InnoFaso est une start-up agroalimentaire spécialisée dans la fabrication de solutions contre la malnutrition chez les enfants. Elle met sur le marché institutionnel de denrées alimentaires thérapeutiques certifiées aux normes internationales de qualité ISO 9001 et FSSC 22000. Le « journal de tous les Burkinabè », Sidwaya, est allé à la découverte de l’entreprise à fort impact socioéconomique qui contribue à assurer l’autonomie du Burkina dans le domaine de la nutrition.
« Depuis la création de notre entreprise, nous avons contribué à lutter contre la malnutrition chez plus de 2,5 millions d’enfants au Burkina », confie le fondateur et directeur général de InnoFaso, Omar Coulibaly. Située au sein de l’institut international 2IE, à Ouagadougou, InnoFaso est une entreprise de transformation agroalimentaire de droit burkinabè créée en 2011 et fonctionnelle depuis 2013. Elle est spécialisée dans la production de solutions nutritionnelles pour la prise en charge des différentes formes de malnutrition. A base d’arachide et de produits laitiers, cette start-up agroalimentaire fabrique des aliments thérapeutiques de lutte contre la malnutrition chez les enfants. « A InnoFaso, nous produisons essentiellement deux produits pour le traitement de la malnutrition : Plumpy’nut qui est utilisé pour lutter contre la malnutrition aiguë sévère chez l’enfant à partir de six mois et Plumpy’sup, utilisé pour le traitement de la malnutrition aiguë modérée », fait savoir la chargée des opérations de InnoFaso, Odette Kaboré/Kontogom.
Outre ces deux aliments thérapeutiques maison, InnoFaso fait également dans la prévention à travers la commercialisation des produits de Nutriset avec laquelle, elle est en partenariat. On peut citer Plumpy’Mum qui est un supplément nutritionnel à base lipidique spécialement conçu pour les femmes enceintes et allaitantes (LNS-PLW) dont l’état nutritionnel est suboptimal ou dont l’alimentation quotidienne est pauvre en micronutriments et en énergie. Il y a également Enov’Nutributter+, un supplément de l’aliment de complément développé pour les enfants de 6 mois et plus, NutriHope Fibre qui permet la prise en charge nutritionnelle de patients adultes (> 18 ans) à risque ou atteints de malnutrition liée à une maladie et Enov’Mum™, un supplément nutritionnel développé pour améliorer la qualité du régime des femmes enceintes et allaitantes.
InnoFaso commercialise également des produits laitiers de lutte contre la malnutrition, fabriqués par Nutriset. Il s’agit du lait thérapeutique F-75 (Formule 75 kcal/100ml), conçu pour stabiliser les patients pendant la phase initiale du traitement de la malnutrition aiguë sévère, et du lait thérapeutique F-100 (Formule 100 kcal/100 ml) qui est conçu pour la réhabilitation nutritionnelle des patients souffrant de malnutrition aiguë sévère. La particularité de l’entreprise InnoFaso est que ces produits ne sont pas commercialisés directement au grand public. « Nous avons des clients institutionnels tels que l’Etat burkinabè à travers le ministère de la santé, la CAMEG, les organismes comme l’UNICEF, le PAM, le CICR, Médecins du Monde, IRC, etc. qui achètent nos produits et les mettent gratuitement à la disposition des centres de santé. C’est à ce niveau que lorsque l’enfant est diagnostiqué comme souffrant de malnutrition qu’une prise en charge est assurée », explique Mme Kaboré.
L’investissement dans la certification qualité
Pour le moment, le seul produit vendu directement au grand public est quatabs, qui a été conçu pour le traitement chimique de l’eau (chloration) au point d’utilisation. C’est une gamme de pastilles conçue spécifiquement pour répondre aux besoins de désinfection de l’eau dans les zones reculées et les situations d’urgence ainsi que pour le traitement quotidien de l’eau de la famille, précise la chargée des Opérations de InnoFaso. Mais en perspective, l’entreprise a en projet, la mise sur le marché des produits alimentaires de grande consommation destiné au grand public, ajoute-t-elle.
Conformément à sa volonté d’offrir des produits alimentaires de haute qualité, l’entreprise a investi dans l’acquisition des équipements technologiques répondant aux standards internationaux. Et tout commence à l’unité de torréfaction de graines d’arachides qui a nécessité un investissement d’environ 400 000 Euros, soit plus de 260 millions F CFA. Après l’étape de torréfaction, la matière première est acheminée à la salle de production de l’usine, explique, Thierry Compaoré, responsable technique de InnoFaso. « Pour la production nous utilisons des broyeurs, des mélangeurs et aussi un équipement de thermisation pour tuer les batteries au cas où il en existe. Ensuite, nous avons des filtres pour filtrer le produit, pour nous assurer qu’il n’y ait pas de corps étrangers qui passent à travers les équipements. Et enfin, pour le conditionnement, nous utilisons une doseuse, une ensacheuse. Nous avons trois lignes de conditionnement, et chaque ligne à une capacité de 5 00 sachets par minute. En moyenne, par semaine, nous produisons 100 tonnes d’aliments pour enfants », commente-t-il, pendant que de jeunes maintenanciers, vêtus de blouses bleues s’affairent à la maintenance des machines dans la salle de conditionnement. « Nous sommes en arrêt de production pour assurer la maintenance de nos installations », confie M. Compaoré.
Les équipements, l’hygiène, la propreté des lieux, les conditions rigides d’accès laissent entrevoir qu’une démarche qualité est observée dans le système de production de cette jeune start-up agroalimentaire. « A InnoFaso, la qualité est une valeur intrinsèque. Nous avons une politique de qualité. Nous nous sommes donc engagés pleinement à offrir des produits et services de haute qualité. C’est le seul moyen pour pouvoir garantir la satisfaction à nos partenaires, clients », argumente le directeur général de Inno Faso, Omar Coulibaly.
Pour ce faire, l’entreprise dispose d’un service qualité, recherche et développement, dirigé par le docteur en biochimie et technologie alimentaire, Jean Christophe Dabiré, qui a précédemment occupé les postes de responsable torréfaction, assistant qualité et de chargé de contrôle qualité à InnoFaso. « Nous avis mis en place un système de management qualité intégré basé sur deux normes : la norme ISO 9001 et la norme FSSC 22000. Cette politique qualité est beaucoup plus axée sur la satisfaction des clients en termes de produits de qualité mais aussi la sécurité sanitaire de nos produits », précise Dr Dabiré. Et grâce à la solidité de son système de management qualité, Inno va obtenir ses deux certifications qualité ISO 9001 et FSSC 22000 en septembre 2023.
Plusieurs distinctions
Si la norme ISO 9001 est une certification d’un système de management qualité applicable à tout type d’entreprise, la norme FSSC 22000 est propre aux entreprises agroalimentaires. La FSSC 22000 est un paquet de normes qualité qui englobe les exigences en matière de sécurité sanitaire des denrées alimentaires, de fraude alimentaire, explique-t-il, tout en précisant qu’on parle de fraude alimentaire lorsqu’on utilise une matière première pour substituer une autre matière première dans l’objectif d’avoir un gain.
Pour lui, en tant qu’entreprise intervenant dans un domaine sensible comme celui de la lutte contre la malnutrition, l’investissement dans la certification qualité s’impose davantage. « Nous sommes dans un domaine d’activité très spécifique ; nous ne sommes pas une entreprise agroalimentaire qui fabrique des denrées alimentaires pour la grande consommation, pour le grand public. Nous avons des cibles précises qui sont des enfants malnutris, avec des produits à caractère thérapeutique pour soigner un mal. Les exigences sont encore plus élevées en matière de qualité. Nous avons aussi des clients qui sont des auteurs humanitaires et qui ont un regard encore très rigoureux sur tout ce que nous faisons comme activités au niveau de l’entreprise », souligne Dr Jean Christophe Dabiré.
Cet attachement constant à la qualité de cette start-up incubée par 2IE est reconnu aux plan national, régional, africain et international à travers plusieurs distinctions. En effet, la start-up est cinq fois lauréate du prix burkinabè de la qualité organisé par l’ABNORM et l’ABMAQ, le dernier en date est le Prix d’Excellence dans la catégorie A (entreprise de plus de 100 employés) remporté en 2023 ; et le prix spécial de l’AFP-PME pour la « Meilleure PME industrielle évoluant dans la transformation des produits locaux » lors de l’édition 2023 de la Semaine de l’Industrie Burkinabè. Ces lauriers, le responsable qualité, recherche et développement de InnoFaso les met à l’actif de l’ensemble du personnel, qui est sensibilisé et fortement impliqué dans la mise en œuvre de la politique qualité de l’entreprise. Et d’ailleurs la qualité du management de ses ressources humaines lui a également valu le prix CEDEAO en management des ressources humaines en 2023, le prix du Meilleur Employeur de l’année 2023 du Réseau des Patrons du Burkina (REPAB).
Contribuer à l’autonomie nutritionnelle
L’idée de créer InnoFaso, explique Omar Coulibaly, est né d’un constat, alors qu’il était encore sur les bancs de l’université. En, 2009, lors d’un stage en France, il réalise qua l’essentiel des aliments thérapeutiques de lutte contre la malnutrition sont importés d’Europe ou des Etats-Unis d’Amérique. « Avec ce constat, nous nous sommes dit : pourquoi ne pas mettre en place une unité de production locale de ces produits alimentaires pour être au plus près des besoins du pays de matière de lutte contre la malnutrition », relate-t-il. L’objectif est donc de contribuer à assurer une autonomie du pays des Hommes intègres sur ce segment de la nutrition infantile. Et la Covid-19, a montré, pour ce qui en doutait encore, l’inconvénient d’être dépendant d’autres pays dans des secteurs sensibles.
En sus de jouer sa partition sur le terrain de la lutte contre la malnutrition chez les enfants, la start-up InnoFaso participe au développement socioéconomique du Burkina Faso. Avec un chiffre d’affaires d’environ 10 milliards, elle contribue au budget de l’Etat à travers 600 millions F CFA de taxes et impôts qu’il paie par an à l’administration fiscale. Elle emploie aujourd’hui 108 personnes toutes déclarées à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). A cela s’ajoute les milliers d’emploi indirects qu’elle crée à travers les 4000 petits producteurs répartis dans plusieurs régions du pays qui sont des fournisseurs de InnoFaso en matière première, à savoir les graines d’arachides décortiquées.
L’un des grands impacts de cette start-up est d’avoir contribué à organiser la filière arachique, et ce en partenariat avec d’autres acteurs notamment le projet 2SCALE qui est mis en œuvre par un consortium de partenaires à savoir la Bop Inc, IFDC et SNV. Financé par le gouvernement néerlandais, 2SCALE est un programme de soutien des entreprises agroalimentaires à travers l’incubation et l’accélération des modèles d’affaires inclusives en Afrique ; il est présent dans une dizaine de pays africains, dont le Burkina Faso. « InnoFaso a joué un rôle important dans l’organisation de l’organisation de la filière. Dans notre projet, nous travaillons avec des champions d’affaires qui sont des entreprises qui ont la capacité d’assurer un leadership sur toute une chaine de valeurs. Et InnoFaso a cette capacité, en termes de moyens technologiques mais aussi de capacité d’absorber la production d’arachide des producteurs. Elle a été le percusseur de toutes ces activités de renforcement des capacités des producteurs, de mobilisation des acteurs de la filière arachide », confie le chef d’équipe pays 2SCALE, Mansour Boundaogo.
Rôle dans la professionnalisation des producteurs
Cette start-up a donc contribué à mettre en place 12 pôles d’entreprises agricoles (PEA), l’Interprofession de l’Arachide du Burkina, en collaboration de la Direction générale de la Formation du monde rural (DGFOMR), ajoute-t-il. Tout cela a eu l’avantage de contribuer à la professionnalisation des producteurs et à l’amélioration de leurs revenus. Entre 2021 et 2023, 450 tonnes d’arachide graine de 8500 petits producteurs ont été vendues à InnoFaso, à un coût global de 400 millions F CFA, fait savoir M. Boundaogo, qui ajoute qu’avec l’accompagnement de InnoFaso et ses partenaires, les producteurs ont bénéficié d’un financement de 460 000 Euros, soit environ 300 millions FCFA auprès des banques et des institutions des microfinances. « Les produits fabriqués par InnoFaso doivent répondre aux mêmes spécifications techniques que ceux fabriqués aux Etats-Unis ou en France.
Cela doit se traduire par des exigences au niveau des matières premières. L’arachide qui est utilisé par InnoFaso doit répondre aux exigences du Codex Alimentarius. Ce qui nécessitait d’organiser les producteurs afin de pouvoir trouver l’arachide au niveau local qui puisse répondre à ces normes », argumente M. Coulibaly. Il fallait alors mobiliser le monde de la recherche, notamment l’INERA, SAPHYTO pour les semences d’arachide et des intrants répondant aux exigences techniques.
Avec une capacité de transformation annuelle de 4000 tonnes d’arachide, au démarrage de ses activités, InnoFaso importait la totalité de l’arachide d’Argentine, de l’arachide exempte d’aflatoxine et de contaminations microbiologiques. Ce partenariat avec la recherche a permis de mettre en place cinq variétés de semences d’arachides répondant aux standards et utilisés dans la transformation des produits de InnoFaso. Cela a permis à l’entreprise de couvrir 20% de ses besoins d’arachide auprès des producteurs locaux. Et l’objectif à l’horizon 2026, selon le directeur général de InnoFaso, est d’assurer 60% de son approvisionnement en arachide sur le marché national, auprès des producteurs burkinabè.
En sus de l’impact de la crise sécuritaire, l’entreprise fait face à des contraintes, notamment sur le plan fiscal. « Nous avons la concurrence des entreprises étrangères qui ne subissent pas les mêmes contraintes fiscales que nous, surtout en matière de TVA », souligne M. Coulibaly. Au regard de la spécificité et de la sensibilité du secteur de la malnutrition, une fiscalité étudiée devrait permettre à l’entreprise d’être compétitive et de résister à la concurrence étrangère. Pour le chef d’équipe pays du projet 2SCALE, M. Boundaogo, il est souhaitable que les services techniques travaillent à capitaliser les acquis engrangés sur la base des interventions réalisées par InnoFaso et ses partenaires. L’Etat doit également travailler à disponibiliser les semences d’arachide de base, à renforcer la mécanisation de la filière arachide afin de contribuer à améliorer les rendements et réduire la pénibilité du travail.
Mahamadi SEBOGO
Sidwaya.info