Les observateurs n’ont pas manqué de relever la remarquable présence des militaires dans le nouveau gouvernement malien. La Défense, la Sécurité, l’Intérieur, la Réconciliation ; les soldats se sont emparés de postes importants au sein du gouvernement concocté par le Premier ministre, Moctar Ouane.
La présence de l’armée peut être saluée par le besoin d’inclure les soldats dans la gestion au quotidien du pays, d’autant plus que la priorité des priorités au Mali reste la lutte contre les agressions terroristes et la défense de l’intégrité territoriale. On peut tout de même s’interroger si la meilleure place pour un militaire patriote en situation de grave crise sécuritaire se trouve dans un gouvernement. Le putsch contre Amadou Toumani Touré, un militaire en costume, accusé d’inaction face à la rébellion targuie en 2012, était l’expression claire de la volonté des officiers de service de prendre les rênes du pouvoir politique afin de mieux faire face aux troubles sécuritaires.
Un beau prétexte comme on en a connu dans les années antérieures un peu partout en Afrique. Celui orchestré récemment contre Ibrahim Boubacar Keïta n’est qu’une claire insistance sur cette vision réitérée au détriment de la consolidation de la démocratie malienne. Et là se pose une autre question qui est de savoir si la démocratie est vitale pour le peuple malien. Il est vrai que les populations des pays qui subissent les affres des terroristes se convainquent de plus en plus, que seuls les militaires peuvent leur assurer la sécurité. Elles accordent une certaine confiance à l’armée dans son devoir et sa capacité à sauver les pays de l’emprise des groupes terroristes. Fort de cette légitimité inconsistante, mais face à l’absence de solution proposée par le régime déchu de Ibrahim Boubacar Keïta et face à la lassitude et au désespoir des populations, l’armée croit prendre sa responsabilité.
Et à défaut, de confisquer le pouvoir totalement, elle a accepté, sous la pression il est vrai, des compromis lui permettant de le partager tout en pesant dans la gestion du pays. C’est comme si l’armée oublie qu’elle n’est pas totalement étrangère à la survenue et à l’enlisement de la situation actuelle. A moins que l’anticipation et l’efficacité de la riposte face à la crise ne soient proportionnelles au pouvoir dont jouissent les officiers de l’armée malienne. Les résultats nous situeront.
Aimé Mouorissing KAMBIRE