Quelle viande !

Quand je vois tous ces « carnivores » se bousculer chez certains bouchers-grilleurs de la place, je perds l’appétit. Parfois, je me demande avec quoi il assaisonne sa viande pour susciter tant de boulimie. Il y a même de « rapaces de classe » qui atterrissent chaque jour vers dix heures pour dévorer de la « bonne chair ».

Pendant que le grilleur en sueur s’égoutte sur le tas de viande au feu, les inconditionnels voraces des lieux s’impatientent. Il y en a même qui se font servir de la viande à peine cuite pour assouvir les désirs pressants et gloutons du monstre qui les habite. Ils tireront les morceaux comme de l’élastique avant de les avaler au foceps, en cascade. L’odeur du piment et de l’huile cramée font couler leurs narines et à force de s’acharner sur l’intrépide morceau qui ne veut pas se laisser faire, ils se mordent les lèvres en vrac.

A la fin du « massacre », le champion de la « mal bouffe » démarre en trombe en rotant. Pour lui, il vient de bien manger. Pour lui, il n’est pas n’importe qui, mais à quel prix ?
En vérité, l’impénitent dévoreur de bonne chair vient de s’alimenter à la poubelle. Cette viande qu’elle a avalée a été trimballée à moto de l’abattoir à la table du boucher, sans la moindre protection. Perchée sous les pieds du « transitaire », elle a balayé les rues poussiéreuses de la capitale.

Elle a emporté toutes sortes de saleté et de microbes avant d’arriver sur les grilles du malsain festin. Il y en a qui transportent ces viandes dans des taxis motos sans se gêner de transporter des clients aux « pieds noirs ». Une fois à destination, la viande n’est même pas lavée. Elle est servie comme telle dans le panier de la ménagère. Elle est grillée à la sauvette et servie au plus pressé des clients.

En matière de santé publique, c’est déplorable, mais le phénomène se porte bien. En termes de bienséance, sous d’autres cieux, on ne peut imaginer que de la viande saine quitte un abattoir pour traîner jusqu’à l’assiette de l’honnête citoyen. Peu importe qu’elle passe au feu, combien de microbes meurent au feu et combien parviennent à chuter dans le ventre du mangeur insouciant ?

Depuis que la viande est devenue un chiffon transporté en haillons, je suis devenu végétarien. Je grignote des crudités et des céréales, loin de la chair infecte et indigeste. Depuis que la viande se balade dans nos rues, je boude le boucher et ses carcasses. En attendant que les mauvaises pratiques hygiéniques ne cessent, je mets une croix sur la viande aussi tendre soit-elle. Tant pis si elle est marquée du sceau de l’abattoir, c’est illusoire ! A quoi sert de certifier la qualité sanitaire d’une viande au départ pour la retrouver à l’arrivée digne d’un merdier ?

Encore faut-il que ces cachets soient les vrais. Quand on veut vraiment émerger du lot, il faut assainir nos mentalités en nous imposant de bonnes règles de conduite. Mais de quoi je me mêle quand dans ce pays, des vendeurs ambulants de viande grillée se promènent dans la poussière pour servir les morceaux pimentés d’une avidité insoucieuse ? Heureusement que certains bouchers prennent des précautions pour protéger le consommateur en respectant les règles d’hygiène.

Cette chronique n’est pas écrite pour couper l’appétit des mangeurs de viande. Elle n’a ni l’intention de salir l’image du boucher aux mains propres. Elle tire simplement la sonnette d’alarme sur les tares d’une société. Elle met à nu ce qui est déjà visible mais que l’on refuse de voir en détournant le regard. Heureusement que la Brigade Laabal est là. En attendant, j’irais moi-même chasser en brousse mon gibier s’il le faut. Mais ne me tendez pas un morceau de viande ambulante. Je suis végétarien, donnez-moi de petites crudités à croquer à pleines dents.

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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