Soudan du Sud : Cent jours d’espoir

Il y a huit ans, en juillet 2011, le Soudan du Sud proclamait son indépendance et devenait le plus jeune Etat du monde. Le Sud, en majorité chrétien, se séparait ainsi du Nord musulman, après des décennies de guerre civile entre rebelles sudistes et gouvernements successifs de Khartoum ayant fait des millions de morts. Après cette scission, de nombreux différends ont persisté entre les deux pays, d’une part, notamment sur le partage des revenus pétroliers, mais aussi entre les différentes ethnies à l’intérieur du Soudan du Sud, d’autre part. Une situation qui a abouti à une guerre civile dans ce tout- nouveau pays en décembre 2013 lorsque le chef de l’Etat, Salva Kiir, de l’ethnie majoritaire Dinka, a accusé son vice-président, Riek Machar, de l’ethnie Nuer, de fomenter un coup d’Etat. Des faits que Machar a niés avant de quitter le pays tout en appelant l’armée à renverser Kiir qui, selon lui, veut «allumer une guerre ethnique». Effectivement, leur rivalité a dégénéré en un conflit ethnique auquel diverses milices tribales se sont jointes.
En 2015, après un bilan humain catastrophique, un fragile accord de paix et de partage du pouvoir a été signé à Addis Abeba (en Ethiopie) sous l’égide de la communauté internationale. Ce qui a permis à Machar de revenir au pays en 2016, accompagné d’un fort contingent d’hommes armés, pour reprendre son poste de vice-président et former un gouvernement d’union nationale avec le président Kiir.
Un second accord de paix entre les deux belligérants a été signé en 2018. Mais depuis lors, le processus piétine et les incertitudes demeurent. Si fait qu’une première prorogation de six mois du délai leur avait été accordée sans succès, puis une nouvelle de 100 jours à compter de ce 13 novembre. Ce second « bonus » devrait non seulement permettre la formation d’un gouvernement d’union mais aussi régler les blocages concernant la sécurité et le découpage fédéral du pays. Mais pour les Sud Soudanais ainsi que pour certains observateurs de la scène politique dans ce pays, 100 jours, ce n’est rien au vu du niveau actuel du processus de paix. Et un des principaux éléments qui pourrait aider au dénouement de la crise est bel et bien le nerf de la guerre. En effet, le président Salva Kiir n’a pas encore débloqué les 100 millions de dollars nécessaires à l’application de l’accord, malgré la pression de l’Autorité intergouvernementale pour le développement. Incapacité financière ou manque de volonté politique ? Difficile d’y répondre. Mais l’opposition politique ne tergiverse pas. Elle est pour la deuxième hypothèse. Pour elle, M. Kiir refuse tout simplement de financer la paix. Une accusation que ce dernier n’admet pas et tente de calmer les esprits en appelant les signataires à être patients, promettant de parler avec tout le monde et de débloquer le reste de la somme convenue. Pour accroître la pression sur lui, il est attaqué sur un autre front.
D’aucuns estiment que s’il voulait réellement la paix, le président aurait libéré les prisonniers politiques et annulé son très controversé décret augmentant le nombre d’Etats fédéraux. Un décret qui, selon eux, peut être pris, sans négociations préalables.
Si les autorités ne se ravisent pas, cette nouvelle prorogation risque aussi d’avoir de sérieuses répercussions sur l’économie du pays déjà pas très reluisante. En effet, déçus de ce nième sursis accordé à Salva Kiir et son rival, les Etats-Unis ont promis par exemple de revoir leur relation avec Juba, une allusion à d’éventuelles sanctions. Il reste à voir si le pays de l’oncle Sam prendra vraiment le risque de punir les autorités soudanaises dans cette période si sensible. Rien n’est moins sûr. En attendant, les Sud-Soudanais doivent prendre leur mal en patience. Leur salut ne viendra que d’une vraie volonté politique.

Daniel ZONGO

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