Pour sortir le monde paysan de la précarité, le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a opté pour l’électrification rurale. Un choix qui favorise le décollage des économies locales.
Dans les villages de Cassou et Bognounou (région du Centre-Ouest), Dafinso et Wakuy (Hauts-Bassins), Kéra, Bagassi et Tenado (Boucle du Mouhoun), Zincko et Vousnago (Centre-Est), le processus d’électrification rurale a favorisé le développement socioéconomique. Mercredi 17 septembre 2019, c’est le jour du marché hebdomadaire du village de Wakuy dans la province du Tuy, région des Hauts-Bassins. Il est 11 heures. Notre véhicule de reportage slalome entre les étals des vendeuses installées au bord de la voie publique. Au cœur des hangars et autres échoppes du marché, une grande quincaillerie attire notre attention. Son gérant, Salif Zongo, nous invite à découvrir ses articles. On y trouve, entre autres, des plaques solaires, des batteries, des lampes, des câbles électriques, des transformateurs d’énergie et des antennes TV. Selon lui, c’est à la faveur du processus d’électrification rurale lancé par l’Etat, qu’il s’est investi dans ce type de commerce. Il explique aussi que le matériel électroménager se vend bien. Son patron, Pascal Traoré, apprécie aussi cette démarche gouvernementale. « Aujourd’hui, grâce au courant, nos enfants étudient mieux », a-t-il dit. Mais c’est la nuit tombée, qu’on constate la mutation opérée par le courant dans les villages. En effet, les commerces restent ouverts, les moulins à gasoil, jadis bruyants, ont fait place à des machines électriques. A la maison des Jeunes de Wakuy, à 19h, les jeunes sont rassemblés pour suivre en direct à la télé l’ouverture officielle de la League des champions, une des plus prestigieuses compétitions planétaires de football. Dans cette localité, c’est une première pour la jeunesse. Sous un hangar aménagé qui fait office de vidéo club, deux postes téléviseurs permettent de diffuser les matchs. L’accès au lieu est conditionné par une contribution de 100 F CFA par match, et le club ne désemplit pas.
Des métiers révolutionnés
En milieu rural, l’électricité n’est pas perçue comme un luxe qui permet d’actionner des climatiseurs et autres brasseurs dans les concessions. Elle est plutôt adoptée comme moyen pour relever le niveau d’existence des citoyens. Dans le décollage économique enclenché par l’électrification rurale, le secteur informel est l’un des mieux servis. Dans les villages, alimentés en électricité, les promoteurs de salons de coiffure, de maquis, de moulins, de soudure, de mercerie et autres boutiques se frottent les mains. A Ténado dans le Sanguié, le coiffeur, Victor Bamouni, explique que le passage des paires de ciseaux à la tondeuse électrique a permis de redéfinir les tarifs qui passent ainsi de 100 à 200 ou 300 F CFA par tête selon le modèle. Toute chose qui a amélioré ses recettes et lui a permis à ce jour d’honorer les frais de scolarité de ses frères. Il dit aussi supporter les dépenses d’une famille de cinq personnes. « Mes parents sont en âge avancé, et mes petites sœurs sont assez jeunes. Mes économies viennent en appui à nos récoltes agricoles pour faire vivre la famille. Dieu aidant, la clientèle ne manque pas, surtout que nous sommes dans une zone où il y a beaucoup d’orpailleurs », soutient le coiffeur. Souleymane Ouédraogo de Zincko, soudeur, ne se plaint pas non plus. Le jeune homme de 33 ans affirme qu’il vient d’abandonner les bouteilles de gaz pour le courant. Ce qui lui confère une efficacité dans la livraison des commandes, mais aussi de multiplier les services. Il précise que la demande est forte notamment en ce qui concerne la confection d’ouvertures de bâtiments (portails, portes, fenêtres …), le matériel agricole (tracteurs, charrues, houe, etc.). « La soudure électrique a considérablement changé notre vie. Avec elle, nous gagnons en temps et en qualité », affirme M. Ouédraogo. Sans vouloir donner de détail sur ses revenus, il a tout de même confié qu’il a réalisé des projets de plus de 20 millions F CFA sans contracter de crédit en banque.
« L’électricité, c’est la vie »
Les enjeux liés à l’électricité sont grands. Dans les villages de Cassou et Bognounou dans la région du Centre-Ouest, le vieux Georges Nitiéma, 85 ans, le résume en ces termes : « l’électricité, c’est la vie ». Pour cet octogénaire, la décentralisation du courant marque véritablement le point de départ du développement inclusif durable. « Nous sommes reconnaissants au gouvernement pour avoir illuminé notre cadre de vie, et nous souhaitons que l’entretien et la gestion des circuits électriques soient la priorité de nos prestataires », déclare M. Nitiéma. Cet ancien combattant, souligne qu’en absence d’électricité, tous les projets de développement sont voués à l’échec. «De longues années durant, nous avons prié pour la desserte des campagnes en électricité. Notre véritable existence commence à partir de l’instant où nous avons accès au courant», confie-t-il. Selon le ministre de l’Energie, Bachir Ismaël Ouédraogo, le projet d’électrification rurale occupe une place de choix dans la politique énergétique du gouvernement. Il est inscrit dans le Plan national de développement économique et social (PNDES), avec comme objectif à long terme l’électrification de milliers de villages. « En ce qui concerne l’accès à l’énergie en milieu urbain, le pays est à 23% et nous nous sommes fixé l’objectif de 45% d’ici à fin 2020. Pour le milieu rural, nous sommes à 3% d’accès à l’énergie et visons 19% d’ici à décembre 2020 », avance le patron de l’Energie au Burkina. Selon lui, il s’agit d’une politique qui va consacrer « inéluctablement » la prospérité des initiatives économiques locales et changer « positivement » le train-train quotidien des populations. Il a précisé en outre, que l’objectif du gouvernement est de relever le taux d’électrification et de réduire le coût du kilowattheure. Ainsi, pour soutenir l’action de l’exécutif, le Fonds d’électrification rurale (FER) sera reconfiguré en octobre 2018, en Agence burkinabè d’électrification rurale (ABER). La mission de cette structure, dont les activités sont déjà visibles sur le terrain, consiste à promouvoir l’accès à l’électricité dans les collectivités rurales. Un outil sûr, qui contribue à l’Opérationnalisation du projet régional d’électrification hors-réseau (ROGEP), qui ambitionne de booster les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique au Burkina. « Il n’y a pas de développement sans énergie. Avec l’électricité hors-réseau, nous aurons la capacité de transformer de façon structurelle le secteur de l’Energie au profit des populations des villes et campagnes », indique le ministre Ouédraogo.
Du fonctionnement des COOPEL
Selon le directeur général de l’ABER, Ismaël Somlawendé Nacoulma, 250 localités sont actuellement en phase finale d’électrification. Et avant la fin de l’année 2020, sa structure entend achever 500 autres localités. Mais qu’en est-il de la gestion locale du courant ? Le DG Nacoulma rassure qu’avec l’expérience acquise, aucune difficulté ne jalonne le fonctionnement des Coopératives d’électricité (COOPEL) en milieu rural. Il mentionne que le transport du courant, son stockage et sa distribution sont contraignants et demandent des efforts participatifs des consommateurs. C’est là où les incompréhensions sont légion, mais de façon globale, la marche vers un monde rural électrifié et connecté au reste de la planète continue. Pour le président du comité de pilotage de la coopérative de Sapouy, Nehemie Zoundi, la bonne animation des unités de gestion est essentielle dans la fourniture de l’énergie en milieu rural. Selon lui, les COOPEL et les techniciens doivent travailler en étroite collaboration en vue d’une meilleure exploitation du système électrique, d’une bonne gestion comptable et fiscale et d’une exécution claire des branchements et des facturations.
Wanlé Gérard COULIBALY