Côte d’Ivoire : le « retour » de Blé Goudé

L’ancien ministre de la Jeunesse de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, libéré sous conditions par la Cour pénale internationale (CPI), en janvier 2019, est toujours à La Haye. Mais, il a assisté par vidéo-conférence, le dimanche 18 août, au premier congrès de son parti, le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (COJEP) à Yopougon, un quartier populaire de la capitale économique ivoirienne, Abidjan. « Charles Blé Goudé a été élu à l’unanimité des 1 250 congressistes, président du COJEP pour quatre ans », selon les conclusions du premier congrès ordinaire du parti, né du mouvement de ce proche de l’ex-président, qui nourrit lui-même des ambitions présidentielles. « Les congressistes m’ont porté à la tête du COJEP. J’en mesure toute la responsabilité.

Ma priorité : la paix et la réconciliation des filles et fils de la Côte d’Ivoire », a déclaré Charles Blé Goudé depuis la Haye. Ces propos sont suffisamment évocateurs des ambitions de l’ancien arrangueur de foule, au moment des heures de gloire et de crise du régime Gbagbo. Le « général de la rue », comme il a été surnommé, se prête donc des ambitions présidentielles, vouant néanmoins sa fidélité éternelle à celui qu’il appelle son « papa » et « maître », Laurent Gbagbo. Une manière de préciser que le COJEP qui entre désormais dans la cour des grands partis selon lui, n’est pas en concurrence avec le Front populaire ivoirien (FPI). Même si ses lieutenants n’excluent pas sa candidature à la présidentielle de 2020, l’ancien meneur des Jeunes patriotes s’est voulu toutefois clair : « c’est quand Laurent Gbagbo ne sera plus actif politiquement que je vais entrer en scène ». Encore loin de cet épisode de l’évolution de la scène politique ivoirienne, Blé Goudé, toujours dans l’attente de la décision d’un éventuel appel de la procureure Fatou Bensouda, doit maintenant nommer son équipe. Déjà, il s’était adressé en mars dernier aux membres du COJEP en ces termes : « Quand je reviendrai, et je vais revenir bientôt, nous allons continuer le combat. Ne doutez pas un seul instant de notre victoire ». C’est dire donc que son ton de rassembleur et d’avocat de la paix, du pardon et de la réconciliation, cache mal ses ambitions politiques à quatorze mois de la présidentielle.

A défaut de la candidature de Laurent Gbagbo et de celle de Blé Goudé, le COJEP n’exclut pas d’avoir son propre candidat pour la conquête du pouvoir d’Etat. L’un dans l’autre, il faut désormais compter avec le parti de Blé Goudé, si l’on sait le rôle que ce dernier a joué dans un passé récent en Côte d’Ivoire. Le camp présidentiel n’a pas encore désigné son joker pour 2020, tandis que l’opposition politique est pour sa part, à l’étape des concertations. C’est dans cette incertitude, de part et d’autre, que le « jeune » COJEP, qui a tout de même 18 ans d’existence, peut jouer un rôle et pas des moindres. En effet, dans un environnement politique aussi volatil que celui de la Côte d’Ivoire, le jeu des alliances a toujours fait la force du vainqueur, et aussi bien Alassane Ouattara que Henry Konan Bédié en sont des témoins privilégiés. Dans ce sens, la large coalition de l’opposition politique que Bédié a entamée ne crachera pas sur une adhésion d’une bête politique comme Charles Blé Goudé.

En tous les cas, si le « général de la rue » venait à être définitivement acquitté par la CPI, son arrivée en Côte d’Ivoire marquera, sans conteste, son retour sur la scène politique.

Jean-Marie TOE

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