Editorial: Vite, des réponses urgentes !

Alors que le douloureux souvenir du drame de Yirgou est toujours vivace dans les esprits des Burkinabè, un autre est survenu au cours de ce weekend près de nos frontières, au Mali voisin.

L’attaque par un présumé groupe d’autodéfense dans le village d’Ogossougo au centre du pays, le 23 mars 2019, a fait au moins 134 morts. C’est la plus meurtrière dans ce pays depuis plus de six ans, ce en pleine visite d’une mission du Conseil de sécurité des Nations unies au Burkina Faso et au Mali.

Le gouvernement malien a immédiatement dissous le groupe d’autodéfense mis en cause et réorganisé le haut commandement de l’armée. Mais cet énième massacre visant une communauté est la preuve que la stigmatisation de la communauté peulhe, qui était une interrogation en 2015 au moment où l’institut du Macina rendait publique une étude sur la problématique, est bel et bien posée dans le centre du Mali et plus récemment dans le septentrion burkinabè.

La triple crise qu’a connue le Mali à partir de 2012 (occupation des deux tiers de son territoire, coup d’Etat suivi d’une Transition chaotique, crises humanitaires) a entraîné de très nombreux déplacements de populations au Sud, au Centre du pays ainsi que chez les voisins tels que le Burkina Faso.

Dans ce Centre du Mali où les violences ont souvent été associées à la Katiba Macina de Amadou Koufa apparue en 2015, l’étude attirait déjà l’attention sur les dangers d’une crise dite négligée et sur la situation ambivalente d’une communauté tenaillée. En tant que première victime du terrorisme, tout en subissant des exactions de forces d’autodéfense sur la base d’un certain délit de faciès où se succède le cycle de vendetta-colère-représailles.

Avec ce dernier drame humain, la situation, qui doit être suivie de très près, est en train de dégénérer en un conflit encore plus inquiétant que personne ne souhaite. S’il faut se résoudre à l’admettre, cette stigmatisation de la communauté peulhe se fonde sur un substrat lointain et plus complexe. En effet, on ne dira jamais assez du fait colonial.

Il a réussi à changer la sphère géospatiale africaine, tout en portant un « coup de massue » à nos cultures et traditions, a notre cohérence interne. Subséquemment et de façon naturelle, les esprits bien-pensants s’imaginaient qu’à l’indépendance, les Africains remettraient de l’ordre dans la maison, en redessinant la carte du continent selon les spécificités socioculturelles et linguistiques, voire en remembrant « l’Osiris africain » « assassiné » par ces Seth (frère d’Osiris qui l’avait tué avant que Isis leur sœur ne le « ressuscite ») venus d’ailleurs. Par mimétisme ou sous la contrainte, les Africains n’ont pas osé inventer l’avenir à travers leur fonds culturel, se contentant de consolider le leg des Etats Nations hybrides.

Avec, à la clef, des conséquences désastreuses au niveau de la cohésion sociale et du vivre-ensemble au Mali, au Burkina Faso, au Soudan, en Somalie, en Ethiopie et dans bien d’autres pays à travers des manifestations diverses. C’est vrai que les pogroms ciblent les Peulhs, mais cela est dû à un autre fait étranger à savoir, le terrorisme qui recrute çà et là.

Aux Etats confrontés à ce problème d’agir avec intelligence avant que la fracture ne devienne béante. La question appelle des réponses urgentes sur le plan de la gouvernance, de la sécurité et du développement. Que réservons-nous par exemple aux talibés qui sont de plus en plus nombreux à sortir des écoles coraniques pour qu’ils ne s’inscrivent pas au chômage, principal vivier de recrutement des cellules terroristes ?

Au Mali comme au Burkina Faso, les paroles du sage Hampaté Ba restent d’actualité : « Dès que vous assistez à une querelle, si minime soit-elle, intervenez, séparez les combattants et faites tout pour les réconcilier ! Car le feu et la querelle sont les deux seules choses qui, sur cette terre, peuvent mettre au monde des enfants plus colossaux qu’eux-mêmes : un incendie ou une guerre ».

Par Mahamadi TIEGNA

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