Au pays depuis un bon moment, le champion du monde du triple saut, Hugues Fabrice Zango est porteur d’un projet de création d’un Centre de formation d’athlètes. Il annonce aussi la fin de sa carrière, en 2026.
Qu’est ce qui explique la présence de longue durée de Fabrice au pays ?
(Rires). Le Burkina c’est quand même mon pays. Depuis 2017, avec mes études et l’entraînement haute intensité, je n’ai jamais vraiment eu le temps de développer mes idées, mon business et surtout profiter des miens. Aujourd’hui, j’ai mon diplôme de docteur et c’est la fin d’un cycle olympique. Je me donne un peu de temps avant de reprendre mes entraînements de façon intensive pour mon dernier grand acte : la défense de mon titre au Japon en septembre 2025.
Est-ce un signe annonciateur d’une retraite ?
C’est bien le cas parce que beaucoup d’autres défis commencent à prendre de l’importance à mes yeux au même titre que le sport. Mais, je ne vais pas m’ennuyer avec tout ce que je dois encore faire pour moi et mon pays. De toute façon, il faut partir à temps et ne pas s’accrocher quand l’envie décline. Les mondiaux sont mon dernier défi. J’arrête en 2026.
Sportivement, tu n’as presque plus rien à prouver sur le plan mondial, quelle est la suite ?
J’ai franchement eu jusque-là, une carrière incroyable. Après avoir réussi à changer les mentalités sur notre vrai potentiel, mon objectif est maintenant de commencer à réunir certaines conditions pour débloquer de bons niveaux de performance pour les jeunes.
Crois-tu à la relève dans le domaine du triple-saut avec notamment le jeune Loué ?
Je crois au potentiel des gens et il faut croire que j’y crois souvent plus que les personnes elles-mêmes. Yacouba Loué aura sa chance de nous montrer sa détermination parce qu’il me rejoint dans quelques semaines en France pour étudier et s’entraîner. J’essaie de mon mieux de donner sa chance à Loué comme je l’ai fait pour Marthe Koala et Bienvenu Sawadogo et cela continuera pour tous ceux qui suivront.
Quels conseils as-tu pour lui ?
Qu’il soit courageux et ne ménage pas ses peines.
Quelle sera ta reconversion ? Vas-tu rester dans le sport ?
Mes défis sont nombreux et je ne vais pas m’ennuyer. Le Génie électrique, l’encadrement sportif… des domaines que je continue de pratiquer après ma carrière sur la piste.
L’on voit ton activisme ces derniers temps au pays. Qu’en est-il de ce projet de centre ?
Il s’agit d’abord d’un club d’athlétisme qui se distinguera des autres par sa pédagogie. Nous visons des jeunes scolarisés dont le talent prédit un potentiel top 20 mondial dans quelques années. Nous les encadrons et ceux qui auront un bon profil Sport Etude seront propulsés à l’issue du Bac dans des clubs étrangers pour se développer davantage. Ici au Burkina, nous n’avons pas encore assez d’outils et de passion pour emmener un athlète sur un podium mondial. Ce club constituera un passage intéressant pour ces jeunes. Ils recevront une formation psychologique en plus pour leur sport…
Comment va se passer le recrutement des pensionnaires ?
Uniquement par test. Ils font un test pour évaluer leur performance. Les meilleurs seront retenus pour des examens médicaux qui valident leur bon état de santé pour suivre le rythme des entraînements.
Pratiquement, comment ce centre va fonctionner ? Régime internat ou externat ?
La formation est au cœur des activités de ce club : formation des coaches, des athlètes, des membres du club. Je pense que les pratiquants ne savent pas assez de leur sport pour prétendre au haut niveau des fois. Les athlètes auront des ateliers théoriques sur leur entraînement et une formation psychologique pour la vie et leurs objectifs sportifs. Les coaches, eux, auront des mentors qui ont formé des champions du monde en Europe pour la première année de leur exercice. En développant ces capacités, nous franchiront certains paliers. Au niveau infrastructures, nous aménageons des pistes praticables sans risque pour les jeunes qui se réuniront 3 fois par semaine avec une séance supplémentaire en ligne.
As-tu des partenaires qui vont t’accompagner dans le projet ?
Nous sommes encore à la recherche pour la pérennité du projet. Je voulais profiter de l’occasion qui m’est offerte pour rappeler au peuple du Burkina que le combat ne fait que commencer. Le drapeau flotte haut aujourd’hui et il faut que ça soit le cas demain et à jamais. Pour cela, les parents doivent inciter les enfants à la pratique du sport en club et les enfants doivent comprendre que faire le sport et les études est une voie pavée d’or pour devenir des humains complets et accomplis.
Interview réalisée par Yves OUEDRAOGO