De nos jours, certains métiers traditionnellement considérés comme « féminins » sont désormais pratiqués par des hommes. Parmi ces métiers, on a la coiffure, la manucure, la pédicure et même le tatouage. Diverses raisons (passion ou moyen de survie) sont avancées par ceux-là qui ont décidé d’exercer dans un secteur occupé majoritairement par les femmes. Nous avons fait le tour de quelques salons de beauté tenus par des hommes à Bobo-Dioulasso pour en savoir davantage.
Salam Ouédraogo, la trentaine remplie est détenteur d’un salon de beauté féminine « Etoile Beauté », sis au marché de Nienèta, secteur 12 de la ville de Bobo-Dioulasso. Salam Ouédraogo et ses clientes se laissent bercer par le bruit des moteurs et l’ambiance féerique des passants de la route Bobo-Dioulasso-Dédougou de ce vendredi 24 janvier 2025 aux environs de 10 heures. Les rires et les échanges chaleureux des clientes laissent entrevoir une atmosphère agréable qui règne dans le salon « Etoile Beauté ». Le jeune esthéticien explique que ce travail, en plus de lui permettre de subvenir à ses besoins, est avant tout une passion pour lui. « Ce n’est pas parce que je n’avais rien à faire que je suis devenu esthéticien. J’ai vraiment aimé ce travail et je le fais avec beaucoup d’amour », précise-t-il. Au début, Salam Ouédraogo a dû faire face aux jugements de la société, mais il n’a pas abandonné.

« Les gens me pointaient du doigt parce qu’ils pensaient que je faisais un travail réservé aux femmes. Mais, je me suis dit que je devais leur prouver que les hommes aussi pouvaient réussir dans ce domaine », laisse-t-il entendre sur les préjugés à son égard. L’accueil chaleureux et l’ambiance détendue dans son salon sont des éléments clés qui attirent et fidélisent les clientes à « Etoile Beauté ». Awa Gomba, une de ses clientes régulières met en avant le sérieux et la qualité du travail de l’esthéticien pour chaque fois venir vers lui pour se faire coquette. « Je viens toujours chez Salam parce que son accueil est exceptionnel et il fait un travail de qualité. Je n’ai jamais été déçue depuis que je viens me rendre belle chez lui. Au contraire, même si je me rends dans un autre salon de beauté, je finis par revenir vers Salam qui s’y connait mieux », laisse-t-elle entendre.
Surmonter les jugements sociaux
Si la passion est la raison de Salam Ouédraogo de se lancer dans le métier de beauté des femmes, Ahmed Ouédraogo en a plutôt fait son gagne-pain. « Rêve Femme » est son salon de beauté des femmes au quartier Belleville, au secteur 29 de la ville de Sya. Avec un sourire aux lèvres, il explique qu’au départ, ce métier n’était qu’un moyen pour lui de sortir de la misère. « J’ai fait ce travail pour pouvoir subvenir à mes besoins. Mais, je me suis vite rendu compte que l’on ne réussit dans ce métier que si on le fait avec passion, et c’est ainsi que j’ai appris à l’aimer », raconte-t-il.
Eveline Somé, une cliente fidèle de « Rêve Femme », considère Ahmed Ouédraogo comme le meilleur dans son domaine. « Comparativement aux femmes, il sait mieux prendre soin de ses clientes, notamment par son accueil soigné », encense dame Somé. Eveline Somé encourage à cet effet les jeunes qui ploient sous le coup du chômage à embrasser ce métier, car, dit-elle, il n’y a pas de sot métier. « Lui, il est un homme. Par ce travail

considéré à tort comme travail de femme, il gagne sa vie, et mieux, il emploie d’autres personnes », soutient-elle. A « Lety Beauty », chez Kader Kam, situé également à Nienèta, au secteur 12, le chef des lieux explique que la coiffure est d’abord une passion nourrie depuis son enfance.
« J’aidais mes sœurs à mettre les fils dans les aiguilles et, face au manque d’effectifs, j’ai fini par me mettre à la tâche. C’est ainsi que tout a commencé », raconte-t-il avec fierté. Comme Salam Ouédraogo, Kader Kam a, lui aussi, dû surmonter les préjugés pour se faire une place dans un domaine qui est la chasse gardée de la gent féminine. « Au Burkina Faso où il est peu courant de voir des hommes exercer ce métier, j’ai dû surmonter les jugements sociaux pour en être là aujourd’hui. Je suis présentement apprécié par les femmes qui constituent ma clientèle. Et cela est une grande satisfaction pour moi », se félicite t-il.
Pour ce faire, ce jeune esthéticien invite ses camarades garçons qui peuvent exercer dans ce métier à s’y lancer sans se préoccuper des regards extérieurs. « Il n’y a pas de honte et c’est un travail qui nourrit son homme », ajoute-t-il. Salif Mandé, un apprenti à « Rêve Femme », subit de plein fouet les railleries de ses camarades. « Parfois, mes camarades se moquent de moi, mais je sais que tout le monde ne peut pas devenir fonctionnaire. Ce métier est ma manière d’entreprendre et je l’aime », confie-t-il avec conviction.
Un métier qui nourrit son homme
De plus en plus, les coiffeurs et esthéticiens sont acceptés dans ce métier à visage féminin. « Au début, c’était un peu difficile. Mais maintenant, les choses évoluent et ça va. On a toujours des clientes, et pendant les fêtes, on est très débordés », relate-t-il. Jeanne Ouermi, une cliente de « Lety Beauty », laisse entendre qu’elle est toujours satisfaite des services de Kader. « J’ai découvert ce salon l’année dernière et je ne regrette pas mon choix. Le travail est toujours bien fait », confie-t-elle.
Le métier d’esthéticien, même exercé par des hommes, peut être lucratif. Salam Ouédraogo affirme que son activité lui permet de bien nourrir sa famille et d’améliorer sa situation sociale. « Grâce à ce travail, j’ai pu avoir un toit. J’ai acheté un terrain et construire ma propre maison grâce à ce travail. Je me fais respecter à travers ce métier »,

dit-il. C’est le même son de cloche chez Kader Kam qui ne regrette pas le choix de ce travail. « Ce métier m’a permis de bien réussir, bien plus que beaucoup d’autres. Je préfère être coiffeur de femmes que voleur », affirme-t-il avec conviction.
Jeanne Ouermi, une de ses clientes, souligne la réussite de Kader. « Nous voyons comment il a pu s’en sortir et subvenir aux besoins de sa famille », dit-elle. Ahmed Ouédraogo, de son côté, a su transformer un travail qu’il n’appréciait pas au départ en une véritable source de réussite. « Aujourd’hui, je suis respecté dans la société grâce à mes réalisations », déclare-t-il avec fierté. Il a même l’ambition d’ouvrir une école de formation dans ce domaine pour aider à réduire le taux de chômage.
« Une telle école pourrait
offrir une alternative aux jeunes, en leur permettant d’acquérir des compétences et de trouver un emploi, tout en répondant aux besoins du marché », précise-t-il. Ce que font ces hommes montre qu’au-delà des stéréotypes, leur métier est à la fois une passion et un moyen de réussite. En surmontant les jugements sociaux, ils ont prouvé
qu’il est possible de s’épanouir dans un domaine traditionnellement féminin et d’en faire une carrière lucrative. Grâce à leur professionnalisme et à leur accueil, ces hommes ont su séduire une clientèle fidèle et beaucoup d’entre eux nourrissent de grandes ambitions pour l’avenir.
Salimata DAO
(Stagiaire)