Selon le rapport pays 2025 de la Banque africaine de développement (BAD), intitulé : « Tirer le meilleur parti du capital du Burkina Faso pour favoriser son développement », l’économie burkinabè a continué son expansion en 2024, en dépit de la persistance des défis sécuritaire, humanitaire et climatique et d’un contexte régional en mutation et d’une conjoncture internationale plutôt morose, avec un taux de croissance établi à 5% contre 3% en 2023.
« L’économie burkinabè a montré une certaine résilience en dépit des défis multidimensionnels auxquels le pays fait face. Les indicateurs macroéconomiques sont globalement encourageants et les perspectives économiques restent favorables. Cependant, le secteur social demeure difficile… ». Ce diagnostic ressort du rapport pays 2025 de la Banque africaine de développement (BAD) sur le Burkina Faso, intitulé : « Tirer le meilleur parti du capital du Burkina Faso pour favoriser son développement ». En effet, en 2024, le Burkina a poursuivi son expansion avec sa croissance qui est passé de 3% en 2023 à 5%. Cette croissance est portée par les secteurs de l’agriculture et tertiaire, notamment le commerce et les services. Le bond significatif du secteur agricole tient à la campagne 2024/2025, due à la bonne pluviométrie, aux soutiens majeurs du gouvernement et des partenaires. La production de l’or, soutenue par l’envolée des cours, a contribué à plus de 3/4 des recettes d’exportations du pays, malgré le contexte sécuritaire. Pour ce qui est du PIB par tête, après une évolution erratique entre 2020-2022, il a progressé modestement avec une augmentation de 2,7% pour 2024. Ces performances ont été réalisées dans un contexte d’amélioration de la situation sécuritaire marquée par un contrôle de plus de 71% du territoire national, contre environ 40% en 2022 et plus d’un million de Personnes déplacées internes (PDI) ayant regagné leurs villages d’origine en fin 2024. Quant à l’inflation, elle a connu une hausse en passant de de 0,7% en 2023 à 4,2% en 2024, compte tenu du renchérissement des produits alimentaires locaux, engendrée par l’offre locale insuffisante de produits vivriers de la campagne agricole 2023/2024. Au niveau secteur financier, la BAD indique que le système bancaire est globalement stable et rentable, bien que le crédit à l’économie par rapport au PIB ait reculé de 33,7% du PIB en 2023 à 30,1% en 2024. Cependant, la part de l’actionnariat public dans le capital du secteur bancaire, a, quant elle, enregistré une hausse en passant de 15,9% en 2019 à 22,0% en 2023, du fait des prises de participations majoritaires dans le capital de certains établissements en difficulté ou à l’entrée de nouveaux acteurs dans l’écosystème.
L’impact des réformes
En matière de finances publiques, la crise sécuritaire et humanitaire continue d’affecter le budget de l’Etat, avec une part budgétaire allouée à la défense de 29,5 %, contre 28,4 % en 2023. En dépit de l’amenuisement des dons, le Burkina a réussi à réduire son déficit budgétaire qui s’est établi à 5,6% en 2024, contre 6,7% du PIB en 2023, et grâce à une volonté de consolidation budgétaire, à travers un certain nombre d’actions et de réformes, tels que, l’élargissement de l’assiette fiscale, la mise en œuvre du projet cadastre fiscal, de la facture normalisée et des télé-procédures, la lutte contre les fraudes, la rationalisation dans les coûts de fonctionnement de l’administration, etc. Quant à l’endettement public du Burkina, il « reste viable et le risque de surendettement est modéré », avec un encours de la dette publique estimé à 58,4% du PIB en 2024, contre 55,6% du PIB en 2023, inférieur au seuil communautaire de 70 %. Toutefois, la dette du pays reste dominée par la dette intérieure (59,6%), en lien avec le recours au marché financier régional pour financer les déficits publics. Après une détérioration ces dernières années, le déficit des transactions courantes s’est amélioré également en 2024 pour s’établir à 3,5% du PIB contre 4,9% en 2023. Si, les transferts reçus, y compris les dons des aides budgétaires des partenaires, ont baissé, le rapport note que les transferts nets de la diaspora s’élèvent à 220 millions d’USD en 2023. Sur le plan social, le rapport pays de la BAD indique que l’incidence de la pauvreté était de 43,2% en 2021 contre 41,4% en 2018, mais plus marquée dans les régions à défi sécuritaire. En matière d’emplois, le Burkina a enregistré des taux de sous-emploi de 26,6%, de chômage national de 5,3%, avec une proportion de 8,5% pour les jeunes. « L’indice de développement humain reste faible à 0,459 (2023), classant le Burkina au 186e sur 193 pays. L’espérance de vie à la naissance était estimée à 61,1 ans en 2023 », indique le rapport.
Des perspectives économiques positives
En matière de projection, le rapport annonce de perspectives économiques positives, avec une croissance du PIB réel attendue à 5,7 % en 2025 et à 6,8 % en 2026 et portée par l’augmentation de la production agricole et extractive. En 2025, l’inflation devrait s’établir à 2,6 % et le déficit budgétaire à 3,5% du PIB, en raison de la hausse des recettes publiques et un meilleur contrôle des dépenses budgétaires. Selon la BAD, les principaux risques qui pourraient perturber les perspectives économiques restent liés au défi sécuritaire, aux effets négatifs majeurs du changement climatique, aux différends entre regroupements régionaux dans l’Afrique de l’Ouest et la baisse importante de l’aide au développement. Selon la BAD, le Burkina Faso aurait besoin de 5,1 milliards de dollars par an jusqu’en 2030 (soit 19,3 % du PIB prévu pour 2024) pour accélérer son processus de transformation structurelle. Mais, en prenant l’échéance de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) comme référence, les besoins de financement annuels sont réduits à 0,9 milliard de dollars (soit 3,4 % du PIB prévu pour 2024). « Le pays devrait augmenter ses recettes fiscales de 19 points de pourcentage (respectivement 3,4 points de pourcentage), pour pouvoir combler son déficit de financement afin d’assurer sa transformation structurelle en 2030 (respectivement 2063) », précise le rapport. Pour la BAD, « le Burkina Faso dispose d’un niveau considérable de capital naturel, humain, commercial/ produit et financier pour réaliser ses aspirations en matière de développement ». Par exemple, avec un total de bilan de 73% du PIB et un actionnariat globalement national, (40,7% privé et 22% public), le secteur bancaire burkinabé peut disposer des ressources financières potentiellement mobilisables. A cela s’ajoute, les services financiers décentralisés, les assurances, les Caisses de prévoyance sociale, les Fonds nationaux, les Fintech, l’épargne nationale et sous-régionale, qui constituent d’autres sources de financement. « Par ailleurs, la réduction des flux financiers illicites dans l’exploitation de l’or, estimés à 2 770 milliards F CFA sur la période 2012-2021, sont parmi les ressources sur lesquelles le pays peut miser pour le financement de développement », souligne le rapport.
De la nécessité de valoriser le potentiel naturel
Sans oublier les financements innovants, comme le capital-risque, les financements verts, qui restent encore peu utilisés. A titre illustratif, selon les analyses de la BAD, en matière de crédit carbone, le Burkina Faso devrait recevoir un montant de 4,13 milliards de dollars par an sur la période 2022-2050, à titre de compensation pour les effets des changements climatiques, en vertu du principe de « responsabilités communes mais différenciées ». Le pays dispose d’un potentiel en capital naturel pour réussir la transformation structurelle de son économie. Il est composé de ressources naturelles renouvelables com-prenant les eaux de surface (environ 200 000 ha) et souterraines, les terres agricoles (9 millions d’ha dont 1/3 cultivée), les forêts (1/5 du territoire), les pâturages pour l’élevage, les ressources halieutiques (20 000 tonnes par an), et de ressources naturelles non-renouvelables qui sont des réserves minérales (l’or, le zinc, le cuivre, le manganèse …), globalement sous-exploitées à l’exception de l’or, indique la BAD. Mais pour transformer cet énorme potentiel naturel en produits tangibles, elle recommande d’entreprendre un certain nombre d’initiatives et de réformes, à court, moyen et long terme. Il s’agit, entre autres, d’améliorer la productivité du secteur agricole, promouvoir la transformation agro-industrielle des produits locaux, renforcer l’efficacité des mécanismes de recouvrement des revenus miniers et la lutte contre les flux financiers illicites, améliorer l’accès à l’éducation et à la formation technique et professionnelle et l’accès aux services de santé de qualité, augmenter les fonds de garanties ou autres moyens de financement des PME. Sans oublier la nécessite de développer les chaînes de valeur verticales et horizontales pour accroître la valeur ajoutée dans l’exploitation minière, créer un fonds souverain pour gérer les recettes minières, développer une stratégie de mobilisation des capitaux de la diaspora via l’émission d’obligations dédiées au financement du développement durable. Le cadre institutionnel de la gouvernance constitue aussi un élément clé. Et, il faut y renforcer la lutte contre la corruption et la fraude, augmenter la part des ressources financières et humaines dédiées à la gestion forestière, améliorer l’accès de la population à la justice, renforcer le cadre juridique de secteur minier.
Synthèse de Mahamadi SEBOGO Windmad76@gmail.com