SNC Bobo 2024 : « Il y a eu un progrès extraordinaire », Prospère Kompaoré

Prospère Kompaoré : « la SNC est née de la volonté politique de mettre la culture au cœur des préoccupations de l’ensemble du corps social, des responsables et des autorités ».

Professeur d’art dramatique à l’université à la retraite et directeur de l’Atelier théâtre burkinabè, premier directeur général de la SNC, Prosper Kompaoré est l’un des parrains artistiques de la 21e édition de la Semaine nationale de la culture (SNC). Dans cet entretien, l’enseignant d’université à la retraite fait un cours d’histoire de la SNC qu’il a vu naitre.

Sidwaya (S) : Acteur majeur de la SNC depuis les années 1983, quel regard portez-vous sur l’évolution de cette biennale de la culture ?

Prospère Compaoré (P.K) : La SNC est un évènementiel créé en 1983. Aujourd’hui, c’est vraiment un sentiment de satisfaction de voir que le bébé que nous avons vu naître a évolué avec ses crises d’adolescence. Ce bébé a atteint une certaine phase de maturité avec des réalisations et des perspectives un peu plus radieuses.

J’ai participé au premier pas de la création de la SNC, mais après moi beaucoup d’autres camarades ont pris la relève et ont fait progresser l’évènement. Pour notre part, nous avons été heureux de voir la première date de la SNC à Ouagadougou en décembre 1983. C’était déjà quelque chose d’extraordinaire.

Il faut l’avoir vécu pour comprendre à quel point la Semaine nationale de la culture était quelque chose de différent des semaines culturelles qui existaient au paravent. Il s’agissait d’une volonté politique de mettre la culture au cœur des préoccupations de l’ensemble du corps social, des responsables et des autorités. L’année qui a suivi, c’est Gaoua qui a accueilli la SNC. Gaoua c’était la SNC de tous les défis.

Pour y aller, c’était toute une histoire, la route n’était pas praticable, sur place il n’y avait pas d’infrastructures, donc il a fallu tout faire. Il a fallu faire des routes, aménager un aéroport, construire une salle de spectacle, aménager des lieux pour héberger des gens et plus encore. C’était dans des containers qu’on logeait des gens.

Tous ceux qui étaient dans l’organisation étaient animés d’une sorte de volonté révolutionnaire, de faire en sorte que la culture prenne un nouvel élan. C’est pourquoi on a été prêt à accepter beaucoup de sacrifices. On a aussi bravé un certain nombre de problèmes culturels, parce qu’on n’a pas cherché la simplicité.

On a voulu traverser le fleuve avec nos festivaliers, on a voulu gravir la colline de Young pi avec nos festivaliers. Pour faire toutes ces choses-là, il fallait d’abord avoir la bénédiction des vieux et des anciens, donc il a fallu respecter nos coutumes pour que la 2e édition ait lieu. Le troisième défi, c’était de faire en sorte que la chose n’apparait pas comme une sorte de compétition inter-ethnique, c’est ce que le jury arts du spectacle a relevé.

Cela a donné lieu à quelques débats. Donc nous avons expliqué aux gens qu’il ne s’agissait pas de comparer, mais plutôt de créer un certain nombre de critères sur la base desquels on pouvait amener les différents groupes à progresser et à être compétitifs sur le plan international. Ensuite, nous avons participé à la 1re édition de la SNC à Bobo-Dioulasso en 1986. L’élément nouveau de cette édition était l’apport des masques.

Déjà, en 1983, il y avait des masques, mais à Bobo-Dioulasso, c’était le grand boum ! Ces masques venaient de différentes parties de notre pays. Au niveau de l’organisation du GPNAL (ndlr Grand prix national des arts et des lettres), il y avait une plus forte maitrise des données. Tous ceux-ci est parti de la réflexion qui a été menée en 1985 sur l’évolution de la Semaine nationale de la culture à Martoukou. Après la SNC en 1986 à Bobo-Dioulasso, nous nous sommes retrouvés en 1988 à Koudougou et à Réo.

On a décidé d’organiser concomitamment dans ces deux villes. C’était encore des grands défis, ce qui est intéressant dans l’organisation de la SNC, c’est qu’à chaque fois, il y a du nouveau et du challenge. A Koudougou, on a pu construire le théâtre populaire et on a aménagé aussi des espaces pour l’accueil des manifestations à Réo. On a fait la navette entre ces deux villes et ça s’est très bien passé. On a eu une nuit qu’on avait appelé la nuit de la magie burkinabè qui a suscité beaucoup d’attentes, mais qui n’as pas été à la hauteur de ce qu’on avait espéré.

Certains des magiciens traditionnels noirs n’ont pas réussi à nous mystifier comme on l’aurait souhaité. Mais, cela a montré aussi les diversités et les richesses de notre culture. Après Koudougou et Réo en 1988, c’était la SNC Bobo en 1990 où j’ai passé la main à un autre qui a pris le relais. Aujourd’hui, nous sommes là et nous voyons que la SNC commence à s’agrandir, à avoir un certain nombre d’espace qui soit affecté, la prise en charge des artistes pendant et peut-être après la SNC.

S : Comment appréciez-vous l’évolution des prestations artistiques ?
P.K : En matière de prestation artistique, s’il s’agit de monter des pièces de théâtre, nous
avons l’entière liberté d’inventer et d’innover. En ce qui concerne
la représentation de danse traditionnelle et d’expression artistique traditionnelle, il y a un certain nombre de caractéristiques qui doivent être sauvegardées pour que nous puissions retrouver dans chacune des prestations l’âme des peuples qui ont contribué à l’émergence de formes de danse, de chants et autres.

Si bien que la création et l’innovation demandent un savoir-faire. A ce niveau, je crois que dans certaines disciplines il y a eu vraiment un progrès extraordinaire. J’en veux pour preuve la création chorégraphique. En matière de création chorégraphique, on a des spectacles de très haute qualité. En matière de musique cela dépend, il y a des groupes qui percent, qui transcendent et des groupes qui sont en phase de recherche.

Dans le domaine de la danse, on a de très beaux ballets en poule jeune et dans certaines danses chorégraphiques au niveau des adultes. Au niveau des danses traditionnelles, il y a du travail à faire parce que nous avons réfléchi à la dimension culturelle des différentes formes de pas de danse dans nos sociétés. Nous avions conclu que dans chaque groupe ethnique, il y avait une prévalence de la valeur apportée, soit au haut corporel, soit au bas corporel, voire même à la rythmique du corps.

Donc, en fonction de cette réalité culturelle, on pourra travailler à faire en sorte que cela soit encore mieux maîtrisé. Les danses que nous appelions les danses de force et d’acrobatie retrouvent pleinement leurs justifications. Il faut travailler les danses de grâce et de souplesse et avoir de véritables représentations de cette expression esthétique.

S : Vous êtes l’un des directeurs artistiques de la SNC 2024. En quoi consiste votre rôle ?

P.K : Nous n’avons pas une mission spéciale qui nous ait été confiée. C’est nous qui décidons de ce que nous pouvons apporter comme concours, comme réflexion aux artistes pour qu’ils puissent aller encore plus loin. Les organisateurs ont bien pris la maitrise de leurs activités. La cérémonie d’ouverture était d’une maitrise professionnelle absolue. Nous les encourageons parce qu’ils font de très bons travaux. On a de très grands professionnels. En tant que directeur artistique j’apporte ma petite caution morale et esthétique à tous ce qui se fait durant la SNC.

Propos Kamélé FAYAMA

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