En Tanzanie, Etat d’Afrique de l’Est connu pour ses régions sauvages, la présidente, Samia Suluhu Hassan, a été réélue avec 97, 66% des voix, selon les résultats de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), le 1er novembre 2025. Si la cheffe de l’Etat a triomphé des 16 autres adversaires, dont aucun n’a obtenu 1% des voix, sa victoire intervient dans un contexte sociopolitique très tendu dans le pays. Le vendredi 29 octobre, jour du scrutin, couplé à des législatives, de violentes manifestations ont éclaté un peu partout, pour dénoncer et faire obstacle au vote.
Aussi, ces manifestations se sont-elles étalées jusqu’à la veille de la proclamation des résultats. Au moins 700 morts auraient été enregistrés, selon certaines sources proches des manifestants, ce que le pouvoir en place conteste. En toile de fond, la mainmise de l’omniprésent parti présidentiel sur la gestion du pays passe mal aux yeux des opposants. Depuis l’instauration du multipartisme en 1992, la Chama Cha Mapinduzi (CCM) a remporté toutes les élections, ne laissant aucune chance à une alternance politique au sommet de l’Etat en Tanzanie.
Cette position dominante a été observée, avec l’exclusion des deux partis d’opposition les plus en vue à la présidentielle, ce qui a provoqué le courroux d’une partie des Tanzaniens. Le principal parti d’opposition, Chadema, a été interdit de participer aux élections pour n’avoir pas signé le nouveau Code de conduite électoral, vivement critiqué. Aussi son dirigeant, Tundu Lissu, a-t-il été arrêté en avril dernier et inculpé pour « trahison » et « publication de fausses informations » suite à des commentaires sur les réseaux sociaux.
L’autre parti d’opposition sérieux, l’Alliance pour le changement et la transparence (ACT), a été également mis hors-jeu, puisque son leader, Luhaga Mpina, a vu sa candidature rejetée. La présidentielle du 29 octobre portait en elle-même les germes d’une crise, tant la vraie opposition a été mise sur le banc de touche.
Au pouvoir depuis le décès de son prédécesseur John Magufuli par suite de maladie, en mars 2021, alors vice-présidente Samia Suluhu Hassan, conserve son fauteuil, mais le plus dur commence, avec une fracture sociale indiscutable. La première femme du pays à arriver à ce niveau de responsabilité doit travailler à rassembler ses compatriotes afin de pouvoir dérouler son mandat sans accrocs. La situation sociopolitique reste précaire, même après la proclamation de sa victoire.
Ce climat de défiance n’a-t-il pas amené le gouvernement à reporter la rentrée universitaire, initialement prévue hier 3 novembre ? Samia Suluhu Hassan doit initier et multiplier les gestes d’apaisement, pour ramener le calme et la quiétude en Tanzanie. Il sied entre autres de faire le point des personnes décédées lors des manifestations et de situer les responsabilités, car la vérité et la justice concourent fortement à la paix. « Il est temps d’unir notre pays et de ne pas détruire ce que nous avons construit depuis plus de soixante ans.
Nous prendrons toutes les mesures nécessaires et impliquerons toutes les agences de sécurité afin d’assurer la paix dans le pays », a-t-elle déclaré après son sacre à l’élection. Ces propos sonnent-ils comme une volonté d’amener les uns et les autres à fumer le calumet de la paix ou une mise en garde contre les récalcitrants ? En tous les cas, les jours à venir nous édifieront sur la marche de la Tanzanie, ce pays qui s’est hissé de la mauvaise manière à la Une de l’actualité, ces dernières semaines.
Kader Patrick KARANTAO
            















