Une alliance de feu de paille

L’alliance entre l’actuel chef de l’Etat congolais, Félix Tshisekedi et l’ancien gouverneur du Katanga, Moise Katumbi, ne devrait plus tenir longtemps, à l’orée de la prochaine élection présidentielle prévue en décembre 2023. Le fossé entre les deux hommes se creuse de jour en jour, sans doute à cause de leurs ambitions présidentielles. Même si le divorce n’a pas encore été officiellement prononcé entre le parti présidentiel, l’UDPS et celui de Katumbi, Ensemble pour la République, plusieurs sujets les opposent. Les militants de ces deux formations alliées s’écharpent dans la presse autour des questions de gouvernance, sans que leurs maîtres à penser ne pipent mot.

 

Ce spectacle n’est que le reflet de divergences profondes entre Tshisekedi et Katumbi, sur fond de rivalité pour la présidentielle à venir. La confirmation, en octobre 2021, du très controversé, Denis Kadima, à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’avait pas été du goût du clan Katumbi et de l’épiscopat. Le président Tshisekedi est soupçonné d’avoir confié l’institution électorale à cet expert, originaire de la province du Kasaï oriental comme lui, pour se tailler un scrutin sur mesure. Cette pratique n’est pas nouvelle sur le continent, où les dirigeants sont prompts à se livrer à toutes sortes de manœuvres pour se maintenir au pouvoir. Le camp Katumbi reproche également à Tshisekedi de ne pas respecter le cahier des charges à lui soumis, l’année dernière, lors du ralliement à sa cause. Il n’a pas tout faux. Au lieu de travailler à consolider les liens de la coalition, le président congolais œuvre visiblement à affaiblir son allié. Il est dans une stratégie de débauchage des lieutenants de Katumbi. Des cinq ministres que l’homme d’affaires a envoyé au gouvernement, trois d’entre eux ont pris leurs distances avec lui. Aussi Tshisekedi s’inscrit-il dans une logique de mise à l’écart des fidèles de Katumbi, éloignés peu à peu de la soupe.

Les cadres du parti de l’ex-gouverneur rasent apparemment les murs, puisqu’ils ne bénéficient plus de promotion à des postes importants dans l’administration publique. On croirait à une sorte de mise en quarantaine. Les agissements de Tshisekedi, à la tête de la République démocratique du Congo (RDC) depuis 2019, laissent penser qu’il prépare le terrain pour se donner la chance de rempiler l’année prochaine. Il entend manifestement tout mettre en œuvre, pour garder le fauteuil, en vue de terminer ses chantiers, raison avancée pour justifier la sollicitation d’un second mandat. Autant que faire se peut, Tshisekedi travaille à écarter Katumbi, son adversaire le plus sérieux dans la course à la prochaine présidentielle. Pour avoir voulu briguer la magistrature suprême sous le régime de Joseph Kabila, le patron du TP Mazembe, l’un des clubs de football les plus respectés du continent, avait vu des vertes et des pas mûres. Il est en passe de subir le même sort, la route menant au palais présidentiel étant parsemé de grosses embûches. Katumbi a d’ailleurs échappé à une proposition de loi ciblée, qui visait à exclure de la course à la présidentielle, les Congolais qui ne sont pas nés de mère et de père congolais. Le texte, pour le moins crisogène, n’a pas prospéré.

Katumbi est-il sorti de l’ornière pour autant ? Il n’est pas évident. Un nouveau fait aussi suspect que subtile incite d’ailleurs à la méfiance. Son jet privé n’a pas reçu d’autorisation de survol de la RDC, alors qu’il devait se rendre au Qatar, où se déroule en ce moment la Coupe du monde de football. A la lumière des faits exposés, il ne fait l’ombre d’aucun doute, que Katumbi est un ennemi à abattre dans la perspective de la future présidentielle. Son alliance avec Tshisekedi semble plutôt révéler un agenda caché de celui-ci…

Kader Patrick KARANTAO

karantaokader@gmail.com

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