L’énigme nigériane

La course à la succession du président nigérian, Muhammadu Buhari qui boucle deux mandats, est lancée. La campagne pour les élections présidentielle et législatives du 25 février 2023 bat son plein depuis le 28 septembre dernier et ce pour une durée de cinq mois. Ces élections couplées seront suivies de celles des gouverneurs et de l’Assemblée d’Etat, prévues le samedi 11 mars 2023. 18 candidats sont en lice pour la présidentielle.

Tous nourrissent le secret espoir de briguer le poste le plus prestigieux de président de la république et de conduire le Nigéria vers des lendemains plus prometteurs. Bien évidemment, les deux partis qui dominent la vie politique nationale depuis le rétablissement de la démocratie en 1999, All Progressives Congress (APC) et le Parti démocratique populaire (PDP), sont présents dans l’arène.

Les couleurs du parti au pouvoir, APC, sont défendues par le milliardaire, Bola Ahmed Tinubu et celles du PDP par Atiku Abubakar. Bola Ahmed Tinubu, 70 ans, ancien sénateur et gouverneur de Lagos est un homme politique accompli qui connait les rouages de l’Etat nigérian. Ses ambitions présidentielles ne datent pas d’hier et il n’a tout naturellement pas boudé son plaisir à être désigné par l’APC.

« C’est mon heure, je suis instruit, j’ai de l’expérience. C’est mon tour », se plait-il à raconter. Bola Ahmed Tinubu semble être en bonne posture, au regard de son influence dans les affaires intérieures du Nigéria. Il fait partie des principaux artisans de la victoire et de la réélection du président sortant, respectivement en 2015 et 2019. Seulement, il traine des casseroles, puisqu’ ayant déjà été accusé de détournements de deniers publics et de corruption.

Le champion du PDC, Atiku Abubakar, 75 ans, lui est un ancien patron des Douanes de Lagos, à la réputation pas moins sulfureuse. Ce présidentiable est cité dans plusieurs affaires de corruption et de blanchiment de capitaux, dont le scandale des Panama Papers, mis à nu par un consortium international de journalistes d’investigation en 2016. Atiku Abubakar a même été interdit de séjour pendant 10 ans aux Etats-Unis par le FBI.

Malgré leur moralité plus ou moins douteuse, les candidats de l’APC et du PDC espèrent convaincre, de part et d’autre, leurs compatriotes de voter pour eux. Aussi doivent-ils faire des propositions à même de sortir le pays de la situation économique difficile, dans laquelle il se trouve actuellement. Le Bureau nigérian des statistiques (NBS) renseigne que l’inflation des denrées alimentaires a atteint 24,13% en novembre 2022, contre 23,72 % en octobre de la même année. Bola Ahmed Tinubu et Atiku Abubakar pourront-ils confirmer la domination de leurs partis sur la scène politique dans les urnes ?

Rien n’est gagné d’avance. La future présidentielle pourrait donner lieu à un scénario inédit. Un sondage publié le 28 septembre dernier par la société américaine Premise Data Corp, laisse entrevoir déjà des pistes. Cette enquête indique que le candidat du parti travailliste, Peter Obi, pourrait l’emporter, dès le premier tour de l’élection présidentielle, avec 72 % des intentions de vote, contre 16% pour Bola Ahmed Tinubu et 9% pour Atiku Abubakar. Très populaire auprès de la jeunesse, Peter Obi pourrait être l’outsider qui va déjouer les pronostics.

Si cette réalité se présentait, elle traduira sans conteste l’exaspération grandissante à l’égard de la vieille classe politique, accusée de tous les péchés. Peu importe celui qui va l’emporter, l’essentiel est que les élections à venir au Nigéria se déroulent dans un climat apaisé. Ce pays a une tradition de violences électorales, avec plusieurs centaines de morts, qu’il faille se préoccuper de l’atmosphère dans laquelle se déroulera le double scrutin de février prochain. Il faut espérer que les vieux démons ne se réveillent pas, pour permettre au géant africain de connaitre sa troisième transition pacifique au pouvoir, depuis son accession à l’indépendance en 1960.

Kader Patrick KARANTAO

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