Bamavé Konaté est forgeron, né en 1958 à Ouri dans la province des Balé (Boromo), région de la Boucle du Mouhoun. Il est sculpteur et taille le bois pour en faire des masques, des statuettes… A travers les plantes, il a la magie de soigner plusieurs maladies. Dans cette interview, celui qui a été élevé au rang de Trésor humain vivant (THV) en 2015, fait une appréciation positive des initiatives des autorités pour promouvoir le patrimoine culturel burkinabè.
Sidwaya (S) : Quelle appréciation faites-vous de ce Mois du patrimoine burkinabè voulu par les autorités du Burkina ?
Bomavé Konaté (B.K.) : Quand j’ai appris l’instauration de ce Mois, j’étais très content parce que je me suis dit que le Burkina Faso se réveille enfin. La culture était presque cachée et maintenant, elle est dévoilée. Donc, tout le monde a le courage de revenir dans la tradition. On taxait d’anormales, certaines personnes qui pratiquaient leurs traditions. Maintenant, chacun doit revenir à la culture.
S : Quelle appréciation faites-vous du 15-Mai, instituée comme Journée des coutumes et traditions ?
B.K : Faire comprendre la tradition est très important pour un Burkinabè. Les traditions étaient de plus en plus
négligées. Mettre en avant les traditions constitue un bonheur pour nous qui les pratiquons depuis longtemps. Ceux qui négligeaient nos pratiques vont forcément y revenir.
S : Quelle autre initiative, pensez-vous être nécessaire pour promouvoir les traditions du Burkina ?
BK : Je pense qu’il faut inciter les jeunes à apprendre les traditions et les coutumes. Sinon, après le départ de l’ancienne génération qui les pratique, il y aura un vide. Il nous faut montrer le chemin aux enfants. La faute nous incombera si nous disparaissons avec ce savoir sans le transmettre à la nouvelle génération. Pour cela aussi, la presse a un rôle à jouer à travers les écrits.
S : Quelles sont les actions à votre niveau pour transmettre votre savoir-faire aux générations futures ?
BK : La tradition n’est pas méchante. Tout dépend de comment on la transmet aux enfants. Nous sommes dans cette pratique depuis des années. Si nous allons vers les enfants, ces derniers viendront forcément vers nous pour apprendre. A mon niveau, je les encourage à suivre ce que je fais. Je sais qu’après moi, il faut le pratiquer comme je le souhaite. Je les façonne d’une manière à ce qu’ils deviennent mieux que moi dans l’avenir. Pour promouvoir la culture burkinabè, il faut faire en sorte que les gens aient envie de la pratiquer. Et avec les initiatives en cours, l’envie va naitre au sein de la population. A l’extérieur du pays, quand je dis que je suis forgeron, les gens me respectent. Dans certains pays, le mot est perdu. Mais des gens te diront que leurs grands-parents étaient des forgerons. Les couteaux des rois, les charrues…, toutes ces créations étaient l’œuvre de forgerons. Les forgerons existaient partout dans le monde. Maintenant tout est fabriqué à la machine, mais à l’origine, c’était la forge. C’était une tradition.
S : Est-ce qu’on peut penser à un monde sans tradition ?
BK : Ce n’est pas possible. Seulement, tout le monde n’était pas pour la promotion de la culture. Maintenant que le ton est donné, c’est très bien pour tout le monde. A travers les télévisions et les presses, nous voyons tous les jours des initiatives de promotion de la culture de telle ou telle localité, des danses traditionnelles, des sorties de masques traditionnels. J’invite les Burkinabè à la cohésion sociale, au respect des valeurs culturelles de l’autre. Nous devons préserver cet héritage culturel qui nous est légué.
Interview réalisée par Obkiri MIEN