plus souffert. Ce que je souhaite, c’est un système éducatif qui enseigne notre histoire à nos enfants. Quand nos enfants s’éveilleront, quand ils comprendront notre histoire, ce seront eux qui pourront bâtir l’Afrique. Dans la situation actuelle, nous avons tous subi un tel lavage de cerveau que nous ne valorisons plus ce que nous avons, ce que l’Afrique a. Nous avons toujours l’impression que l’herbe est plus verte ailleurs. Ce n’est pas vrai.
Alors, comment rééduquer nos enfants, comment leur donner les moyens de comprendre que l’avenir est en Afrique et qu’ils vivent déjà en terre promise ? Comment exploiter nos ressources naturelles pour qu’elles profitent à nos enfants afin que notre jeunesse cesse de traverser la Méditerranée à la recherche d’un avenir meilleur qui n’existe pas ? L’avenir est ici. Alors, si je peux dire une chose aux jeunes, c’est de rester fermes, mais nous avons une responsabilité en tant qu’aînés. Nous avons failli à notre mission, mais nous espérons faire mieux.

S : Le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont créé la Confédération de l’AES. Quel est votre bilan des deux années d’existence de cette confédération ?

A.C : Ils ont accompli des progrès considérables. Prenons l’exemple du Niger et de son acquisition d’une mine, en l’occurrence une mine d’uranium : le prix de l’uranium est passé de 80 centimes à 200 euros le kilo. Le gouvernement a immédiatement constaté que ses recettes fiscales liées à l’uranium étaient passées d’un milliard de dollars à plus de 300 milliards de dollars. Il faudrait maintenant appliquer ce principe à tous les minéraux.
Vous rendez-vous compte des sommes colossales dont disposent ces pays ? Ce dont ils ont besoin maintenant, c’est de l’expertise nécessaire pour utiliser les fonds qu’ils débloquent. Des fonds qui allaient en France et qui restent désormais dans le pays. Et, c’est là que nous intervenons, pour les aider à combler leurs lacunes
en matière de compétences indispensables à la
construction de ces nations. Ils ont accompli des prouesses.

Interview réalisée par Soumaïla BONKOUNGOU

 

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