Les débats ont été pour le moins houleux à l’Assemblée nationale, le mardi 25 août 2020, à l’occasion de l’examen du projet de loi portant modification de la loi Nº 014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant Code électoral. Faute de consensus, ledit projet de loi avait été auparavant retiré, avant de figurer sur la liste des dossiers à examiner à la 3e session extraordinaire du Parlement. A trois mois des consultations majeures dans le pays, notamment les élections couplées présidentielle/législatives, cette modification était plus qu’urgente et justifiée, au regard de l’insécurité, qui a vidé plusieurs villages et communes de leurs habitants, mais aussi du vote des Burkinabè de l’étranger qu’il fallait impérativement prendre en compte.
Au finish, le « oui » l’a largement emporté (107 voix pour, 9 contre et 4 abstentions) et le Burkina Faso peut désormais envisager sereinement les scrutins à venir. Avec la prise en compte des démembrements de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à l’extérieur, les cas de force majeure dans l’organisation des élections (la situation sécuritaire et sanitaire), la révision de la liste électorale, l’harmonisation de la durée de la campagne électorale pour la présidentielle et les législatives …, la CENI a désormais les instruments juridiques nécessaires pour accomplir sa mission d’organiser des élections transparentes et crédibles. Malgré tout, plusieurs députés n’en démordent pas, criant à l’exclusion et à un attentat contre la démocratie et la cohésion sociale. C’est à se demander ce que veulent finalement ces acteurs politiques burkinabè. En effet, si tant est que de commun accord (dialogue politique), l’opposition et la majorité ont convenu de la tenue à bonne date des prochaines élections, malgré la situation sécuritaire et les centaines de milliers de déplacés internes. Le gouvernement pouvait-il commettre l’imprudence de ne pas tenir compte de ces « cas de force majeure » ? Le vote des déplacés internes étant déjà un acquis, de quelle représentativité est-il encore question ? Doit-on faire un black-out total sur les zones d’insécurité au risque de leur enlever le droit d’avoir un porte-voix à la Représentation nationale?
A tous les coups, le gouvernement, en introduisant ce projet de loi à l’Assemblée nationale, a été suffisamment anticipatif pour éviter un vide juridique qui aurait pu ouvrir la porte à toutes sortes de contestations pouvant déboucher sur une crise post-électorale. Gouverner c’est prévoir, dit-on et l’exécutif a au moins eu le mérite d’avoir anticipé en soumettant aux députés le projet de loi modificatif du Code électoral. En attendant que les efforts conjugués de tous permettent d’enrayer les crises sécuritaire et sanitaire dans le pays pour revenir au Code électoral « normal », il convient désormais de se tourner vers l’avenir. Les acteurs de la vie politique nationale ont toujours su se mettre au-dessus de la mêlée, taire leurs ego pour privilégier l’intérêt supérieur de la nation autour des questions aussi majeures. Ce n’est pas cette fois-ci qu’ils feront l’exception. Le prochain défi des Burkinabè demeure l’organisation d’élections apaisées qui doivent nécessairement passer par des pré-campagnes et campagnes électorales empreintes de courtoisie dans les discours. Il incombe donc à chaque parti politique d’éduquer et de sensibiliser ses militants à la retenue, surtout sur les réseaux sociaux et dans les émissions interactives. C’est la démocratie burkinabè qui en sortira renforcée.
Jean-Marie TOE