Guinée Bissau : que vaut l’ultimatum de la CEDEAO ?

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) réussira-t-elle a mettre fin à la crise politique née de la contestation des résultats du second tour de la présidentielle de janvier 2020  en Guinée-Bissau ? Réunis en marge du sommet de l’Union africaine, le 9 février 2020 à Addis-Abeba en Éthiopie, les chefs d’Etat des pays membres de la CEDEAO ont donné un ultimatum de six jours aux autorités de Guinée-Bissau pour trouver une issue à la crise qui n’a que trop duré. « Les chefs d’Etat ont longuement examiné cette question. Ils ont donc demandé à ce que la Cour suprême examine cette question conformément aux dispositions constitutionnelles de la Guinée-Bissau et que cela soit fait dans un délai maximum, donc la date fixée c’est le 15 février 2020. Donc on a donné un délai à la Cour suprême pour vraiment vider cette question », rapporte Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de la CEDEAO. Au lendemain de la publication des résultats définitifs du second tour, le 17 janvier dernier, donnant Umaro Sissoco Embaló vainqueur avec 53,55 % des voix, son adversaire, le candidat du parti au pouvoir, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, Domingos Simões Pereira, a refusé le verdict des urnes appelant ses militants à descendre dans la rue. Depuis lors, l’appareil d’Etat se trouve dans une situation de blocage et n’en pouvant plus face à ce « blocus » marqué par le tiraillement entre les deux camps dont les positions sont de plus en plus tranchées. Alors la CEDEAO veut faire valoir son autorité.  Il reste maintenant à savoir si l’ultimatum sera respectée, au regard des profondes divisions qui existent entre le vainqueur et le finaliste malheureux. D’ailleurs, chacun de son côté ne cesse de multiplier les voyages pour rechercher d’éventuels soutiens dans la sous-région. Certains observateurs bien avisés de la scène politique bissau-guinéenne émettent de sérieux doutes, sur le respect des directives données par l’organisation ouest-africaine. Ces derniers estiment que la justice bissau-guinéenne est censée être indépendante et ne saurait donc se laisser influencée par une décision venant de l’extérieur fut-elle celle de la CEDEAO. De plus, les chefs d’Etats savent bien qu’ils sont divisés sur la question de la Guinée-Bissau. Eux qui reçoivent les protagonistes de la crise dans leurs palais, apportant parfois leurs soutiens à l’un ou l’autre des camps puis, une fois dans les fora communautaires, tiennent un autre discours. Initialement, l’UA avait envoyé une invitation au président élu, de la Guinée Bissau, Umaro Sissoco Embaló, mais elle a été annulée à la dernière minute à cause des divergences de points de vue sur le sujet. Petit pays de  36 120 km2, la Guinée Bissau connait, depuis l’époque de la colonisation, une instabilité chronique rythmée par des renversements de pouvoir par la violence. Le phénomène des coups d’Etat colle à la peau des acteurs dans ce pays au point qu’aucun président n’a pu jusque-là parvenir à la fin de son mandat. On est tenté de dire que la prise de pouvoir dans le sang semble être la voie indiquée pour accéder aux affaires dans ce pays. Car, l’élection de cette année, qui devrait permettre au peuple bissau-guinéen de tourner définitivement cette page sombre de son histoire,  n’a pas produit le resultat escompté. A analyser la situation de près,  les Etats voisins y sont souvent pour quelque chose. La CEDEAO joue une fois de plus sa crédibilité dans cette crise politique en Guinée Bissau, et il lui appartient de peser de tout son poids pour amener les acteurs à réviser leurs positions par un recours au dialogue inclusif.

Beyon Romain NEBIE

nbeyonromain@yahoo.fr

 

 

 

 

 

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