Au Tchad, l’élection présidentielle, censée mettre fin à la Transition, doit en principe se tenir avant la fin de l’année 2024. La date précise du scrutin n’est pas encore connue, mais les potentiels candidats affutent leurs armes. Le général Mahamat Déby Itno, qui conduit la période transitoire depuis la mort au front de son père en avril 2021, est en lice, comme l’a autorisé le Dialogue national inclusif.
Il a été désigné, le 13 janvier dernier, pour représenter les couleurs du Mouvement patriotique pour le salut (MPS), parti fondé par son géniteur. Si le général Mahamat Déby travaille à fédérer les énergies nécessaires, ce n’est pas l’unité autour de sa candidature dans sa famille biologique. Son oncle, notamment le petit frère de son défunt père, Saleh Déby Itno, conseiller spécial à la Présidence, a préféré prendre ses distances avec lui, en claquant la porte du MPS. Il a rejoint, le week-end écoulé, le Parti socialiste sans frontières (PSF), formation de l’opposition, dirigée par un autre membre de la famille Itno, Yaya Dilo Djerou.
Ce ralliement intervient à quelques jours du congrès du PSF prévu le 20 février prochain, laissant libre cours à toutes les spéculations. Certains observateurs se demandent si Saley Déby Itno ne va pas être désigné comme le candidat du PSF pour faire face à son neveu. Jamais un membre de la famille Itno n’avait quitté le MPS pour d’autres horizons. A la vérité, l’acte de l’oncle du président de la Transition témoigne des rivalités et des divisions persistantes au sein du clan Déby. Saley n’aurait pas digéré le choix de son neveu Mahamat comme candidat du MPS à la présidentielle à venir.
A ce qui se dit, le président de la Transition ne fait pas l’unanimité au sein de sa famille biologique, certains membres estimant qu’il n’est pas légitime pour remplacer son père. D’après certaines indiscrétions, la succession du maréchal avait constitué un sujet de désaccord entre Mahamat Déby et son demi-frère, Zakaria Idriss qui se voyait aussi capable de prendre le relai à la tête du pays. On assiste à une lutte pour le pouvoir au sein du clan Déby qui ne présage pas forcément de lendemains meilleurs au Tchad.
Cette triste réalité relance le débat sur les circonstances de la mort d’Idriss Déby, objet d’une polémique non encore enterrée. Le maréchal a-t-il été tué par les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), comme les autorités l’ont annoncé ou a-t-il été victime d’un complot dans le clan familial ? Saleh Déby Itno, on se rappelle, avait mis en doute les causes réelles du décès de son frère ainé. Ce qui avait momentanément créé des tensions entre lui et l’actuel président de la Transition.
Début 2023, le général Mahamat Déby l’avait radié des effectifs de la Police, avant de le rappeler auprès de lui comme conseiller spécial. Malgré tout, les deux hommes n’ont manifestement pas fumé le calumet de la paix, en atteste le départ de Saleh Déby dans l’opposition. Oncle et neveu vont-ils s’affronter à la future présidentielle ? Ce n’est certainement pas le scénario souhaité par les Tchadiens, pressés de voir leur pays sortir de de sa perpétuelle instabilité. De toute évidence, le général Mahamat Déby, tenancier de l’appareil d’Etat, a une longueur d’avance pour la présidentielle à venir. En plus d’avoir la mainmise sur une bonne partie de l’armée et l’administration publique, il a réussi à rallier les opposants les plus importants, d’abord Saleh Kebzabo
et ensuite, Succès Mastra, propulsé récemment à la tête du gouvernement. Le général Mahamat Déby semble bien placé pour remporter le futur scrutin présidentiel, mais encore faut-il qu’il travaille, au cas échéant, à relever des défis personnels et collectifs. S’il venait être élu, ce haut gradé devra d’abord œuvrer au rassemblement de sa famille biologique pour minimiser les rivalités internes, tout aussi dangereuses que nuisibles. Aussi devra-t-il lutter contre l’insécurité chronique et œuvrer à asseoir de meilleures conditions de vie pour ses compatriotes, confrontés, entre autres, à la cherté du coût des produits de première nécessité, à la corruption et à des difficultés d’accès à des soins de santé. Il est inutile de rappeler que le peuple tchadien est éprouvé…
Kader Patrick KARANTAO