Les investisseurs ne recherchent pas le potentiel – ils recherchent la prévisibilité. L’Afrique possède largement le premier et construit progressivement les bases du second.
Le secteur aval se trouve à un moment décisif. La croissance démographique, l’industrialisation et l’urbanisation font grimper la demande en carburants et en GPL à des niveaux sans précédent. L’opportunité est immense – mais elle restera théorique tant que le continent ne résoudra pas la fragmentation réglementaire, les lacunes en infrastructures et les obstacles de financement qui minent la confiance des investisseurs.
C’est là que l’Association des Raffineurs et Distributeurs Africains (ARDA) prend le leadership : bâtir un écosystème moderne et cohérent pour l’industrie aval africaine – un écosystème où les projets sont structurés, transparents, conformes et prêts à l’investissement.
Les capitaux se dirigent vers la discipline, la bancabilité et la crédibilité – pas vers l’incertitude. C’est pourquoi, pour convertir le potentiel du secteur aval africain en investissements concrets, l’ARDA préconise des actions tangibles : des normes harmonisées, des infrastructures modernisées et un historique avéré de projets livrés dans les délais et dans les budgets.
La demande énergétique de l’Afrique : Un boom démographique qui exige l’investissement
D’ici 2050, une personne sur quatre vivra en Afrique. Cette réalité démographique alimentera soit la prospérité, soit une dépendance accrue. Le facteur décisif sera l’investissement dans le secteur aval – raffinage, stockage, distribution et systèmes d’utilisation finale des carburants.
Les tendances actuelles rendent l’opportunité impossible à ignorer :
- La consommation de pétrole brut en Afrique devrait passer de 1,8 million de barils par jour en 2024 à 4,5 millions en 2050. Pourtant, l’investissement dans l’aval stagne alors que la production amont continue de croître, laissant l’Afrique piégée dans le paradoxe coûteux d’exporter du brut et d’importer des produits raffinés à prix majoré.
- L’OPEP estime que l’Afrique aura besoin de plus de 100 milliards de dollars d’investissements dans le raffinage d’ici 2050 – un mélange de modernisations, d’expansions et de nouveaux projets pour faire face à la forte demande de produits pétroliers.
L’opportunité est immense. Mais les obstacles sont tout aussi importants.
Pourquoi les projets aval échouent : le déficit de bancabilité
Sur le continent, les projets aval dépassent rarement la planche à dessin car ils échouent au premier test appliqué par les investisseurs internationaux : la bancabilité.
Les investisseurs veulent de la clarté, pas du chaos. Ils recherchent des arrangements prévisibles d’approvisionnement et d’écoulement, une réglementation stable, des contrats exécutoires et des modèles techniques et financiers crédibles. Ils attendent des délais réalistes, une préparation professionnelle des projets et une conformité ESG permettant d’accéder à un capital moins coûteux.
À la place, ils constatent souvent des politiques incohérentes, une fragmentation du marché, des ports peu profonds, des dépôts saturés, des pressions inflationnistes, une volatilité des taux de change et des spécifications de carburants incompatibles.
Spécifications des carburants : un obstacle caché à l’investissement
Sur les 54 pays africains, 46 disposent de spécifications nationales, mais le continent compte encore 12 types d’essence dont la teneur en soufre varie entre 10 et 2 500 ppm, et 11 types de diesel allant de 10 à 10 000 ppm.
Réduire ces écarts est essentiel : moderniser les raffineries africaines pour produire des carburants plus propres nécessiterait environ 16 milliards de dollars – un investissement qui faciliterait le commerce régional, améliorerait l’efficacité et créerait des économies d’échelle.
Défis infrastructures : un frein au potentiel énergétique africain
Un livre blanc de 2024 publié par CITAC et Puma Energy souligne des contraintes logistiques majeures. De nombreux ports africains sont trop peu profonds pour les grands navires, les postes d’amarrage sont saturés, la capacité de stockage est insuffisante, et routes et pipelines sont surchargés avec de nombreux points de défaillance critiques. Collectivement, ces faiblesses ajoutent 20 à 30 dollars par tonne aux coûts du carburant livré et sapent la confiance des investisseurs.
Malgré l’expansion des capacités de raffinage – avec la raffinerie Dangote et d’autres projets – cela ne suffira pas à combler le déficit d’approvisionnement ni à permettre la livraison de carburants plus propres à grande échelle.
L’Afrique fait face à des défis plus larges dans le transport efficace des carburants, ce qui entraîne des chaînes d’approvisionnement inefficaces et incomplètes du littoral vers l’intérieur du continent, y compris vers le secteur minier, freinant ainsi la croissance économique.
La sécurité énergétique de l’Afrique dépend autant des infrastructures de transport : les pays côtiers comme ceux enclavés ont besoin d’investissements coordonnés dans les pipelines, les routes et les réseaux ferroviaires afin que les produits pétroliers atteignent les marchés de manière fiable et à moindre coût pour le consommateur.
Cuisson propre : un marché immense et sous-exploité
Plus d’un milliard d’Africains dépendent encore de la biomasse pour cuisiner, et ce nombre a augmenté de 220 millions depuis 2010. Les conséquences sanitaires, environnementales et sociales sont immenses – tout comme l’opportunité. L’ampleur de la demande non satisfaite place l’Afrique parmi les marchés les plus attractifs au monde pour les investissements dans le GPL.
La conclusion est évidente : l’Afrique doit moderniser son industrie aval pour attirer les capitaux mondiaux, et l’ARDA mène cette transformation.
La feuille de route de l’ARDA pour des marchés aval prêts à l’investissement
En tant que principale voix du secteur aval, l’ARDA travaille à la définition de normes techniques, agit comme catalyseur d’investissement et collabore sur les politiques. Sa mission est claire : construire un secteur aval bancable et prêt pour l’avenir, capable d’attirer des capitaux mondiaux à grande échelle.
L’association a identifié cinq priorités stratégiques pour créer un écosystème pleinement prêt à l’investissement.
- Harmoniser les spécifications des carburants
L’ARDA promeut l’adoption des normes AFRI à faible teneur en soufre, dont l’AFRI-6 (10 ppm), afin de créer des marchés régionaux, réduire les coûts logistiques, améliorer la santé publique, soutenir les modernisations de raffineries et aligner l’Afrique sur les normes internationales.
- Reconstruire les infrastructures de bout en bout
L’ARDA plaide pour une modernisation complète de la chaîne de valeur aval : ports plus profonds, jetées modernisées, SPM et CBM offshore, capacités de stockage élargies avec des cuves dépassant 150 000 m³, pipelines neufs ou réhabilités, et logistique multimodale avec redondance intégrée. Ces améliorations sont essentielles pour atteindre des économies d’échelle et instaurer la confiance des investisseurs.
- Instaurer une discipline réglementaire et financière
Pour garantir la bancabilité des projets, l’ARDA encourage des cadres réglementaires transparents et durables, des contrats EPC clés en main à prix fixe, des accords d’enlèvement bancables et une préparation rigoureuse des projets couvrant portée, coûts, calendrier, technologie, viabilité économique et conformité. L’ARDA promeut également la conception de projets alignés sur l’ESG, condition importante pour accéder aux instruments de financement durable privilégiés par les marchés de capitaux.
- Déployer la cuisson propre à grande échelle
Reconnaissant le GPL comme une priorité sanitaire et climatique, l’ARDA soutient le développement d’infrastructures GPL et bio-GPL à grande échelle, encourage des réformes politiques favorisant l’adoption et mobilise des partenariats tels que l’initiative ARDA-GLPGP visant à rassembler capital public et privé dans un Fonds GPL de 1 milliard de dollars pour identifier, analyser et financer des projets GPL bancables à travers l’Afrique.
- Construire un pipeline de projets bancables
Grâce à sept groupes de travail thématiques – Raffinage & Spécifications, Stockage & Distribution, GPL, Régulation, Financement Durable, HSEQ et Capital Humain – l’ARDA promeut des cadres standardisés, partage une expertise technique de pointe et renforce la constitution d’une main-d’œuvre résiliente pour soutenir les ambitions de transition énergétique du continent.
Un registre de projets aval investissables est en cours d’élaboration, avec approvisionnement, écoulement et gouvernance clairement définis. Les plateformes de l’ARDA – dont le récent Forum sur le Stockage, la Distribution et le Jet Fuel à Dakar, Sénégal, et le Forum GPL à Lusaka, Zambie – servent à identifier les blocages clés et à accélérer les réformes politiques favorables à l’investissement.
Par ailleurs, une École de Formation – le Centre d’Excellence du Capital Humain au siège de l’ARDA à Abidjan, Côte d’Ivoire – propose des programmes de renforcement des capacités et maintient une base de données de professionnels panafricains pour soutenir l’exécution des projets. Cette initiative contribue à former les leaders et experts de demain qui piloteront la croissance du secteur et la transition énergétique de l’Afrique.
Conclusion pour les Investisseurs
Le secteur aval africain fait partie des dernières grandes frontières mondiales d’investissement énergétique à forte croissance. La demande est dictée par la démographie. Le déficit d’offre est structurel. Les besoins en capital dépassent 100 milliards de dollars. Et les bénéfices économiques potentiels sont transformateurs.
Une chose est certaine : pour les investisseurs recherchant des rendements à long terme soutenus par une demande réelle, le secteur aval africain n’est pas seulement une opportunité – c’est la prochaine frontière.
Mais les capitaux ne circuleront que là où la discipline est démontrée, et c’est précisément ce que l’ARDA est en train de bâtir : un écosystème aval harmonisé, intégré et compatible ESG, conçu pour l’investissement.
Anibor Kragha
Secrétaire exécutif, Association africaine des raffineurs et des distributeurs





