La crise sociopolitique qui secoue le Mali est loin de trouver un dénouement heureux. Après la manifestation meurtrière de la semaine dernière, le pays de Ibrahim Boubacar Keïta est encore dans la tourmente. La journée d’hier a été chaude à Bamako. Des éléments de la grande muette malienne ont rompu avec leur tradition. En effet, des soldats en colère se sont fait entendre de la plus mauvaise manière en tirant des coups de feu au camp militaire Soundiata-Keïta de Kati, situé à 15 km au nord de la capitale malienne. Venus de la capitale à bord de pick-up, lourdement armés, les mutins ont pénétré la caserne militaire, tirant des coups de feux en l’air. Une situation qui a créé la panique au sein des militaires en faction qui, pensant à une attaque, avant de désarmer. Ce climat hostile au pouvoir de Koulouba a poussé le président Ibrahim Boubacar Keïta à se retrancher dans sa résidence de Sebenikoro, en compagnie de son Premier ministre, Boubou Cissé. Plusieurs sources indiquent que des membres de la haute hiérarchie militaire et de nombreux membres du gouvernement sont aux mains des mutins. Le clou de ce coup de force a été l’arrestation du président malien et de son Premier ministre, en direction du camp de Kati.
Au moment où nous tracions ces lignes, il était difficile de connaître avec exactitude les mobiles de cette grogne des bidasses, mais récemment, un rapport d’experts de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur le Mali bien que n’étant pas encore rendu public, trouble le sommeil de certains hauts gradés de l’armée. Les experts onusiens, contrairement aux précédents rapports centrés sur l’action des groupes armés, accusent plusieurs responsables de la Direction de la sécurité de l’Etat d’entraver la mise en œuvre de l’accord de paix de 2015 et d’être de connivence avec certains groupes armés. Cela pourrait expliquer le mécontentement dans les rangs des « boys » mais il serait prématuré d’établir une relation de cause à effet. L’autre hypothèse qui n’est plus un secret de Polichinelle est le goût très poussé de certains officiers supérieurs de l’armée pour les délices du pouvoir. Ces derniers n’hésitent pas à s’inviter dans l’arène politique, surtout dans le contexte malien où le gouvernement est malmené depuis plus de deux mois par une vague de contestations conduite par une coalition hétéroclite de guides religieux, d’opposants politiques, de membres de la société civile et de syndicalistes. Réunis au sein du Mouvement du 5-Juin Rassemblement des Forces patriotiques du Mali (M5-RFP) sous la direction de l’influent imam Mahmoud Dicko, les opposants au président Ibrahim Boubacar Keïta demandent depuis lors sa démission.
Dans ces conditions, il n’est donc pas exclu que les hommes en treillis ne fassent un bébé dans le dos du peuple malien. La CEDEAO et bien d’autres observateurs avisés ont peut-être bien cerné les mobiles de ces mouvements dans les casernes. Dans un communiqué rendu public dans l’après-midi du 18 août, l’institution sous régionale a appelé les militaires à regagner sans délai leurs casernes et rappelé sa ferme opposition à
tout changement politique anticonstitutionnel. L’appel de la CEDEAO sera-t-il entendu par les bérêts rouges ? La balle est désormais dans le camp de la junte militaire. La moindre erreur pourrait être dommageable non seulement pour les mutins mais aussi pour les Maliens. En effet, un coup d’Etat comme ce fut le cas en 2012, viendrait encore compliquer la situation du Mali déjà sous la menace terroriste et affaibli par la crise sociopolitique. L’armée gagnerait à s’interdire cette mésaventure et à se consacrer à sa mission régalienne : celle de défendre l’intégrité (perdue ?) du territoire. En tous les cas, le coup de force de l’armée malienne s’apparente à un épilogue de la crise sociopolitique qui secoue le Mali depuis quelques semaines, mettant vraisemblablement fin à l’ère IBK. Mais il n’est pas si sûr que la communauté internationale laisse faire. Affaire donc à suivre.
Abdoulaye BALBONE