Procès « Charbon fin » : l’administration douanière à la barre

Le procès du ministère public contre IAM Gold Essakane S.A s’est poursuivi, le lundi 4 décembre 2023, au Tribunal de grande instance Ouaga I. L’expert douanier était de nouveau à la barre.

Le parquet poursuit son instruction sur les éléments constitutifs de la prévention « mère » qui est la fraude en matière de commercialisation d’or dans le cadre du procès du ministère public contre la société IAM Gold Essakane S.A. A l’audience du lundi 4 décembre 2023, il a souhaité entendre l’expert douanier, Aimé Nana, sur les irrégularités qu’il a décelées au niveau de l’application des dispositions douanières en matière d’exportation dans le cadre du dossier. A la barre, la première irrégularité dont a fait cas l’expert est celle liée à l’autorisation douanière qui a favorisé l’exportation du charbon fin par Essakane. Selon lui, cette autorisation n’est pas conforme.

Car, elle a concerné seulement le charbon actif. « Elle n’a en aucun cas fait mention de l’or contenu dans le charbon actif qui, du reste, est devenu du charbon fin après exploitation dans le processus d’extraction de l’or », a-t-il dénoncé. Pour lui, lorsqu’une exportation porte sur plusieurs articles, il est important de tous les mentionner. A cette irrégularité, Aimé Nana a ajouté une autre en lien avec le régime d’exportation du charbon fin. Selon la logique de l’expert, Essakane a demandé au ministère en charge des mines une autorisation d’exportation à des fins de traitement métallurgique. Ce qui correspond du point de vue de la législation douanière à une exportation temporaire pour ouvraison. Mais, a dénoncé M. Nana, l’autorisation dont a bénéficié Essakane est définitive en une sortie. Ce qui constitue selon lui, une atteinte grave à la législation douanière. Et, ce d’autant plus que « la mention exportation définitive sur le régime E1000 00 signifie que le produit exporté est nationalisé et n’est plus soumis aux taxes douanières ». Pourtant, s’est offusqué l’expert, le charbon actif avait déjà été importé en exonération. « Il ne peut donc pas être utilisé hors de la mine ni exporté par Essakane à moins qu’elle paie l’exonération afin de disposer du produit à sa guise », s’est-il voulu formel. Au regard de toutes ces irrégularités qu’il a constatées, l’expert douanier a conclu que l’exportation du charbon fin s’est faite « sans déclaration ».

Observations sur les 8 tonnes d’échantillons exportées

En plus des irrégularités liées à l’exportation, M. Nana a aussi fait des observations sur les 8 tonnes d’échantillons exportées par Essakane à des fins d’analyses aux Etats-Unis. Pour lui, 8 tonnes constituent une quantité assez grande pour un échantillon. A son observation, la directrice pays par intérim d’Essakane S.A, Blandine Kaboré, a expliqué que ce sont des échantillons géologiques prélevés dans le cadre d’un projet d’extension de la mine pour lequel, il fallait une assez grande quantité d’échantillons en raison de la nature des analyses à effectuer. Du reste, a-t-elle attesté, l’expertise n’a pas abouti à quelque chose de concluant et le projet a été abandonné par sa structure. Qu’à cela ne tienne, le Tribunal a invité l’entreprise à lui fournir le rapport du Bureau des mines et de la géologie du Burkina Faso (BUMIGEB) sur l’opération ainsi que la facture présentant le coût de l’expertise et les conclusions de l’analyse aux Etats- Unis. Pour le Tribunal, l’Etat burkinabè en tant qu’actionnaire devait impérativement être mis au parfum des résultats de l’expertise.

La représentante d’Essakane a alors estimé que l’Etat burkinabè, en tant que membre du conseil d’administration d’IAM Gold Essakane S.A, a eu connaissance du processus. Et, le président du Tribunal de renchérir : « Lorsque les analyses ont été menées, est-ce que vous avez expressément informé l’Etat des résultats ? ». Réponse que Blandine Kaboré a promis de chercher dans les archives d’Essakane en vue d’en informer le Tribunal. En plus des documents attendus de la part d’Essakane, la prochaine audience prévue, ce mardi 5 décembre, va également connaitre la comparution d’un représentant de l’administration douanière que la défense a souhaité entendre sur les irrégularités dénoncées par l’expert du parquet. « Nous ne sommes pas des experts de la législation douanière. C’est donc difficile pour nous de nous prononcer sur les questions techniques évoquées par l’expert du parquet. Il est donc important qu’il y ait quelqu’un de neutre qui pourra également donner son avis sur le sujet », a déclaré, l’un des avocats de la défense. Son observation a été jugée fondée par le Tribunal qui a instruit le parquet de prendre attache avec l’administration douanière afin qu’un représentant soit entendu dans le cadre du dossier.

Nadège YAMEOGO

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