Elu en 2015 sous la bannière du parti l’Autre Burkina/PSR, affilié au chef de file de l’opposition, le maire de Boussé, Nicolas Sawadogo, a des dents longues. Il envisage installer une usine de fabrication de pâtes alimentaires dans sa commune. Dans l’entretien ci-dessous, il évoque les tenants et les aboutissants de ce projet ainsi que sa vision du développement local.
Sidwaya (S.) : Qu’est-ce qui vous permet de clamer haut et fort que Boussé est une commune émergente?
Nicolas Sawadogo (N.S.): Boussé est une commune urbaine émergente, parce que nous travaillons. Boussé est à une cinquantaine de km de Ouagadougou. Depuis le recensement de 2006, sa population est estimée à plus de 50 000 habitants. La mairie fonctionne avec beaucoup de courage. Les marchés qui sont lancés ont été exécutés, d’autres sont en cours d’exécution. Des collèges et des écoles sont construits. Nous avons également eu l’opportunité de construire une auberge et de l’équiper. Nous avons aussi eu la grâce de recevoir le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, grâce à qui, à travers les Engagements nationaux, on a pu réaliser la Maison des jeunes d’une capacité de plus de 250 places. Dans le village de Likikélcé, nous avons réhabilité le barrage au profit de la population. Aujourd’hui, environ 2000 personnes y travaillent.
Est-ce l’émergence qui se concrétise petit à petit avec l’implantation prochaine d’une unité de fabrication de pâtes alimentaires ?
N.S. : Tout à fait ! C’est l’idée de l’émergence qui s’installe tout doucement. Dans mon programme quinquennal, la question de l’industrialisation occupe une place de choix. Dans le passé, on avait une usine de transformation de beurre de karité à Likikélcé, installée par des partenaires italiens. Par la suite, elle a été fermée et on ne sait pas pourquoi. A Boussé, il n’y a donc pas d’industrie alors qu’une commune où il n’y a pas d’usines et où le commerce n’est pas très développé, il est très difficile de se développer. C’est dans ce sens que je suis allé chercher des partenaires qui ont accepté de venir installer une usine de fabrication de pâtes alimentaires. Cela va aider à lutter contre la faim et également contre la pauvreté. Ces partenaires sont venus ici en début d’année 2018 et nous avons eu à échanger sur le sujet. Ce projet est en cours de réalisation. J’ai été informé que la machine est déjà prête.
Boussé est une petite ville, dépourvue d’infrastructures de tous genres. Pensez-vous qu’elle peut, dans ces conditions, abriter une usine ?
N.S. : Bien sûr ! L’usine va prendre plus de 8000 mètres carrés. C’est vrai que nous n’avons pas beaucoup d’infrastructures, mais les techniciens ont tracé déjà les plans et identifié le site. Nous allons réaliser les infrastructures correspondant à ce type de projet. Boussé n’a pas assez d’infrastructures et baisser les bras, ce sera une erreur. Peut-être qu’une fois que ce projet sera réalisé, il pourrait attirer d’autres investisseurs. Pour les habitants de Ouagadougou, Boussé peut leur servir de lieu de détente où ils trouveront la viande de chèvre à manger, accompagnée bien sûr, des pâtes alimentaires « made in Boussé ».
Vous dites bien, manger et se reposer dans votre commune. Pourtant, Boussé ne dispose pas d’un restaurant digne de ce nom. Est-ce que tous ces paramètres ont été pris en compte dans ce projet ?
N.S. : Effectivement, quand on arrive dans la ville de Boussé, on n’a pas un restaurant-type où des fonctionnaires par exemple peuvent manger. Mais avec ce projet, les choses vont changer. Il y aura un restaurant de type italien répondant aux normes. Cependant, on ne va pas y vendre seulement des mets typiquement italiens. Il y aura également des mets locaux. J’en ai déjà parlé aux partenaires qui ont marqué leur accord. Dans ce restaurant, on va avoir une salle de rencontre, une salle de fête où les gens peuvent venir organiser leurs mariages, leurs anniversaires, des conférences….
Ce projet nécessite des moyens. Peut-on avoir une idée de son coût ?
N.S. : Si je m’évertue à donner un montant, je risque de mentir. Pour cela, je ne sais pas combien ce projet va coûter. Déjà, je ne sais même pas combien coûte la machine. C’est une entreprise familiale italienne qui, depuis les années 1800, a entrepris de transformer le blé et est entrée dans le domaine de la fabrication des pâtes alimentaires.
A partir du moment où la matière première n’existe pas sur place et vu le coût élevé des facteurs de production, est-ce qu’il sera possible à cette entreprise de vendre ses produits à bas prix, sans mettre la clé sous le paillasson ?
N.S : C’est vrai, la matière première sera importée. Je voudrais quand même signaler qu’au Burkina on produit du blé aussi. En toute sincérité, la production nationale ne suffira pas à faire tourner l’usine à plein temps. On peut mettre à profit la coopération Sud-Sud en faisant venir le blé à partir du Maroc. Au moment opportun, on ira voir les premiers responsables des Grands moulins du Burkina pour s’approvisionner en farine de blé.
Implanter une usine à Boussé sous-entend créer beaucoup d’emplois pour les jeunes et les femmes. Mais à vous écouter, ces emplois ne seront pas sécurisés. Expliquez-nous clairement comment les choses vont se passer.
N.S. : Cette question avait été posée le jour de la rencontre que nous avons organisée à l’hôtel de ville de Boussé. Et le partenaire a répondu qu’une fois que ça démarre, c’est non-stop. Il va recruter des ouvriers qui vont faire la rotation et on va former des gens. Il a dit qu’il faut au maximum 20 personnes par équipe, soit 60 personnes par jour pour les trois équipes. Le système que je voudrais mettre en place est avantageux. J’ai vu aux Etats-Unis comment l’on travaille. Faire des contrats de trois mois qui vont permettre à 60 personnes de gagner quelque chose durant cette période et céder leurs places à d’autres 60 personnes, ainsi de suite. Au moment où ces 60 ouvriers sont en train de travailler, ils sont en train de former 60 autres pour les remplacer. Mais il y aura des emplois permanents.
A part cette usine, est-ce qu’il y a d’autres projets en vue au niveau communal ?
N.S. : Il y a un autre projet qui m’a été proposé. C’est un projet qui consiste à récupérer et traiter les ordures ménagères en gaz et en énergie. Toutes les ordures que nous allons récupérer vont passer dans ce circuit. Il y a aussi un projet au niveau de l’élevage, de l’eau potable, d’octroi de microcrédits aux jeunes et aux femmes pour mener des activités génératrices de revenus. En outre, il y a le projet d’appui aux ménages en énergie solaire afin de permettre à leurs enfants d’étudier et aux femmes vivant en milieu rural de mener d’autres activités.
Vous êtes un maire issu de l’opposition. Pourtant, vous avez réussi à faire des réalisations qui parlent en votre faveur. Est-ce que le cercle du pouvoir n’a pas travaillé très souvent à mettre des bâtons dans vos roues?
N.S. : Non. En matière de développement, il n’y a ni opposition ni majorité. Et tout le monde doit aller dans le sens du développement. Il est vrai que notre parti est de l’opposition. Mais je travaille avec tous ceux qui veulent que le citoyen lambda ait de l’eau potable à boire. La dernière fois, il y a eu un ministre qui a donné des vivres. Certains ont dit de ne pas en donner au maire de Boussé parce qu’il est de l’opposition. Je me suis demandé s’il est écrit sur le sac de riz, « parti au pouvoir ». Le parti est de l’opposition, mais est-il contre le développement ? Je suis le seul élu du parti qui n’a pas pris un franc pour battre campagne lors des élections municipales. J’ai été indépendant du parti financièrement. Deuxièmement, j’ai refusé les subventions que les partenaires et l’Etat ont données. Celui qui s’oppose à moi, s’oppose au développement. Parce que ma politique, c’est le développement. Je ne suis pas dans la politique politicienne. Nous sommes tous des Burkinabè et nous ne devons pas laisser ce genre d’idées prospérer.
Quel message avez-vous à lancer à la population de Boussé ?
N.S. : Le message que j’ai à lancer à la population est qu’en toute sincérité, une seule personne ne peut pas amener l’émergence, ni le changement à Boussé et dans ses 16 villages. Je lui demande la solidarité. Qu’elle accompagne le conseil municipal à réaliser les projets pour développer la ville. Nous avons reçu de l’argent avec le Programme d’appui au développement des économies locales (PADEL) et l’argent doit être utilisé de sorte à faire régénérer des fonds pour le bien-être de la commune. Nous avons reçu 320.700.000 F CFA dont les projets seront spécifiés à partir de la première semaine du mois de janvier. Il y a la gare routière, les boutiques de rues à construire, etc. Il y aura également des soutiens aux personnes vulnérables qui recevront de l’argent à travers les moyens électroniques de paiement. Je souhaite qu’on privilégie le développement au détriment de la politique politicienne. Le barrage sera également bientôt réhabilité avec un partenaire qui est au Luxembourg. Je reste disponible pour écouter tout le monde. Le budget de la mairie, c’est 252 millions et plus. Celui qui a besoin de moi, je peux me déplacer pour aller l’écouter chez lui. J’ai décidé de travailler pour Boussé, je meurs pour elle.
Interview réalisée par
Ouamtinga Michel ILBOUDO