Il est entré dans l’histoire du football burkinabè en devenant, avec 34 réalisations, le meilleur buteur de tous les temps. Attaquant de pointe percutant, vif et explosif, il fait partie de cette race de buteur en voie de disparition. Très réservé et peu bavard, Moumouni Dagano qui a trainé sa bosse en Belgique, en France et dans le golf a accepté pour la première fois depuis sa retraite footballistique de se confier. Exclusivité.

Que devient Moumouni Dagano ?

Je me porte super bien malgré que je me fasse rare. Je vous rassure que je ne me suis pas déconnecté du football, surtout burkinabè malgré le fait que je sois maintenant dans le monde des affaires.

Tu es maintenant dans le monde des affaires comme tu viens de le faire savoir. L’on peut dire que ta reconversion se passe bien ?

Au début, c’était un peu difficile. Présentement, j’ai pu aussi faire ma place dans ce milieu. Mais, vue la situation de la crise sécuritaire, nous croisons les doigts et prions pour que les choses rentrent dans l’ordre le plus vite possible.

Pourquoi ce silence depuis ta retraite footballistique ?

C’est vrai que quand j’étais en activité, j’étais plus visible que maintenant. Sachez que je suis de nature très réservée. En plus, le fait d’être dans les affaires pourraient expliquer cela.

Est-ce que cette réserve aussi est liée à ton départ en queue de poisson de l’équipe nationale après la CAN 2013 ?

Il est vrai que mon départ de l’équipe nationale n’a pas été comme je l’aurai souhaité. Je voulais continuer à servir la Nation. Je prends ce départ douloureux du bon côté. Dans la vie, il faut toujours prendre les choses du bon côté. Le peuple burkinabè tout comme les journalistes ont été témoins de ce qui s’est passé.

Qu’est-ce qui s’est passé exactement en son temps ?

Permettez-moi de ne plus y revenir. Pour moi, c’est du passé. Le plus important est que je me sente bien.

L’on se rappelle que tu avais été incarcéré à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou alors que tu étais au summum de ta carrière pour une affaire de document. L’as-tu toujours en travers de la gorge ?

(Rires) Pas du tout ! J’avoue que cette situation m’a rendu plus fort. Souvent, il faut provoquer le destin. Et je pense l’avoir provoqué du bon côté. Certaines décisions m’ont joué des tours mais m’ont rendu plus fort. La preuve, quand j’ai été libéré, j’ai fait mes preuves sur les pelouses les jours qui ont suivi.

Penses-tu avoir bien passé le témoin avec ce départ qui n’a pas été fait dans les règles de l’art ?

C’est à vous les observateurs du football burkinabè de voir si le témoin a été bien passé au vu des performances de nos attaquants depuis que je suis à la retraite. Chaque génération a son temps et sa façon de voir les choses. Quand je suis arrivé au haut niveau, j’ai trouvé des ainés comme Kassoum Ouédraogo dit Zico, Omar Barro, Mamadou Zongo dit Bébéto etc. Ils ont fait leur temps. Je suis arrivé et j’ai fait aussi le mien. Je suis fier de ce que j’ai fait. Sans me vanter, je dirai qu’il n’est pas facile de trouver un attaquant de pointe comme moi. Partout où je suis passé, que ce soit en Belgique, en France et surtout dans le Golf au Qatar, à chaque fois qu’ils demandent un attaquant, ils précisent comme moi (rires). Il est vrai que j’ai beaucoup travaillé, mais je dirai que dans mon cas, c’est un don de Dieu et je lui rends grâce.

Tu es qu’à même le meilleur buteur du Burkina de tous les temps. Qui vois-tu pour te succéder et battre ton record ?

(Rires) Honnêtement, il m’est difficile de répondre à cette question. Comme je le disais, chaque joueur a son époque. Il y a eu un temps où des gens ont suscité le débat autour de Aristide Bancé, Alain Traoré et moi sur le nombre de buts en équipe nationale. Je ne dirai pas que je suis unique, mais, c’est une grâce. Déjà, avant de battre ce record en buts, sachez que j’avais été décoré en tant que joueur du cinquantenaire quand j’ai été le meilleur buteur des éliminatoires de la Coupe du monde 2010. Les gens oublient cela.

Est-ce à dire qu’il faut encore attendre 50 ans pour avoir un attaquant comme toi ?

(Rires). Certains parlent aujourd’hui de Franck Lassina Traoré, de Dango Ouattara en oubliant que nous n’avons pas le même style de jeu. J’étais bien entouré avec des coéquipiers avec qui l’entente était parfaite. En tous les cas, les records sont faits pour être battus. Je souhaite à mes jeunes frères de pouvoir le réaliser.

Qu’est ce qui explique aujourd’hui, selon toi, la rareté des attaquants de race comme toi ?

Je vous l’ai dit tantôt, chez moi, c’est un don. Bien sûr que le travail est important. Quand j’étais jeune, que ce soit en équipe nationale ou en club, si je ne marque pas lors d’un match, j’en fais tout un problème. Un attaquant doit avoir de la niaque et être un peu égoïste. Car, il est jugé sur les buts. J’ai espoir que cette race d’attaquants dont vous parlez va venir, même si pour le moment, il est difficile d’en trouver.

Quels souvenirs gardes-tu de ton passage en équipe nationale ?

Je garde de très bons souvenirs, même si j’ai quitté l’équipe en n’étant pas content. C’est comme je vous le disais tantôt, c’est du passé. Aujourd’hui, j’échange avec ceux qui avaient provoqué cette frustration. C’est dire qu’il n’y a plus de problème. Souvent, Dieu nous met dans des épreuves et je pense que ce fut le cas.

Comment juges-tu l’équipe actuelle des Etalons ?

J’étais à la CAN 2021 avec eux. Cela a été une occasion de connaitre physiquement les joueurs. Nous avons une très belle génération. Ils sont jeunes et talentueux. Ils doivent continuer à se battre pour mériter leur place dans l’équipe nationale et être une famille. Venir en équipe nationale doit être une fierté pour tout sportif. A notre temps, avant même que la liste ne tombe, l’on s’appelait déjà pour spéculer. Ils doivent jouer chaque match comme le dernier de leur carrière. Souvent, nous footballeurs, ne mesurerons pas l’immense plaisir que nous offrons au peuple. Je leur souhaite le meilleur. Dieu merci, ils ont validé leur ticket pour la CAN 2023 en Côte d’Ivoire. Ils ont le temps pour mieux parfaire certains automatismes avant le jour J.

Que penses-tu des critiques sur le coaching d’Hubert Velud après la double confrontation face au Togo ?

Avant de parler du coaching d’Hubert Velud, il faut reconnaitre qu’en face, il y avait un certain Paulo Duarte qui connait bien les Etalons pour avoir contribué à faire de cette équipe ce qu’elle est présentement, surtout dans un passé récent. Avec son adjoint Narcisse Yaméogo, ils connaissent parfaitement le football burkinabè. Il faut donc tenir compte de cet aspect. Concernant le choix des hommes aussi critiqué, je voulais rappeler d’abord aux joueurs qu’aucune place n’est acquise d’avance en équipe nationale. Moi en tant que capitaine et leader entre temps de l’équipe nationale, à chaque fois que je venais défendre les couleurs de la Nation, je me battais dans l’objectif d’assurer ma place à cause de la bonne profondeur du banc de touche. Je voudrais aussi demander au peuple de soutenir et d’encourager mes jeunes frères car ils en ont beaucoup besoin. En tous les cas, l’objectif était la qualification. Ce qui est effectif. Quant au coach, il va apprendre de ses erreurs.

En termes de bilan, que retiens-tu de ta carrière professionnelle ?

Dans l’ensemble, je qualifie de positif la carrière que j’ai pu mener. Même s’il est vrai que j’ai eu à faire de mauvais choix par moment, notamment sur le plan managérial. C’est un détail qui compte. Sans oublier l’entourage qui peut influencer ta carrière. Avoir un bon agent est primordial. Par exemple, quand on regarde présentement dans les grands clubs, il n’y a pas de Burkinabè et c’est vraiment dommage. Nous devons travailler à offrir de meilleures chances à nos jeunes frères, afin qu’ils aient de bons agents pour espérer évoluer dans de grands clubs. Il est vrai qu’à la CAN 2013 j’étais vers la sortie. Mais, quand je me rappelle de certains jeunes coéquipiers qui ont tout donné avec leur talent et n’ont pas pu obtenir de bons contrats pour intégrer de grands clubs, il y a des questions à se poser. Il en fut de même après la CAN 2017.

Des regrets ?

Pas tellement. C’est peut-être de n’avoir pas effectué le bon choix d’un agent inffluent. De bons souvenirs ? Inévitablement la CAN 2013. Car, après quatre phases finales sans dépasser le premier tour, je me retrouve en finale. Ce fut vraiment extraordinaire.

A quand le jubilé de Moumouni Dagano ?

(Rires) Beaucoup de personnes m’en parlent. Nous allons d’abord prier pour que le pays retrouve la paix. S’il y a la paix, chacun peut réaliser son rêve. Pour dire vrai, j’ai le projet de mon jubilé dans la tête. Je profite remercier les ministres des Sports qui se sont succédés et des présidents de la Fédération burkinabè de football. Chacun d’eux m’ont toujours dit que c’est quand je veux pour mon jubilé. Et cela m’a toujours fait chaud au cœur. C’est la preuve que j’ai bien servi la Nation. Je n’ai pas de date mais ce sera fait.

Ton club l’EFO traverse des moments difficiles. Ne serait-il pas catastrophique de le voir reléguer en D2 ?

Déjà, il faut que des clubs légendaires comme par exemples l’EFO ou l’ASFA-Y songent à la formation. Avec pourquoi pas des centres de formation et ne pas être toujours dans du prêt à porter. Il est vrai que nous les anciens devons-nous approcher de nos clubs pour partager nos expériences. J’ai eu à discuter à ce sujet avec le président de l’EFO. Très sincèrement, ce sera dommage si l’EFO n’arrive pas à se maintenir. Quand vous voyez des clubs comme Salitas, Rahimo, Vitesse etc., qui viennent d’arriver, l’on remarque tout de suite qu’ils ont mis en avant la formation. En somme, il faut que les équipes considérées comme « familiales » s’ouvrent et essaient de trouver des partenaires solides, parce que le football est devenu un business. Et qui dit business parle de partenariat gagnant-gagnant.

Le renouvellement des structures sportives c’est dans un an. Penses-tu qu’un ancien footballeur puisse prendre les rênes de la Fédération de football ?

(Rires) Pourquoi pas ! Comme on n’aime le dire souvent, « le football aux footballeurs ». Mais, les anciens footballeurs doivent se mettre une chose dans la tête : ce poste ne leur sera pas offert sur un plateau d’or. Si nous, les anciens footballeurs, voulons la présidence de la FBF, nous devons aller la chercher. Et cela commence par une bonne entente, une solidarité, une unité entre nous. Il faut que nous nous préparions bien. Déjà, pourquoi ne pas prendre d’abord des clubs où nous pourrions apporter notre vécu et nos expériences ? Etre à la Fédération c’est très bien, mais, portons-nous aux devants des clubs pour les rendre plus forts et faire nos preuves.

Peut-on s’attendre à voir Moumouni Dagano intégrer la structure fédérale un jour ?

Affirmatif ! Je l’ai en projet. Pas dans l’immédiat, car, je vais laisser passer cette euphorie présente avant de me décider. Vous me permettrez de rebondir sur cette affaire de fédération pour demander à l’actuel président de travailler à réunir tout le monde sportif. Lui seul peut le faire pour la bonne marche du football burkinabè.

Réalisé par ­­Yves OUEDRAOGO

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