2e Sommet africain sur le climat: Appel à inscrire l’assurance climatique dans l’agenda du continent

La spécialiste en assurance climatique et conseillère régionale climat pour la zone de l’Afrique de l’ouest et du Centre de Norcap, Yacine Fall : « c’est dommage que l’on ne ressente pas trop la présence des assureurs dans les discussions de ce Sommet sur les changements climatiques … »

L’Afrique s’est réunie, du 8 au 10 septembre 2025, à Addis-Abeba, pour son deuxième sommet sur le climat. Durant 72 heures, des chefs d’Etat et de gouvernement, des ministres, des représentants de la société civile, des partenaires au développement, du secteur privé, des communautés locales et des peuples autochtones, des agriculteurs, des jeunes et des milieux universitaires, ont échangé autour du thème : « Accélérer les solutions climatiques mondiales : financer le développement résilient et vert de l’Afrique ». Pour certains experts, l’assurance climatique, une solution clé de résilience des producteurs face aux effets du changement climatique, doit être inscrite à l’agenda de l’action climat du continent.

L’adoption de la Déclaration d’Addis-Abeba sur les changements climatiques et l’appel à l’action ont sanctionné le 2e sommet africain sur le climat, tenu du
8 au 10 septembre 2025, à Addis-Abeba, en Ethiopie. Après Nairobi en 2023, cette rencontre continentale a porté sur le thème : « Accélérer les solutions climatiques mondiales : financer le développement résilient et vert de l’Afrique ». Elle a réuni des chefs d’Etat et de gouvernement, des mi-nistres, des représentants de la société civile, des partenaires au développement, du secteur privé, des communautés locales et des peuples autochtones, des agriculteurs, des jeunes et des milieux universitaires.

L’un des faits marquants de ce sommet est l’affirmation de la ferme volonté de l’Afrique de prendre une part active dans l’agenda mondial de l’action climat. Cette Déclaration d’Addis-Abeba constitue donc un moment historique qui place l’Afrique à l’avant-garde de l’action mondiale pour le climat. Elle se veut le reflet d’une Afrique parlant d’une seule voix, pour exiger des solutions dirigées par l’Afrique pour un avenir durable, et une redéfinition de l’architecture mondiale de la finance climatique.

« Nous ne sommes pas là pour négocier notre survie, mais pour concevoir la prochaine économie du climat », a déclaré le Premier Ministre de la République fédérale démocratique d’Ethiopie, Dr Abiy Ahmed. L’Afrique ne veut plus donc que le financement de l’adaptation au changement climatique vienne alourdir le fardeau de sa dette, alors qu’elle ne contribue qu’à moins de 4% aux émissions de gaz à effet de serre. L’un des engagements financiers des dirigeants du continent et des partenaires et contenu dans cette déclaration est la création du Pacte africain pour l’innovation en matière de climat (ACIC) et du Fonds africain pour le climat (ACF), à l’initiative du Premier Ministre éthiopien.

L’objectif est de « mobiliser 50 milliards de dollars de financement catalytique par an pour promouvoir des solutions climatiques locales qui accélèrent l’innovation et les mettent à l’échelle à travers le continent ». Tout en saluant cette volonté de miser sur des initiatives locales et cette quête d’une justice climatique, certaines voix estiment que l’assurance climatique devrait également être inscrite au centre des réponses africaines à la crise climatique.

Une tribune pour influencer les politiques

Et il ne peut en être autrement pour une « Afrique qui est en première ligne face
au changement climatique : sécheresses prolongées, inondations destructrices, hausse des températures et modification des saisons compromettent la sécurité alimentaire et nutritionnelle ».

Pour la spécialiste en assurance climatique et Conseillère régionale climat pour la zone de l’Afrique de l’ouest et du Centre de Norcap, Yacine Fall, l’assu-rance climatique constitue un filet de sécurité qui permet aux producteurs, après un choc climatique, d’avoir des ressources pour se prendre en charge sur le plan alimentaire, se procurer des intrants pour aborder la prochaine compagne. Les indemnisations leur permettent également de faire face au remboursement des crédits agricoles.

Pour Mme Fall, l’Afrique ne peut donc pas faire l’économie d’un si puissant levier de sécurisation des petits producteurs, des investissements agricoles, et qui vient en complément aux autres solutions. Mais force est de constater que, malgré son importance, le sujet n’était pas suffisamment présent à ce 2e Somment africain sur le climat, à l’exception de certains évènements parallèles où la question a été soulevée.
« L’assurance agricole doit avoir une place importante dans l’action climat en Afrique. Car, aujourd’hui, il est question de couverture, d’actions anticipatoires, de stratégie d’adaptation.

L’assurance climatique doit donc jouer un rôle dans toutes les thématiques en cours, pas de façon isolée, mais d’une manière intégrée, notamment dans tous les mécanismes qui existent », a-t-elle souligné.

Et pour des rencontres d’envergure comme ce sommet africain sur le climat, il était indiqué que la thématique de l’assu-rance climatique soit inscrite en bonne place dans les échanges. Cela aurait l’avantage de permettre aux pays en avance en la matière de partager leurs expériences, présenter les résultats engran-gés, et aux autres de s’en inspirer pour bâtir leurs politiques d’assurance climatique, fait savoir Yacine Fall.

C’est pourquoi, l’absence des acteurs assuranciels, qu’il s’agisse des compagnies d’assurances prises individuellement ou des orga-nisations faitières, régionales comme la FANAF, la CIMA, à ce rendez-vous continental consacré à la résilience de l’Afrique face au péril climatique est fort déplorable. Car, il offre l’opportunité de présenter les produits assuranciels climatiques, mais aussi d’influencer les politiques en cours d’élaboration.

Lever les préalables

« La présence des assureurs était quand même très indiquée, voire très importante ; j’ai participé à des évènements parallèles où l’assurance agricole a été soulevée comme un besoin dans certains pays. Leur absence peut être liée à une priorisation de leur présence dans certains événements, mais c’est dommage que l’on ne ressente pas trop leur présence dans les discussions de ce Sommet sur les changements climatiques, particulièrement dans les discussions sur les services d’information climatique, le renforcement de la résilience des producteurs », déplore Yacine Fall.

Au regard de son importance comme solution complémentaire aux réponses à la crise climatique, il serait indiqué que le continent inscrive l’assurance climatique dans les discussions, au plan africain, mais aussi dans les négociations internationales sur le climat, comme la COP. Mais, cela implique des préa-lables, selon la spécialiste en assurance climatique. « Il s’agit d’abord de la prise de conscience, de l’intérêt pour l’assurance climatique, car si on y va sans s’assurer au préalable de l’intérêt et de la volonté des gouvernements ou des acteurs à mettre en place cette assurance, on en parlera à la COP, mais au retour, il sera difficile de l’implémenter », argumente-t-elle.

Avant donc de se déporter dans les négociations internationales, il y a donc un travail de préparation que les pays africains doivent réaliser pour assurer un meilleur développement de l’assurance climatique sur le continent.
Et cela commence par relever les défis liés à la sensibilisation des populations pour lever les blocages socioculturels, et au renforcement des techniciens sur le design des produits d’assurance climatique adaptés à leur contexte, souligne Yacine Fall. Il y a aussi le défi crucial de la disponibilité des données.

« Le manque de données fait partie des contraintes majeures. Car, pour faire le design d’un indice d’assurance climatique, on a besoin de données historiques, qui manquent cruellement pour les services compétents, qu’il s’agisse des services météo, des services agricoles, que d’autres services impliqués.

L’absence, surtout de données météo-rologiques observées au sol pousse beaucoup d’acteurs à faire recours aux données satellitaires pour combler le gap, mais avec l’inconvénient d’augmenter le degré d’imprécision. Car, plus on utilise des données météorologiques au sol, plus capte mieux la réalité », indique-t-elle.

Mahamadi SEBOGO
(De retour de Addis-Abeba, Ethiopie)

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