Entretien avec Charles Bila Kaboré, vice-gouverneur honoraire de la BCEAO : ‘’Avec la dévaluation, il faut changer de ·mentalité et de comportement’’

Au moment où certains pays de la zone franc ont déjà annoncé leurs mesures d’accompagnement et que d’autres discutent encore avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, la dévaluation continue d’animer la chronique dans les foyers, dans les rues et dans la presse. Sidwaya a rencontré pour vous un homme d’expériences, un habitué des milieux bancaires, un connaisseur du système monétaire. Monsieur Charles Bila Kaboré a été vice-gouverneur de la BCEAO de 1975 à 1983 puis conseiller technique à la présidence du Faso de 1983 à 1984. Il apprécie les mesures déjà prises, examine les atouts du Burkina dans ce contexte de dévaluation. Il donne également son point de vue sur l’opportunité pour les pays africains de battre leur propre monnaie ou non.

Sidwaya (S.) : En tant qu’ancien vice- gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, quel sentiment éprouvez-vous à l’annonce de la dévaluation du franc CFA ?

M. Charles Bila Kaboré (C.B.K.) :
Lorsque nous étions encore à la Banque centrale, le problème de la dévaluation du franc CFA s’était déjà posé. J’ai quitté la Banque centrale en 1983 . Mais déjà, vers les années 80, la question de la dévaluation se posait déjà. Donc je ne suis pas tellement étonné que cette dévaluation se soit concrétisée le 12 janvier 1994 à Dakar. Le problème avait fait l’objet d’études au niveau de la Banque centrale. Mais à l’époque, nous avions estimé que techniquement, rien ne suscitait une dévaluation.

S. : Les économies africaines étaient-elles plus solides ou est-ce la garantie que nous avions auprès du Trésor français qui a justifié ce refus ?

C.B.K. : A l’époque, la situation économique et financière de nos Etats ne s’était pas beaucoup détériorée. Du côté de la garantie, la situation était également bonne parce qu’au niveau de nos comptes d’opération, nous avions une position créditrice.

S. : La dévaluation du 12 janvier 1994 était donc prévisible : comment pouvait-on y remédier ?

C.B.K. : La dévaluation était donc perceptible. La rumeur courait. Mais dans un premier temps, on a voulu l’éviter en essayant avec les institutions de Bretton Woods, de recourir, pour le redressement économique et financier des Etats, à des ajustements dits internes. On pensait qu’avec les ajustements internes, on pouvait arriver à des résultats positifs qui éviteraient de faire la dévaluation. C’est parce que les Programmes d’ajustement structurel internes basés essentiellement sur la masse salariale, la gestion de l’émission monétaire, les variations des prix n’ont pas réussi qu’on a procédé à la dévaluation.

La dévaluation n’est pas une question de gestion de la monnaie
S. : Peut-on dire aussi que nous avons mal géré notre monnaie ?

C.B.K. : La dévaluation n’est pas tellement une question de la gestion de la monnaie. C’est parce que les économies se sont détériorées. Il y a eu des déficits budgétaires , de plus en plus importants accompagnés de difficultés de trésorerie. Il y a eu d’autre part des balances de paiement de plus en plus déficitaires. Le cumul de ces situations rendait la dévaluation inévitable. Quant à la monnaie, elle a toujours été, au niveau de l’institution d’émission, gérée de façon très prudente de manière à ce que l’émission monétaire corresponde bien à la réalité des économies de chaque Etat. Mais étant donné que les ressources extérieures ne rentraient plus de façon suffisante pour financer nos économies, étant donné aussi qu’avec la rumeur sur la dévaluation, l’on a constaté beaucoup de fuites vers l’extérieur, nos Etats se sont trouvés dans des situations économiques et financières très difficiles.

S. : Quelles mesures la Banque centrale doit-elle prendre pour faire face à la dévaluation ?

C.B.K. : La Banque centrale a déjà pris des mesures relatives au taux d’escompte. Le taux d’escompte a été relevé ; il concerne surtout les banques. (Le taux d’escompte est le taux auquel l’institution d’émission prête aux banques primaires).

S. : Le relèvement du taux d’escompte n’entraînera-t-il pas plus d’inconvenients dans la mesure où il a provoqué un relèvement du taux de crédit de la part des banques primaires?

C.B.K. : Effectivement, lorsque le taux d’escompte des institutions d’émission est relevé, les banques, automatiquement, relèvent les taux débiteurs. Par conséquent, bien entendu, ça pèse sur l’investissement. Cela signifie que les investissements peuvent être ralentis.

S. : En 1989, la rumeur courait déjà sur la dévaluation. M. Pierre Bérégovoy, ministre français de l’Economie et des Finances de l’époque avait démenti. Pourquoi un tel démenti alors que le mal était déjà là ?

C.B.K : C’est parce que les Etats membres d’une part, la France d’autre part ne tenaient pas à la dévaluation du franc CFA. Donc, à cause des hausses des prix de production et après les réunions des ministres de la zone franc, il était chaque fois affirmé, soit du côté français, soit du côté africain, qu’il n’y aura pas de dévaluation du franc CFA. Or nous savons que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, étaient à cheval sur la dévaluation du franc CFA. Il fallait par conséquent que ces Etats affirment qu’il n’y aurait pas de dévaluation du franc CFA.

S. : Paradoxalement, c’est au moment où un Français, M. Candessus préside aux destinées du FMI que la dévaluation intervient. Alors la France a-t-elle cédé ou y a-t-il eu une pression plus accrue des autres pays membres de cette institution ?

C.B.K. : En ce qui concerne la dévaluation, la situation économique des pays africains comme je l’ai déjà dit, s’était beaucoup détériorée. La charge de la France était de plus en plus lourde du point de vue aide directe pour les finances publiques. Pour donc partager ces charges financières, la France avait quand même besoin d’autres partenaires. Ces partenaires qui pouvaient fournir des ressources financières conséquentes aux Etats étaient entre autres le FMI.
Aussi, à la dernière réunion à Abidjan, la position de la France était que les Etats africains devaient arrêter des programmes avec le Fonds, sinon les concours financiers ne seront pas octroyés. Le Fonds de son côté a signifié aux Etats de la zone franc que sans dévaluation du CFA, il n’arrêterait aucun programme avec eux. Devant cette situation, le choix était difficile. Ils ont donc été obligés de dévaluer.

Il ne faut pas désespérer

S. : L’opinion publique considère cela comme un lâchage de l’Afrique par la France, surtout quand on sait que dans le passé, la bonne santé des économies des pays africains a soutenu le franc français.

C.B.K. : J’ai effectivement entendu çà et là qu’il s’agissait d’un lâchage de la part de la France. Mais comme je l’ai dit, je crois que la France, elle-aussi, a actuellement des problèmes financiers internes. En plus, les charges financières provoquées par les pays africains sont de plus en plus lourdes. De ce fait, la France aussi est obligée de lâcher du lest pour bénéficier d’autres concours. De toute façon, la parité a changé par rapport au franc français mais reste toujours fixe. (Un franc français pour cent francs CFA aujourd’hui contre un franc français pour 50 F CFA depuis 1948).

S. : Parmi les solutions préconisées pour faire face à la dévaluation, il est fait cas de l’intégration économique sous régionale. Peut-on y croire quand on sait que le Conseil de l’entente vivote, la CEAO bat de l’aile, et la CEDEAO tarde à se concrétiser ?

C.B.K. : Bien entendu, en regardant les organisations sous régionales qui ont déjà été créées, telles la CEAO, la CEDEAO, nous pouvons, peut-être, être sceptiques quant à la possibilité d’intégrer économiquement, socialement les économies des pays africains. Mais je pense qu’il ne faut pas désespérer de parvenir à une véritable intégration. Une telle intégration demande d’abord la volonté politique. Cette volonté politique, ce sont nos chefs d’Etat, nos hommes politiques qui peuvent effectivementl’exprimer. L’intégration demande également des abandons de souveraineté. Car, si nous voulons créer des organismes communautaires, nous sommes nécessairement obligés de prendre des décisions communautaires et de nous imposer une certaine discipline dans leur application. Cette discipline collective, ce sacrifice est indispensable. Si ces conditions sont remplies, nous pouvons parvenir à une véritable intégration. Les pays membres de la CEE, depuis plusieurs années, tentent cette intégration. Il y a eu des moments difficiles où ils ont failli se séparer. Malgré tout, ils ont réussi à surmonter toutes ces difficultés et ces divergences. Aujourd’hui, ils sont parvenus à un minimum dans l’harmonisation des politiques économique et sociale. C’est pourquoi ils envisagent, d’ici l’an 2 000 de créer une monnaie commune et une banque centrale commune. Donc de notre côté, en acceptant des sacrifices, des abandons de souveraineté, nous pourrons parvenir à bâtir des économies d’ensemble. Je pense que c’est la seule façon de survivre. Etant donné qu’il y a des regroupements partout, si nous restons cloisonnés à l’intérieur de nos Etats, nous serons totalement absorbés.

 

Pour battre monnaie, il faut disposer d’une économie forte

S. : Autre solution préconisée face à la dévaluation, la création de leur propre monnaie par les Etats de la zone franc. Qu’est-ce que cela suppose comme préalables ou conditions à remplir ? Nos Etats les réunissent-ils ?

C.B.K. : Pour battre monnaie, il faut, je pense disposer d’une économie forte, saine, à même de gager la valeur de cette monnaie. Il faut des politiques économique et financière, crédibles, qui inspirent confiance, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. Car, ce qui assure à la monnaie sa valeur. c’est vraiment la richesse nationale C’est de pouvoir disposer d’un matelas de devises confortables pour assurer la couverture de l’émission monétaire.
La valeur de la monnaie reposant donc sur la situation de l’économie, sur la confiance qu’on fait à la politique économique et financière qui est menée, nous pensons qu’il s’agit là d’un préalable.
Nous venons de décrire la situation économique et financière dans laquelle se trouvent nos Etats depuis les années 80. Une telle situation ne peut pas assurer la garantie de la santé d’une monnaie. Concernant la garantie des réserves extérieures, la plupart de nos pays accusent le plus souvent des déficits de balance de paiement. Cela signifie que nous ne disposons pas le plus souvent de réserves extérieures, de devises suffisantes. Nous sommes donc obligés d’emprunter des capitaux extérieurs pour financer nos déficits extérieurs. Or si l’on a des balances de paiement structurellement déficitaires, cela constitue des risques pour la santé de la monnaie.
Mais je dois dire que, pour créer une monnaie, l’on ne doit pas, non plus attendre d’avoir des économies saines, robustes, fortes, avant de le faire. Je pense que ce sont des responsabilités à prendre à un moment ou à un autre. Il y aura certes, des difficultés les premières années. Mais progressivement, nous arriverons à maîtriser la situation.

Si je prends l’exemple des pays anglophones, ils ne vivent pas tous dans des ensembles, mais ils ont des monnaies nationales. Ils ne sont pas pour autant rayés de la carte du monde.

S. : Outre la santé économique et financière pour battre monnaie, ne peut-on pas garantir la valeur d’une monnaie sur les potentialités des ressources naturelles ?

C. B. K. : Si. On peut estimer que potentiellement l’on a les moyens de créer une monnaie, compte tenu des perspectives en ressources. Mais disposer de ressources est une chose ; pouvoir les faire fructifier de façon à répondre aux besoins d’une monnaie est une autre. Parce que nous sommes des pays sous-développés. Potentiellement, nous pouvons disposer de ressources importantes. Mais si du point de vue technologique, nous n’avons pas les moyens internes pour les développer de façon conséquente pour en tirer profit, c’est comme si nous ne disposions pas de ressources. Donc, même si nous disposons de ressources conséquences, il faut que nous soyons sûrs de pouvoir les exploiter de façon rationnelle et utile dans le sens de la couverture de la valeur d’une monnaie.

S. : Il est question de rattacher le CFA à l’Ecu européen comme porte de sortie. De rattachement de monnaie à monnaie, ne courons- nous pas le risque de dévaluation sans fin et de retarder ainsi la prise de nos responsabilités ?

C. B. K. : Je comprends la préoccupation de ceux qui pensent ainsi car cela fait cinquante ans que le CFA est rattaché au franc français. Il est question également de la création de l’Ecu comme monnaie de la communauté économique européenne auquel serait rattaché le CFA. Bien sûr, cela peut avoir ses avantages et ses inconvénients.

S. : Dans l’immédiat, quels avantages entrevoyez-vous ?

C. B. K. : En termes d’avantages, nous avons certainement davantage d’ouverture vers la CEE pour nos exportations. Mais quand l’Ecu va évoluer, les modifications de taux de change qu’il pourrait être amené à subir sur le marché de change, entraînerait une évolution du CFA dans le même sens. En conséquence, son taux de change par rapport aux autres devises va varier. Cette variation du taux de change peut alors être favorable à nos exportations. Les avantages et les inconvénients que nous voyions dans le rattachement du CFA à l’Ecu sont à peu près le même que ceux du CFA par rapport au franc français.

Avec la dévaluation, les revenus vont rester relativement stables

S. : D’aucuns estiment qu’avec la dévaluation, il s’ensuivra une épargne nationale qui permettra une relance économique. Comment peut-on faire de l’épargne quand le pouvoir d’achat a baissé ? En d’autres termes, peut-on faire de l’épargne dans un contexte inflationniste ?

C. B. K. : Théoriquement, quand il y a dévaluation, on estime que les exportations coûtent moins cher. Par conséquent, les opérateurs économiques peuvent profiler de cette vente à l’extérieur devenue facile, moins chère pour accroître la production à l’intérieur. Les devises ainsi gagnées à l’extérieur vont être reconverties à l’intérieur.
Ces revenus en outre vont augmenter grâce à la dévaluation et augmenter de ce fait les moyens de paiement à l’intérieur. Ils permettront ainsi une augmentation de la demande puisqu’il y aura un rapatriement important de revenus. Et une demande plus forte aura un effet d’entraînement sur la production. En ce qui concerne l’épargne, avec la dévaluation, les revenus vont rester relativement stables. Il va de soi qu’il y a là, une diminution du pouvoir d’achat. Les détenteurs de revenus auront tendance à faire des réaménagements pour franchir les difficultés.

S. : Quels sont les atouts du Burkina face à la dévaluation ?

C. B. K. : Le gouvernement, par la voix du Premier ministre, a déjà indiqué des mesures qui permettront de tirer profit au maximum de la dévaluation.

Promouvoir les PME nationales

S. : Les produits d’exploitation inventoriés par le gouvernement sont essentiellement agricoles et ne sont pas en grande quantité. Nos atouts ne sont-ils pas limités ?

C. B. K. : Oui, mais puisque la dévaluation induit un coup élevé des produits d’importation, si elle provoque auprès du Burkinabè un changement de mentalité, de comportement dans la consommation des produits, il y aura une certaine substitution. Il consommera davantage le produit burkinabè similaire à ceux qu’il consommait mais d’origine importée. Cette consommation de produits burkinabè devrait normalement inciter les producteurs à produire davantage. Au plan intérieur, que ce soit dans le secteur industriel ou agricole, il y a un certain regain d’activités. Et le gouvernement a déjà fait des propositions concernant la promotion des Petites et moyennes entreprises nationales. C’est un atout pour nous, parce que les gros investissements sont nécessaires, on doit pouvoir en faire.
Mais l’essentiel, devait porter sur la promotion de ces Petites et moyennes entreprises nationales, commerciales, industrielles. Compte tenu de la taille de notre pays, si de telles industries se développaient au maximum et investissaient dans la production intérieure, elles favoriseraient l’essor économique de notre pays.

S. : Et si les pays exportateurs de produits en direction du Burkina en réponse à la dévaluation doublaient leurs productions au point de casser leurs prix pour exporter moins cher et inonder le marché ? L’essor économique escompté chez nous ne se trouverait-il pas entravé ?

C. B. K. : Même dans cette hypothèse, le coût à l’entrée dans notre pays est un facteur défavorable pour eux dans ce contexte de dévaluation. Outre la dévaluation, il y a l’ensemble de taxes auxquelles ces produits sont assujettis qui renchérissent les coûts des importations. L’hypothèse la plus favorable pour eux serait qu’ils dévaluent plus fortement que nous leur monnaie. Dans ce cas, nos marchés seront inondés de leurs produits.

En économie, il n’y a pas de miracle

S. : Au regard de votre expérience, quelle solution miracle proposez-vous pour sortir le Burkina de cette situation ?

C. B. K. : (Rires). Je n’en ai pas. En économie il n’y a pas de miracle. Bien entendu, nous avons un gouvernement qui donne des directives. Mais il appartient aux Burkinabè, en fonction de la politique arrêtée par le gouvernement de faire preuve d’imagination créatrice et de dynamisme. Il s’agit d’une question nationale. Il faut vouloir son propre développement ; à partir de ce moment, les efforts faits par le gouvernement joints à nos propres efforts, contribueront à promouvoir notre économie, notre développement économique et social. C’est un travail quotidien au raz du sol et de longue haleine.

S. : On estime à plusieurs milliards de francs CFA les fonds qui sont sortis de notre zone à la faveur de la rumeur sur la dévaluation. La Banque centrale a dû prendre des mesures pour arrêter ce transfert de fonds. Par quelles mesures peut-elle les faire revenir ?

C. B. K. : La Banque n’a pas empêché le transfert. Les billets qui circulaient hors de la zone franc CFA nous revenaient par l’intermédiaire de la Banque de France, et nous les rachetions ave nos devises. La Banque centrale a tout simplement décidé que nous n’allons plus racheter ces billets. Par cette mesure, elle voulait dissuader les gens d’aller déposer dans les banques en Suisse ou en Autriche ou ailleurs.
La Banque de France par conséquent n’acceptait plus ces billets et nous en retour, nous ne les achetions plus. La mesure vise donc à décourager les exportations de monnaie par ce biais.
Maintenant, à l’intérieur de la zone franc, il y a le libre accès des capitaux. La Banque centrale a fait le maximum pour éviter le transfert par cette mesure. Mais comme vous le savez, toute mesure a ses côtés faibles : c’est pourquoi elle n’a pas eu toute l’efficacité voulue.
Ces attitudes de la part des clients étaient en fait des anticipations à la dévaluation. C’était des calculs. Ils savaient qu’ils récolteraient dans le cadre de la dévaluation, le double de ce qu’ils avaient expatrié vers ces pays européens. La Banque centrale n’a donc pas besoin de prendre des mesures d’incitation pour faire revenir ces fonds. Les intéressés eux-mêmes par le profit qu’ils tirent en les rapatriant s’exécuteront.

La rumeur sur la dévaluation a fait du tort à notre économie

S. : Etait-ce une bonne chose que d’avoir entretenu pendant longtemps la rumeur de la dévaluation ?

C. B. K. : Non. Le fait d’avoir entretenu pendant longtemps la rumeur sur la dévaluation du francs CFA a fait du tort à notre économie. Parce que, quand tant de ressources sortent de notre zone pour aller ailleurs, c’est autant de ressources perdues pour le financement des économies de nos Etats. Dans un tel cas, par quelles ressources faut-il financer nos économies ? Faut-il remplacer ces ressources par une émission monétaire ? C’est-à-dire un recours accru des banques primaires à l’institut d’émission ? Ce serait dangereux parce que ça crée une situation inflationniste de remplacer des ressources déjà gagées par la production et le service (parce qu’elles sont déjà sorties hors de notre zone) par des ressources d’origine monétaire. Donc, économiquement, ça n’a pas servi les intérêts de nos Etats.
En plus de cela, cette situation pèse sur nos comptes d’opérations du Trésor français. Les transferts qui sont en France, ça va ! Mais les transferts qui vont hors zone franc, obèrent notre compte d’opération. Pris sous cet angle là aussi, c’est négatif.

S. : La dévaluation est intervenue comme solution radicale, face aux échecs des programmes d’ajustement internes. Sommes-nous enfin à l’abri d’autres dévaluations ?

C. B. K. : La dévaluation étant faite et les programmes d’ajustement structurels repris par le FMI et la Banque mondiale avec nos Etats, d’importantes ressources devant être injectées en faveur de nos économies, les ressources qui étaient sorties devant être rapatriées, je pense que, compte tenu de tous ces éléments, les équilibres macro-économiques (balance de paiement, finances publiques), les Etats pourront rétablir progressivement ces grands équilibres macro-économiques.
Mais si par malheur nous n’y parvenions pas, je pense qu’on ne peut pas éluder l’éventualité d’une dévaluation. Parce que toute monnaie, quelle qu’elle soit, est susceptible à un moment donné, d’être dévaluée. Compte tenu de la situation économique et financière qui garantit la valeur de cette monnaie. Donc on ne peut pas préjuger pour l’instant. Mais si à un moment donné nous nous trouvions dans la même situation qu’aujourd’hui, il va de soi que de nouvelles mesures seront prises.

Entretien réalisé par
Yirzaola MEDA

 

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