Un avenir en pointillé

L’existence du G5 Sahel, organisation créée en février 2014 par cinq Etats du Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), est sérieusement menacée. Après le Mali en mai 2022, l’institution, censée lutter contre le terrorisme se fragilise davantage, si elle ne court pas à sa perte, avec le départ de deux autres membres, le Burkina Faso et le Niger. Ces deux Etats ont, à travers un communiqué conjoint, claqué la porte de tous les organes, instances et force conjointe du G5 Sahel, à compter du 29 novembre 2023. Si, le Mali s’était retiré pour protester contre des manœuvres visant à l’empêcher d’assurer la présidence tournante de l’organisation, ce pays avait surtout pointé du doigt l’inefficacité du G5 Sahel à lutter contre les groupes armés qui écument la sous-région.

Ce dernier argument a été également avancé par le Burkina et le Niger qui n’en peuvent plus d’appartenir à une institution peinant à atteindre ses objectifs depuis sa création. Un autre argument et pas des moindres qui a poussé les trois Etats cités à quitter l’organisation : le G5 Sahel serait à la solde de la France, avec laquelle, ils ne sont pas en odeur de sainteté.

A Niamey, Bamako et Ouagadougou où, la politique française en Afrique est très mal perçue, on n’a de cesse de dénoncer la mainmise des Occidentaux sur ce « machin » qu’est le G5 Sahel. Les autorités nigériennes et burkinabè n’ont-t-elles pas évoqué à propos des « lourdeurs institutionnelles, des pesanteurs d’un autre âge qui achèvent de nous convaincre que la voie de l’indépendance et de la dignité sur laquelle nous sommes aujourd’hui engagés est contraire à la participation au G5 Sahel dans sa forme actuelle ». L’aventure du Mali au sein de l’institution s’était arrêtée depuis plus d’un an. C’est le cas à présent pour le Burkina et le Niger. Regroupés  depuis septembre 2023 au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), ces trois pays qui partagent les mêmes défis sécuritaires vont désormais conjuguer leurs efforts dans la lutte contre le terrorisme, avec l’appui de nouveaux partenaires (Russie, Turquie…).

Exit donc le G5 Sahel, limité dans ses ambitions par certaines insuffisances et qui ne répond pas à la nouvelle vision de l’AES. Alors qu’il était promis à un bel avenir, l’organisation rencontre des difficultés financières qu’elle n’arrive pas à surmonter. Les promesses de financements, qui devaient garantir la pérennité et le succès des opérations du G5 Sahel, n’ont pas été toutes tenues. Les donateurs s’étaient pourtant montrés très enthousiastes à la Conférence internationale sur le Sahel, tenue à Bruxelles en février 2018, avec des promesses de financements de 415 millions d’Euros. Les soucis financiers compromettent plus ou moins la mise en œuvre de la force conjointe du G5 Sahel. Entrée en action en novembre 2017 avec le soutien de l’ex-opération militaire française au Sahel, Barkhane, cette force qui devrait contribuer à combattre avec brio les terroristes, a été vite confrontée à des problèmes opérationnels et logistiques. Ces limites objectives n’ont pas permis à la force conjointe de faire mouche. Bien au contraire, l’insécurité s’est accrue au Sahel pour s’étendre jusqu’ aux pays côtiers, tels que le Togo et le Bénin.

En quête de solutions pour ses problèmes financiers, le G5 Sahel qui n’a pas encore réussi à faire placer sa force conjointe sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies voit ses fondements ébranlés avec le départ des trois pays. Si l’institution a survécu au départ du Mali, il n’est pas évident cette fois-ci avec le départ du Niger et du Burkina, tous aussi affectés par le terrorisme. Il ne reste plus que la Mauritanie et le Tchad qui donnent corps au G5 Sahel. Alors, on est en droit de s’interroger sur la capacité de ces deux pays à continuer à faire fonctionner l’organisation, sans les autres membres, dans un contexte géopolitique aussi clivant. On ne saurait proclamer la mort du G5 Sahel, mais il faut reconnaitre que son avenir est en pointillé ».

Kader Patrick KARANTAO

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