Mme Euphrasie Kouassi Yao, titulaire de la Chaire UNESCO « Eau, Femmes et Pouvoir de Décision » (CUEFPOD), a séjourné à Oslo du 25 au 30 août 2025, à l’invitation du Conseil norvégien pour l’Afrique (NCA) et de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo (PRIO). Elle y a présenté sa vision intégrée du genre, du développement durable et de la paix, saluée par ses hôtes.
Depuis plus de 35 ans, Euphrasie Kouassi Yao parcourt la Côte d’Ivoire, l’Afrique et le monde en portant un message qui brise les stéréotypes et transforme les mentalités en faveur de l’égalité entre les sexes. Figure emblématique de la promotion du Genre, du Développement durable et de la Paix, Titulaire de la Chaire UNESCO « Eau, Femmes et Pouvoir de Décisions » (CUEFPOD), pionnière de l’intégration du genre dans les politiques publiques et privées, elle a fait de ce triptyque le cœur de son engagement social et politique. Son expertise de longue date dans ces domaines vient d’ailleurs d’être saluée au plus haut niveau international : invitée fin août 2025 par le Conseil Norvégien pour l’Afrique (NCA) et l’Institut norvégien de Recherche sur la Paix d’Oslo (PRIO), Mme Yao a eu l’occasion de partager la réussite ivoirienne en la matière, signe d’une reconnaissance mondiale de sa vision novatrice.
Genre et développement : un levier de paix durable
Les crises successives qu’a connues son pays, la Côte d’Ivoire, au cours des décennies passées ont convaincu Euphrasie Yao d’une chose : « aucune paix durable n’est possible sans lutter contre les discriminations de toutes sortes, en promouvant la justice sociale et l’inclusion ». Très tôt, son engagement pour l’égalité des chances entre les femmes et les hommes et le développement durable l’a amenée à voir dans l’égalité des chances femmes-hommes un levier stratégique de prévention des conflits.
Pour concrétiser cette idée, elle a conçu et conceptualisé l’approche « Genre et Développement », un cadre visant à réduire les inégalités sociales (éducation, santé), économiques (accès aux revenus, emploi), politiques (participation aux décisions) et culturelles entre femmes et hommes, afin d’aboutir à un développement durable et équitable profitant à chaque citoyen·ne. En s’attaquant ainsi aux racines de l’injustice et en promouvant une gouvernance inclusive, cette stratégie a contribué à transformer la société ivoirienne – au point que la Côte d’Ivoire a été désignée championne d’Afrique de l’égalité des chances femmes-hommes en 2023 selon l’indice SIGI de l’OCDE (score de 17,3 sur 100). Cette progression remarquable, fruit d’une volonté politique et d’un activisme de terrain, illustre combien l’égalité des chances femmes-hommes peut jeter les bases d’une paix durable.
Le cadre COFA : de la conscientisation à l’action
Parallèlement, Mme Yao a développé un autre outil innovant : le cadre COFA – acronyme de Conscientisation, Formation et Actions – qui propose une véritable théorie du changement en trois étapes interdépendantes. L’objectif est de traduire des concepts abstraits (égalité, paix…) en impacts concrets au niveau communautaire. D’abord la conscientisation : une prise de conscience collective de l’importance vitale de la paix et du rôle que doivent y jouer les femmes et les jeunes. Ensuite la formation : doter les acteurs locaux (associations, leaders communautaires…) des compétences et outils nécessaires pour maintenir la cohésion et prévenir les violences. Enfin l’action : mener des initiatives tangibles sur le terrain, mesurables et pérennes. Inspiré d’un mot baoulé qui signifie « va prendre », le concept COFA part du principe que la paix ne peut pas être imposée de l’extérieur : elle doit être adoptée et cultivée par les communautés elles-mêmes. L’approche Genre et la méthode COFA ont servi de boussole à Mme Yao dans l’élaboration de multiples programmes de consolidation de la paix, démontrant comment ancrer durablement la stabilité au sein de la société.
Une galaxie de programmes phares aux résultats tangibles
Guidée par ces principes, Euphrasie Kouassi Yao a initié et piloté une série de programmes pionniers dont les effets concrets témoignent de l’alliance réussie entre égalité et pacification sociale :
- CREA-PAIX : Lancé en 2020 dans un contexte électoral tendu, le programme Communautés Régionales pour l’Autonomisation et la Paix a mobilisé prioritairement les femmes et les jeunes sous le slogan évocateur « La Paix est non négociable ». S’appuyant sur les résolutions 1325 et 2250 de l’ONU, CREA-PAIX a formé des centaines d’ambassadrices de paix et de volontaires de la non-violence. Des femmes leaders religieuses, des jeunes et même des artistes (humoristes) ont été engagés pour diffuser des messages de cohésion dans les langues locales, à la radio et à la télévision. En 2020, une médiation inédite réunissant des femmes leaders de différents partis politiques a contribué à désamorcer la crise post-électorale, préservant ainsi la paix sociale en Côte d’Ivoire. Le succès de CREA-PAIX se poursuit aujourd’hui avec de nouvelles campagnes (*« La non-violence active, chemin de paix » 2025-2026) et une mobilisation de plus de 700 volontaires issus de 13 pays, preuve de son impact international grandissant.
- Compendium des Compétences Féminines (COCOFCI) : Conçu et lancé en octobre 2011 en pleine crise post-électorale, à la demande du Président de la République Alassane Ouattara, ce programme ambitieux vise à renforcer la visibilité, la participation et le leadership des femmes dans les sphères publiques et privées, sans distinction d’ethnie, de religion ni d’appartenance politique. Porté par des valeurs d’amour, de solidarité et d’audace, le Compendium constitue aujourd’hui une base de données dynamique de plus de 18 600 femmes ivoiriennes de tous horizons. Très vite, cette initiative a été mise à contribution pour la paix : les femmes du Compendium ont joué un rôle majeur dans la cohésion sociale et la réconciliation nationale, en brisant les méfiances et stéréotypes nés de la crise. Le programme a aussi fait émerger de nouvelles figures féminines de premier plan – à l’image d’une ancienne élève devenue députée-maire – symbolisant la transformation positive rendue possible par l’autonomisation des femmes. Le modèle du Compendium ivoirien a essaimé au-delà des frontières, inspirant plusieurs pays africains à lancer des initiatives similaires d’identification des compétences féminines pour le développement et la paix.
- Formation en Ingénierie du Genre (FIG) : Pour pérenniser ces avancées et professionnaliser l’approche genre, Euphrasie Yao a créé en 2018, via la Chaire UNESCO qu’elle dirige, une formation diplômante d’excellence en ingénierie du genre. L’idée est de doter les administrations, entreprises et ONG d’experts capables d’intégrer l’égalité femmes-hommes dans les politiques publiques et les projets de développement. En huit ans, plus de 500 spécialistes – venus de Côte d’Ivoire, d’Afrique de l’Ouest, mais aussi du Canada et de la France – ont été formés dans le cadre de ce programme. Ces diplômé·e·s œuvrent aujourd’hui dans l’administration, l’armée, le secteur privé ou les organisations internationales, diffusant une culture de l’égalité à tous les niveaux. Cette professionnalisation du genre a contribué à consolider la stabilité sociale et à instituer des pratiques plus inclusives, jouant un rôle direct dans le leadership de la Côte d’Ivoire au classement SIGI 2023.
- Projet Diatokro : Dans le village rural de Diatokro (3 000 habitants), Euphrasie Yao a appliqué la méthode COFA pour résoudre les conflits liés à l’accès à l’eau potable, ressource souvent source de tensions en milieu rural. En impliquant étroitement les femmes et les hommes dans la gestion participative de l’unique point d’eau du village, elle a transformé ce facteur de discorde en projet commun. Vingt ans plus tard, Diatokro n’a connu aucun conflit lié à l’eau : les maladies hydriques ont reculé, les femmes ont pu lancer des activités économiques grâce à l’accès fiable à l’eau, et la cohésion sociale s’est trouvée renforcée. Cette expérience innovante, saluée par un collège d’experts de l’UNESCO, a valu à Mme Yao une médaille d’or au Symposium de l’eau à Cannes et la création de la première Chaire UNESCO au monde dédiée à “l’Eau, aux Femmes et au Pouvoir de Décision”. Euphrasie Yao est ainsi devenue la première (et seule) femme titulaire d’une chaire UNESCO en Côte d’Ivoire – une reconnaissance de plus de la portée internationale de son action.
- Centre PAVVIOS : Face au fléau des violences basées sur le genre (VBG), qui détruisent des vies et menacent le tissu social, Euphrasie Yao a fondé le premier centre PAVVIOS (Prise en charge des Victimes de Violences Sexuelles et basées sur le Genre) en Côte d’Ivoire. Ce centre pionnier offre aux survivantes de violences un accompagnement holistique – médical, psychologique, juridique et socio-économique – afin de les aider à se reconstruire. En restaurant la dignité des victimes et en brisant la culture du silence autour des abus, PAVVIOS envoie un signal clair d’intolérance vis-à-vis des violences faites aux femmes. Il contribue ainsi à réduire les ressentiments et les divisions engendrés par ces violences, et permet aux femmes de retrouver pleinement leur rôle d’actrices de paix et de développement au sein de la communauté. En luttant contre les VBG, PAVVIOS s’attaque à l’une des sources profondes de conflictualité et participe à créer les conditions d’une stabilité durable.
Une vision ivoirienne rayonne en Norvège
L’ensemble de ces initiatives illustre de façon concrète le principe fondamental porté par Mme Yao : promouvoir l’égalité des chances femmes-hommes, c’est semer les graines d’une paix durable. En s’attaquant aux inégalités et aux injustices, en mobilisant femmes et jeunes aux côtés des décideurs, « on désamorce les conflits avant qu’ils ne naissent et l’on bâtit peu à peu une paix positive ancrée dans les communautés » affirme-t-elle avec conviction. Forte de cette conviction et des résultats obtenus en Côte d’Ivoire, Euphrasie Kouassi Yao voit aujourd’hui son expérience érigée en modèle au-delà des frontières. L’invitation qu’elle a reçue à Oslo (Norvège) du 25 au 31 août 2025 s’inscrit en effet dans un partenariat inédit entre la Norvège et la Côte d’Ivoire, deux nations pionnières en matière d’égalité : la Norvège, leader mondial avec un score SIGI de 6,7/100 (très très faible), et la Côte d’Ivoire, championne africaine avec un score SIGI 2023 de 17,3100 (très faible). Ensemble, le pays scandinave et la nation ivoirienne – unies par la même ambition – entendent faire du Genre, du Développement durable et de la Paix de véritables biens publics mondiaux. Cette coopération internationale, catalysée par l’engagement sans relâche d’Euphrasie Yao, ouvre de nouvelles perspectives pour partager les bonnes pratiques ivoiriennes et inspirer d’autres sociétés à construire, elles aussi, la paix par l’égalité.
T.K.