Un verdict à craindre

Le verdict du procès pour viol et menace de mort sur une employée d’un salon de massage du célèbre opposant sénégalais, Ousmane Sonko, sera connu le 1er juin prochain. Il pourrait écoper de 10 ans de réclusion criminelle pour viol, si la réquisition du procureur venait à être suivie par la Chambre criminelle de Dakar. Pour les faits de menace de mort, le parquet a requis un an d’emprisonnement ferme contre le président du parti, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF). Ouvert il y a une semaine et aussitôt renvoyé au 23 mai, le procès s’est tenu en l’absence du principal accusé, retranché à Ziguinchor, ville au Sud du pays dont il est le maire, depuis les législatives de juillet 2022. Cette mise à l’écart fait suite à la décision prise par l’opposant de ne plus répondre aux convocations de la justice sans garantie de l’Etat pour sa sécurité.Sonko se trouve à Ziguinchor, sous bonne garde de ses partisans, mobilisés pour s’opposer à toute tentative de l’amener de force au tribunal ou ailleurs. L’opposant n’était pas à l’audience, mais son nom y a été prononcé à maintes reprises. La plaignante, Adji Sarr, était bien au prétoire, maintenant ses accusations contre Sonko, qui ,selon ses dires, l’aurait violé cinq fois, entre fin décembre 2020 et février 2021. Même s’il n’était pas au tribunal pour apporter sa part de vérité, la ligne de défense de l’opposant est connue. Il a toujours nié en bloc les faits à lui reprochés, expliquant s’être rendu au salon de massage où travaille Adji Sarr, pour « soulager » un mal de dos chronique. Les versions divergent, comme en de pareilles circonstances, qu’il sera difficile pour le tribunal de dégager les responsabilités dans ce dossier pour le moins explosif. Mais à voir la réquisition contre sa personne, Sonko est coupable aux yeux du procureur.

Au même titre, que la patronne d’Adji Sarr, Ndèye Khady Ndiaye, contre qui, le parquet a requis cinq ans de réclusion criminelle pour « complicité de viol ».Cette dame pourrait écoper, en plus, d’un an d’emprisonnement ferme pour « diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs » et « incitation à la débauche », conformément à la requête du parquet. Une journée aura suffi pour juger cette affaire de mœurs, dans un contexte sociopolitique tendu au Sénégal. Le président Macky Sall et ses opposants, avec en tête le plus emblématique d’entre eux, Sonko, se regardent en chiens de faïence. Ce climat de méfiance et de défiance est la résultante du flou que le chef de l’Etat alimente sur ses intentions de briguer ou pas un troisième mandat. Dans ces circonstances, on imagine aisément la réaction de l’Opposition et d’une bonne partie de la société civile sénégalaise, si le fondateur du PASTEF venait à être condamné à la prison ferme. Des scènes de violences pourraient encore être constatées dans les rues sénégalaises, pour ne pas dire que tout le pays pourrait s’embraser.

Bien vrai qu’il n’est pas au-dessus de la loi, mais il sera difficile d’envoyer Sonko derrière les barreaux, sans que cela ne fasse des étincelles. On se souvient des remous qui avaient émaillé l’interpellation de l’opposant, au début de cette affaire de viol. Des échauffourées avaient éclaté et occasionné une dizaine de morts. Ce dossier de viol contre Sonko allait faire moins de bruit, si les opposants sénégalais ne faisaient pas l’objet d’une traque. C’est malheureusement ce à quoi, on assiste au Sénégal. La justice est manifestement mise à profit pour casser les opposants. Le président du PASTEF n’est pas à sa première affaire judiciaire. Il y a deux semaines de cela, l’opposant avait été condamné en appel à six mois de prison avec sursis pour « diffamation » et « injure publique » sur la personne du ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang. D’ennui en ennui, Sonko est indéniablement dans le viseur de Sall, au point de devenir l’homme à abattre de tout un système. Les ambitions présidentielles, pourtant légitimes de l’opposant , lui valent de vivre des misères. Cette situation n’honore pas le Sénégal, un pays considéré comme un modèle de démocratie en Afrique.

Kader Patrick KARANTAO

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