Depuis que l’enrôlement a commencé, il y a des Burkinabè qui traînent les pas à s’acquitter de leur devoir citoyen. Ces mêmes Burkinabè ont le verbe acerbe et la critique facile ; chaque matin, ils font la Une des radios et des réseaux sociaux ; ils sont prêts à crier sur tous les toits leur désapprobation de ceci ou cela ; ils sont incapables de jouer le plus banal et bénin des actes symboliques d’un citoyen normal. Ce sont ces Burkinabè qui narguent l’agent de police et le VADS avant de « brûler » les feux tricolores. Ils sont prêts à passer leur chemin quand le drapeau fait sa glorieuse ascension et ne savent même pas entonner l’hymne national même écrit en noir et blanc. Ils sont prêts à insulter le président de la République et sa suite avec les termes les plus malsains. Ce sont ces Burkinabè qui ne suivent jamais les informations ni à la télé ni à la radio ; ils ne savent même pas comment tenir un bon journal ; mais ils sont en première ligne des manichéens qui tirent à boulets rouges sur l’autorité. Parfois, c’est une question d’éducation, très souvent, c’est une question de conviction et de principe. Dans ce pays, tout le monde crie au changement, même ceux qui nous dirigent parlent tous les jours de changement. Mais de quel changement parle-t-on tant ? Qui sont les acteurs de changement et à qui profite le changement ? Dans quelques mois, vous verrez défiler à l’écran et sur les ondes, les prophètes du changement, les érudits du changement, les messies du « chamboulement positif », le bigbang mirifique ! Il y en a qui nous hâbleront avec les mots les plus envoûtants et des programmes qui frisent la magie. Sublime utopie ! Il y en a qui feront des promesses extraordinaires et surhumains si bien que l’on croirait qu’ils ont été envoyés par le Père céleste himself. Mais entre nous, peut-on changer les choses sans agir ? Personne ne changera rien à notre place ! Ces temps-ci, des manifestations se font voir tous azimuts et certains manifestants disent qu’ils n’iront pas voter si… Comme si le fait de ne pas aller voter était un moyen de pression ou de chantage. Eh bien ! si tu ne votes pas, sache que d’autres Burkinabè le feront à ta place pour élire d’autres Burkinabè qui décideront à ta place pour ou contre ton gré. Si tu ne votes pas, ça ne fera ni chaud ni froid à personne ! Au soir des élections, sauf cataclysme, les Burkinabè auront un président élu ou réélu et la vie continuera, point barre ! Etre citoyen, ce n’est pas que vivre en ville et arpenter les artères avec les échappés des enclos en divagation. Vivre en ville, ce n’est pas se lever le matin et appeler sur toutes les chaînes de radio pour vociférer sa rage sans avoir sa carte d’électeur. Un proverbe moaga dit qu’on ne peut pas forcer quelqu’un à mettre de la farine dans sa besace. En attendant le vote des hommes intègres, les sites d’enrôlement peinent à faire le plein et cela n’émeut presque personne. Les partis politiques jouent le timide ; la société civile est en voie de disparition ; et dire que certains citoyens ne savent même pas qui ils vont voter. L’abstention est un « vote », certes, mais que vaut-elle sous nos tropiques ? Qui va à la chasse perd sa place ! Il reviendra trouver sur son strapontin un quidam qui lui, sait que sa voix porte et rapporte. La politique de la chaise vide ne profite qu’à celui qui a horreur du vide. C’est pour toutes ces tares de nos démocraties que le peuple a besoin d’être politiquement formé et éduqué. Si chaque Burkinabè savait ce que représentait sa voix à une élection, les politiciens les prendraient plus au sérieux. Hélas ! Il y en a qui ne savent même pas pourquoi et pour qui ils votent. La démocratie sous nos tropiques est un leurre sans fleur qui pousse dans la litière du « bétail » pour servir les intérêts du sérail. Pour dire vrai et tout à la fois, le politicien n’aime pas les éclairés, parce que la connaissance est la mère du discernement. Le politicien aime les pauvres, parce que ce sont les fidèles clients de ces illusions. On ne bat pas campagne avec le même discours à « Bonheur-ville » et à « Misère-ville » ; on ne prêche pas la même « bonne nouvelle » dans un amphi et sous une paillote ! Le 22 novembre 2020, des citoyens iront voter parce que se sentant redevables à un candidat dont la bonne foi ne dépasse pas 2000 F CFA. Des sacs de riz seront nuitamment catapultés et larguer dans des concessions pour troquer la voix des ventres creux contre le fatidique bulletin du destin. Notre démocratie se moque du peuple avec la complicité du même peuple ; ce peuple, citoyen par défaut qui applaudit ses propres turpitudes sur l’autel sacrificiel de l’honneur bradé, à vil prix. Diantre, « Citoyen de seconde main » et de non-être, non enrôlés, sans voix ni voie, quel est ton rôle ?
Clément ZONGO
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