Vive les vacances !

C’est les grandes vacances et les salles de classes sont déjà orphelines de leurs occupants d’antan ! Dans certaines familles, les chambres sont vides. Le salon est devenu plus grand que d’habitude. Les enfants ont levé l’ancre pour d’autres destinations. Les organisateurs de camps vacances se livrent à des opérations de charmes pour s’arracher les bambins de l’ennui et du vice. Mais est-ce que les vacances, c’est seulement aller en vadrouille, paresser jusqu’au bord de l’oisiveté, merder parfois sans savoir se démerder tout seul face à son propre merdier ?

Les vacances, est-ce la liberté sans frontière à l’opposé des occupations scolaires ? Est-ce la mise à l’écart et au loin des enfants dérangeurs et encombrants ? Etre en vacances, est-ce faire des dépenses une activité et faire ses emplettes sans savoir faire des omelettes ? Bref, on pourrait dire à chacun ses vacances mais non, pour un Burkinabè, en ces moments de défis, on peut percevoir autrement ses vacances.

On peut se reposer tout en se posant des questions. On peut fermer les cahiers de leçons tout en restant ouvert à de nouvelles expériences de vie. On peut aller en vacances tout en se remplissant de sens. Tenez, ces vacances, on pourrait se reposer en apprenant sa langue maternelle ! Il suffit de regarder nos enfants manier la langue de Molière et tituber en mooré, en lélé, en bissa ou en bobo pour se rendre compte qu’on peut aller à l’école des bancs sans fréquenter celle du clan.

Combien savent dire bonjour dans leur langue maternelle en respectant le ton du mot ? Combien savent dire le conte le plus court dans leur langue maternelle ? Combien connaissent le sens du proverbe qui parle ? Ces vacances, lancez-vous le défi de ne parler que votre langue en famille !

Engagez-vous sans complexe à apprendre à vos enfants le sens des choses dans votre langue ! Parce que l’homme qui ne sait pas s’exprimer dans sa langue maternelle est un sourd-muet qui s’ignore dans sa communauté. Mais encore faut-il connaître sa propre langue avant de la transmettre à ses enfants.

Encore faut-il avoir la volonté et l’amour nécessaires pour valoriser ce pan important de son identité. Comme c’est gênant de voir le spécialiste ou l’autorité fuir les micros et les caméras, au moment de dire en Bwamu ou en gourmantché ce qu’il a dit en français. Faisons de ces vacances, l’école de nos langues nationales !

Ces vacances, la charmante « pourriture » de la fratrie ira encore en balade, loin des casseroles et de la vaisselle. Tout au long de l’année scolaire, elle a su passer entre les couloirs de la maison sans fouler le plancher de la cuisine. Quand elle y entre, c’est pour se servir et se goinfrer en incriminant la fille de ménage d’avoir eu la pincée très salée. Alors qu’elle-même ne sait pas cuire du riz « blanc ».

Elle est capable de verser sa fierté par terre pour une bouillie de petit mil aux grumeaux. Gares à celui qui lui demandera de préparer une sauce « pili-pili » au goût d’oignons. Elle vous fera de l’eau chaude au contenu bâclé. Si vous lui donnez de la farine pour du tô, elle s’immolera dès l’étape de la bouillie sans parvenir à la tarte de vos envies. Pourtant, c’est une fille, la future épouse de quelqu’un ! Oui, elle pourrait avoir des domestiques et une cuisinière à son service, mais qu’est-ce qu’une femme qui ne sait pas préparer à manger, qui ne sait pas concocter le plat préféré de son mari ?

Qu’est-ce qu’une femme qui ne sait pas attacher un pagne, tenir une spatule ou manier une louche ? Quand la cuisine devient un magasin, c’est dehors que certains couple ou famille mangent, parce que madame ne sait pas faire de la ratatouille. Ces vacances, rabaissez-vous un peu et entrer dans votre cuisine. Mieux que du spaghetti, préparez du tô à la sauce oseille bardée de gombo frais. Au lieu du petit pois, préparez du haricot au bonnet de farine de petit mil et plongez en dessous du beurre de karité bio. Bref, pendant ces vacances, apprenez à préparer des mets locaux et à les déguster avec fierté !

Ces vacances, apprenez à être à côté de vos enfants. Ecoutez-les, parlez et partagez avec eux la part de vous qui leur manque et recevez d’eux le sentiment vrai d’être un père ou une mère. On peut causer avec son fils ou sa fille et se découvrir un ami. On peut se confier à son fils ou à sa fille et développer en lui ou en elle le sens de la confiance, la force de l’empathie qui génère la sympathie. On peut s’amuser avec son fils ou sa fille au point d’oublier les frontières sociales qui brisent la complicité de l’amitié sincère.

Alors, si ce n’est encore tard, profitons de ces vacances pour faire le plein d’ambiance en famille et redonner vie à l’amour écorché ou blessé, à la fraternité oubliée ou négligée et aux liens de sang sacré. Parce qu’il n’y a pas un temps pour célébrer la famille. Allez en vacances, c’est aussi savoir vivre ensemble, savoir se disputer pour se pardonner ; c’est savoir se manquer pour se retrouver. Faites de ces vacances, une occasion de se sentir bien pour mieux ressentir les autres. Vive les vacances !

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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