L’évocation de l’Association sportive de l’avenir (ASA) ne renvoie pas forcément à lui. D’ailleurs cela ne colle pas trop avec sa personnalité. Homme de l’ombre, c’est bien pourtant Isaac Sawadogo, Bouki pour les intimes pour ne pas le nommer, qui a porté sur les fonts baptismaux cet antre ambitieux dans la formation de la relève footballistique au Burkina Faso. Fils d’un ancien dirigeant de l’EFO, Isaac qui a hérité de son abnégation pour le foot de son défunt-père, vit bien sa passion au grand bonheur des tout-petits.
Dans les années 90, l’Etoile filante de Ouagadougou (EFO) était l’une des rares équipes qui avaient une main mise sur le football burkinabè, notamment tout ce qui concerne les compétitions sur le plan national. La formation « bleu-blanc » était alors dirigée par de véritables passionnés tels Georges Marshall, Pierre Sawadogo, etc. « Pierre vivait vraiment sa passion. Je me rappelle qu’à l’arrivée du joueur Mohamed Kann, c’est lui et Norbert Tiendrebéogo qui ont décidé volontiers de lui acheter une moto P50 », se rappelle l’emblématique président de l’EF0, Georges Marshall.
Certes, Pierre a quitté ce monde, le 25 juin 1996, mais non sans avoir légué sa passion. En effet, parmi sa progéniture, un a repris le flambeau devenant serviteur aussi passionné du roi-foot. Il s’agit d’Isaac Sawadogo. Jeune footballeur (attaquant) quand il exerçait et qui avait fait ses classes lors des compétitions interscolaires, Isaac Sawadogo, bien connu sous le pseudonyme Bouki, n’ira pas loin en tant que joueur. Puis vint l’exil, au pays de l’oncle Sam, une émigration qui va durer 14 ans. Là-bas, il se forge un moral et tisse des relations. Il regagne le bercail en 2007.

« Quand je suis revenu, des jeunes m’ont approché me demandant de les aider à réaliser leur rêve dans le football », explique-t-il. Ses premiers pas sont timides. Il honore les frais d’inscription de pensionnaire de Salitas. D’aide en aide, Bouki se retrouve avec 4 pensionnaires sous les bras, en quelques mois, à sa charge. « Un jour, je me suis demandé pourquoi ne pas porter sur les fonts baptismaux mon propre centre si déjà j’ai quatre talents à Salitas », souligne-t-il. Ainsi nait l’idée de la création de ce lieu de formation de jeunes footballeurs.
Proche et à l’écoute des joueurs
Quinquagénaire aux allures d’un basketteur américain bon teint (1,81 m, 102 kg), Isaac Sawadogo se lance ainsi dans le projet. Il crée l’Association sportive de l’avenir (ASA) en 2019. En 2021, il obtient ses documents d’affiliation à la Fédération burkinabè de football (FBF). En 3 ans d’existence, le centre dispose de toutes les catégories dont une cinquantaine est sous le régime internat. C’est le cas de Cheick Fadil Amadou Kaboré, 23 ans, qui a rejoint l’ASA en fin d’année 2021 à l’issue d’un essai.
Il est présentement le capitaine de l’équipe. Il ne tarit pas d’éloge pour le fondateur de l’ASA. « Un grand monsieur ! Son amour pour la jeunesse est intense. Il nous considère comme ses enfants », apprécie Fadil. Le capitaine de l’ASA est surtout marqué par un des principes de son président : « il n’hésite pas à vous dire la vérité tout en restant dans les limites du respect », avoue-t-il. Surnommé « capitaine XXL » par Isaac Sawadogo « pour l’indifférence de mon abattage à l’entrainement qu’en match », le latéral polyvalent croit au projet ASA dont il veut faire partie de l’histoire.
Tout comme Fadil, Abdoul Madjid Sayouba Derra, milieu offensif, a aussi 23 ans. Lui aussi est arrivé à l’ASA, il y a 3 ans « à cause de la qualité du projet du fondateur de l’ASA ». Selon lui, Isaac Sawadogo n’est pas son président mais plutôt son « papa ». « Il est toujours proche de ses joueurs et est à leur écoute. C’est ma première fois de côtoyer un dirigeant pareil », confesse Madjid.
Sous le même toit avec ses joueurs
En plus d’avoir pu obtenir un siège pour l’équipe où sont hébergés les joueurs, Isaac Sawadogo a une particularité avec les plus jeunes. Ils sont une vingtaine et partagent la cour familiale avec lui. « Ces enfants dorment sous le même toit que moi, il y a quelques années. Ils font tout ensemble. Je m’occupe de leur scolarité, leur restauration et tout ce qui s’en suit. Ce qui crée davantage une complicité entre eux. Sur le terrain, ils se retrouvent même les yeux fermés », raconte Isaac.
C’est ce qui explique d’ailleurs leur sacre lors du récent tournoi organisé par l’international footballeur burkinabè, Edmond Tapsoba. A cette compétition, ses jeunes qu’Isaac qualifient de « phénomènes » ont disputé 21 matches sans le moindre revers. Leur seule contreperformance a été un match nul. Le fondateur de l’ASA n’a pas de doute, ces jeunes feront à coup sûr la fierté du football burkinabè dans un futur proche. Mais en attendant, en seulement 5 ans d’existence, deux pensionnaires de cette formation notamment Ruan Bénédict Minoungou et Mohamed Maïga ont été transférés en Israël. D’autres transferts en Slovaquie sont en cours de finalisation. Car, l’objectif d’Isaac Sawadogo est clair : « former des jeunes et les transférer en Europe pour une vie meilleure ». Il se satisfait du travail déjà abattu.
Yves OUEDRAOGO
