Usage du gaz dans les motopompes: la recherche de profit met en péril l’environnement

Les services de l’environnement préconisent l’installation des motopompes dans un local pour éviter l’écoulement du carburant dans les eaux.

La saison sèche est de plus en plus mise à profit au Burkina pour pratiquer la culture de contre-saison. Les paysans n’attendent plus les pluies pour aller au champ. A Banfora, dans la région des Cascades, à peine la saison humide terminée, les producteurs ont réaménagé leurs terrains pour la culture de contre-saison. Les champs sont arrosés à partir des cours d’eau grâce aux motopompes.

Ces appareils utilisent du carburant pour certains ou du gaz butane pour d’autres. Nous avons échangé en fin décembre 2023, à Banfora et dans ses environs, avec les producteurs, les techniciens de l’environnement, de l’agriculture et du commerce sur les enjeux de l’utilisation du gaz dans les motopompes pendant la campagne agricole sèche. Les services de l’environnement préconisent l’installation des motopompes dans un local pour éviter l’écoulement du carburant dans les eaux.

A Banfora, dans la région des Cascades, et à côté des champs de canne à sucre, à perte de vue, des femmes repiquent des pépinières d’oignon sur une parcelle fraîchement aménagée
dans laquelle, l’eau coule dans les différentes allées des planches. L’eau est
fraîche, le sol humide, et quelques plantes repiquées, un peu plus tôt, sortent tout vert de la terre. Pourtant, en ce fin du mois de décembre, aucun nuage n’est perceptible dans le
ciel. Les eaux qui arrosent les plantes sont acheminées sur les lieux à partir des cours d’eau grâce à des motopompes.

Elles sont installées à proximité des rivières et sont de différentes natures. Certains de ces appareils utilisent du carburant (gasoil ou essence) et d’autres du gaz butane. La plupart de ces machines qui fonctionnent avec le gaz utilisaient auparavant de l’essence. Elles ont été modifiées pour marcher avec cette substance.

Ce sont les appareils à carburant que les services de l’agriculture livrent aux producteurs à des prix subventionnés. Ils sont modifiés et adaptés au gaz. D’autres en revanche, vendus sur le marché, ont le système de gaz incorporé. A Banfora,
Bakary Hebié est l’un de ces mécaniciens qui transforment les motopompes en gaz. Il est aussi dans la culture de contre-saison depuis plus de deux ans.

Sur sa parcelle, à quelques encablures des champs de canne à sucre, Bakary
Hebié dispose de deux motopompes qui fonctionnent toutes au gaz. Installées sur le cours d’eau de la Comoé, c’est sous un bruit des moteurs et sous les cris des oiseaux que le mécanicien-producteur nous présente ses « bijoux » qu’il a lui-même adaptés au gaz. Pour lui, les motopompes à gaz présentent plusieurs avantages.

« Je suis un mécanicien et nous adaptons la motopompe au gapour travailler, car sa consommation est moindre par rapport aux motopompes qui utilisent le carburant. L’essence coûte cher alors que le gaz est plus abordable », fait savoir le producteur. « Avec la bouteille de 12 kilogrammes de gaz butane que je paye à 5 750 F CFA, j’arrive à arroser toute maparcelle alors qu’avec le  carburant, même 20 litres ne peuvent pas suffire », poursuit-il

5 921 producteurs à Banfora

La maraicheculture est beaucoup pratiquée à Banfora et occupe plus de 5 000 personnes pendant la saison sèche

M. Hebié n’est pas le seul à utiliser les motopompes à gaz à Banfora. La majorité des 5 921 producteurs qui font la culture de contresaison ont recours à ces appareils. L’un de leurs doyens est Tiawé Sirima. Il est dans le jardinage depuis plus de 30 ans. La soixantaine environ, il dispose d’une superficie de 6 hectares où il cultive pendant la saison sèche le riz, l’oignon, le chou ou le piment.

Président départemental de la Comoé de la Chambre régionale d’agriculture (CRA) des Cascades, M. Sirima pense que c’est la cherté du carburant et les conditions de son acquisition qui ont amené la plupart des producteurs à basculer dans le gaz. « Le carburant est cher.

Aussi pour l’avoir, il faut respecter certaines conditions parce qu’il est interdit de le servir dans des bidons, selon les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Il faut une autorisation des structures compétentes pour pouvoir avoir le carburant à Banfora pour alimenter les motopompes », explique l’un des tout premiers maraicherculteurs de Banfora. Si le sexagénaire dit comprendre la mesure recadrant la vente du carburant dans les stations d’essence, il souhaite que les autorités trouvent une solution pour que ceux qui utilisent toujours le carburant puissent en avoir.

A Sitiéna, situé à une quinzaine de kilomètres de Banfora, et l’un des fiefs de la culture de contre-saison dans la Comoé, les producteurs avancent les mêmes raisons de l’utilisation du gaz dans les motopompes. Pour eux, le gaz est plus économique par rapport au carburant qui, non seulement est plus cher, mais difficile d’accès. Dinabié Tou utilise les deux types de motopompes dans son champ. Pour lui, les motopompes à carburant sont beaucoup plus adaptées pour les grandes superficies. Celles à gaz sont beaucoup plus adaptées pour les petites superficies.

Le gaz plus rentable que le carburant

Il reconnait que le gaz est néanmoins plus rentable que le carburant. « Nous avons des difficultés pour avoir le gasoil à cause des mesures que l’Etat a prises. Il faut des autorisations. J’utilise les motopompes à carburant pour les grandes superficies et celles à gaz pour les petites superficies. Je paye 9 000 F CFA pour le carburant pour arroser mon champ. Pour le même champ, j’utilise la bouteille de 6 kilogrammes que j’achète à 2 200 F CFA. Je fais une économie de 6 800 F CFA », détaille Dinabié Tou.

Outre le coût plus abordable et la facilité d’accès au gaz, les producteurs rassurent que le gaz n’a aucun impact, tant sur les plants que sur les hommes. « Le gaz n’a aucun impact sur les plantes que nous cultivons. La difficulté se trouve sur l’appareil lui-même. Il faut suivre l’huile moteur, car le gaz dégage beaucoup plus de la chaleur que l’essence. Cela abime vite l’appareil. Il faut constamment contrôler l’huile », conseille Bakary Hebié. Un
autre producteur, Siaka Tou renchérit : « Cela fait plus de 3 ans que nous utilisons le gaz. Mais personne ne se plaint pour un problème de santé ou de brulures ».

Pour les services techniques de l’environnement, l’impact de l’utilisation de ces motopompes sur l’environnement concerne plus le fonctionnement de ces motopompes elles mêmes. « Sur le terrain, l’entretien des motopompes pose problème. Il y a souvent la fuite des huiles (huiles de vidange). L’écoulement de ces huiles impacte l’environnement. Ces huiles se retrouvent au niveau des cours d’eau. Ce qui affecte
les animaux aquatiques comme les poissons. Au niveau du fonctionnement de ces gaz, il y a toujours des émissions atmosphériques composées
essentiellement de CO2.

Sur le plan environnemental, les gaz vont contribuer au réchauffement climatique », souligne le chef de service régional de la préservation de l’environnement des Cascades, l’inspecteur de l’environnement, Issaka Juste Ouédraogo. Il recommande alors aux producteurs de faire un entretien régulier de leurs motopompes pour
réduire les écoulements.

Il les invite également à mettre en dehors de leur périmètre de culture les motopompes et à aménager des plateformes bien indiquées pour protéger le sol. « Les plateformes peuvent être des espaces aménagés ou un local isolé où on met les motopompes et éviter de déposer les motopompes dans les espaces maraichers au risque d’inhaler les vapeurs », conseille Jules Ouédraogo. M. Ouédraogo exhorte les paysans à se doter d’équipements de protection individuelle tels que les cache-nez lorsqu’ils manipulent leurs appareils.

La culture de contre-saison plus importante

Les travaux de contre-saison ont débuté en décembre dans la zone de Banfora. L’arrosage se fait grâce aux eaux pompées des cours d’eau.

En outre, les services techniques de l’environnement recommandent aux producteurs de respecter la bande de servitude autour des cours d’eau qui est de 100 mètres. Chose que les paysans ont du mal à faire. « Nous avons demandé si on peut ramener les 100 mètres à 25 mètres ou à 15 mètres. Si nous devons installer les tuyaux pour tirer l’eau en tenant compte de cette distance, nous ne pourrons pas tenir. Les tuyaux se vendent sur le marché à 7 500 F CFA le mètre. Au prix subventionné, on nous les donne autour de 1000 F CFA. Il faut que l’Etat essaie de nous aider à trouver une solution», préconise M. Sirima.

En attendant, les producteurs souhaitent l’installation de forages avec le mécanisme de goutte-à-goutte. Ils préconisent que l’Etat installe sur une grande surface une motopompe que plusieurs producteurs peuvent utiliser afin d’éviter qu’il ait plusieurs motopompes sur
une petite surface. Boureima Sagnon propose que le gouvernement aide les paysans
à acquérir des motopompes solaires qui fonctionnent avec des batteries.

Cela aura pour avantage, soutient-il, de réduire la pression sur le gaz. Selon les services du commerce à Banfora, l’usage fait du gaz ne relève pas de leurs compétences. Leurs missions, à les entendre, se limitent au respect des prix du gaz et de sa disponibilité sur le marché.

La plupart des producteurs, à l’instar de Salia Sirima, souhaitent que l’Etat aide les producteurs à résoudre les problèmes d’écoulement de leurs productions et à les doter d’intrants, de semences pour améliorer la production de contre-saison. La production de contre-saison, de l’avis de l’agent d’agriculture, Ignace Zongo, devient de plus en plus importante. Pendant la dernière campagne sèche, ce sont 11 088 tonnes de produits, toutes spéculations confondues, qui ont été récoltées dans la commune de Banfora.

Adaman DRABO


Des campagnes agricoles sèches bien « pimentées» à Banfora

Au cours de la campagne agricole sèche écoulée, ce sont près de 3 225 hectares qui ont été emblavés dans la commune de Banfora. En céréales, le riz vient en tête
avec une superficie de 243,12 ha, tandis qu’en culture maraichère, le piment tient la tête du peloton avec 889 hectares emblavés.

En termes de production, le piment surclasse les autres cultures maraichères avec 10 324
tonnes récoltées l’année dernière. Cette quantité est soit consommée sur place ou exportée vers les pays voisins. Quand on sait que le piment est de plus en plus consommé au Burkina Faso et que du piment transformé importé inonde le marché, il parait judicieux d’envisager la construction des usines de transformation du piment au Burkina.

A.D

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