Inégalités sociales croissantes en Afrique: un appel à taxer plus les plus riches pour un monde plus juste

Pour sortir de ce cycle d’inégalités ou d’injustices sociales, le rapport 2025 de OXFAM recommande de taxer les riches et d’investir dans la majorité.

L’ONG OXFAM a rendu public son dernier rapport intitulé : « La crise de l’inégalité en Afrique et la montée des ultra-riches ». Il ressort que le continent connait « une grave crise des inégalités alimentée par des politiques qui profitent aux élites et affaiblissent les services publics ». A titre illustratif, selon ledit rapport, quatre des milliardaires les plus riches du continent africain totalisent aujourd’hui une fortune de 57,4 milliards de dollars, correspondant à plus que la richesse combinée de 750 millions de personnes, soit la moitié de la population du continent. 

Considéré comme le continent qui présente des taux de pauvreté les plus élevés, l’Afrique est aussi l’une des régions les plus inégalitaires du monde. Telle est la substance du dernier rapport de l’ONG OXFAM intitulé : « La crise de l’inégalité en Afrique et la montée des ultra-riches ». Publié à la veille de la réunion de coordination semestrielle de l’Union africaine qui se tient à Malabo, en Guinée équatoriale, ledit rapport a fait l’objet de présentation aux journalistes, le 10 juillet 2025, au cours d’une conférence de presse en ligne. 

Il ressort que l’écart entre les riches et les couches défavorisées se creuse davantage sur le continent. En effet, quatre des milliardaires les plus riches du continent africain totalisent aujourd’hui une fortune de 57,4 milliards de dollars, correspondant à plus que la richesse combinée de 750 millions de personnes, soit la moitié de la population du continent, révèle le rapport. Et, les 5 % les plus riches d’Afrique emmagasinent une richesse de près de 4 000 milliards de dollars. Ce qui est plus du double de la richesse combinée des 95 % restants de la population du continent. Pendant ce temps, les 50 % les plus pauvres possèdent moins de 1 % de la richesse du continent.

Preuve que les inégalités gagnent du terrain sur le continent, près de la moitié des 50 pays les plus inégalitaires sont africains et sept personnes sur dix touchées par l’extrême pauvreté dans le monde vivent en Afrique alors que ce ratio était seulement d’une personne sur dix en 1990. La faim frappe également de plus en plus les Africains. Près de 850 millions de personnes souffrent de faim, soit une hausse de 20 millions depuis 2022. Face à cet enlisement continu de la pauvreté et des inégalités, l’action publique devant contribuer à y apporter une réponse structurelle n’est malheureusement pas à la hauteur des défis, déplore OXFAM.  

Selon l’ONG, les gouvernements africains sont les moins engagés au monde dans la réduction de ces inégalités, car ils continuent de rogner les budgets alloués aux services publics clés comme l’éducation, la santé et la protection sociale, tout en continuant à offrir aux ultra-riches du continent, des impôts sur la fortune qui sont parmi les plus bas du monde. Selon un précédent rapport d’Oxfam et Development Finance International, 94 % des pays africains bénéficiant de prêts de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), soit 44 pays sur 47, ont réduit leurs dépenses en matière d’éducation, de santé et de protection sociale en 2023-2024 afin de pouvoir rembourser leur dette. 

Un système fiscal pénalisant pour les couches vulnérables

Ce faible investissement dans les services sociaux de base hypothèque considérablement l’objectif de l’Union africaine (UA) de réduire les inégalités de 15 % au cours des dix prochaines années. Cet insuffisant engagement politique pour l’élimination de ces inégalités sociales croissantes se traduit par un système d’imposition fiscale qui ne favorise pas les couches démunies regrette OXFAM. Par exemple, le continent ne perçoit en moyenne que 0,3 % de son PIB au titre de l’impôt sur le patrimoine, soit moins que ce qui est perçu dans les autres régions comme l’Asie (0,6 %), l’Amérique latine (0,9 %) et les pays de l’OCDE (1,8 %). Sans oublier qu’au cours de la dernière décennie, cette part jugée déjà faible a baissé de près de 25 %. 

Et selon le rapport, cette faiblesse de l’impôt sur le revenu des personnes et de l’impôt sur la fortune, doublée de la prédominance des impôts indirects comme la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), accentue les inégalités avec à la clé, la moitié de la population du continent vivant dans 19 pays où les inégalités de revenus se sont aggravées ou ont stagné au cours de la dernière décennie. Les constats du rapport illustrent ce grand fossé entre riches et pauvres du continent.

Par exemple, en trois jours seulement, une personne appartenant au 1 % le plus riche d’Afrique gagne ce qu’une personne appartenant à la moitié la plus pauvre de l’Afrique met une année à gagner. Et même s’ils perdaient 99,99% de leur fortune, les cinq hommes les plus riches d’Afrique seraient encore 56 fois plus riches que la moyenne des habitants du continent. Le rapport indique également qu’au cours des cinq dernières années, les milliardaires africains ont vu leur richesse augmenter de 56 %.  Et cette augmentation est de 88 % pour les cinq milliardaires les plus riches du continent.

Si la pauvreté a un visage plus féminin en Afrique, ce continent est aussi la première région du monde où les inégalités de genre en matière de richesse sont les plus marquées. Les hommes y possèdent trois fois plus de richesses que les femmes. Au milieu de ces inégalités, il y a des exemples qui montrent qu’il est possible pour le continent d’inverser sensiblement la tendance, de bâtir des systèmes économiques plus équitables.

Par exemple, le Maroc et l’Afrique du Sud perçoivent respectivement 1,5 % et 1,2 % de leur PIB au titre de l’impôt foncier, qui sont parmi les taux les plus élevés du continent, note le rapport. Il y a aussi les Seychelles où les 50 % les plus pauvres ont vu leur part de revenu augmenter de 76 % depuis 2000, tandis que les 1 % les plus riches ont perdu les deux tiers de la leur, souligne OXFAM. 

« Taxer les riches et investir dans la majorité »

Le rapport d’Oxfam montre également que les pays africains pourraient collecter 66 milliards de dollars par an, soit 2,29 % de leur PIB, en taxant la richesse des 1 % les plus riches d’un point de pourcentage supplémentaire et leurs revenus de 10 points de pourcentage supplémentaires. Ce qui aurait permis de générer des ressources nécessaires pour assurer le financement d’une éducation de qualité gratuite à tous les citoyens et citoyennes et raccorder tous les foyers et toutes les entreprises à l’électricité. Pour les auteurs du rapport, la persistance de ces inégalités sociales n’est pas une fatalité, encore moins due à un problème de manque de ressources pour adresser la problématique de manière structurelle ; elle est plutôt la résultante d’un déficit de gouvernance publique, de volonté politique. 

« Les richesses de l’Afrique ne manquent pas, elles sont dilapidées par un système truqué qui permet à une petite élite d’amasser d’immenses fortunes tout en privant des centaines de millions de personnes des services les plus élémentaires. Il ne s’agit pas d’une malchance. C’est un échec politique – et cela doit changer », a martelé la directrice de Oxfam Afrique, Fati N’Zi-Hassane.  Pour elle, ce changement est un impératif, car chaque Africain et chaque Africaine mérite de vivre dans la dignité. « Lorsqu’une poignée de milliardaires est autorisée à accumuler des richesses insensées alors que des millions de personnes sont piégées dans la pauvreté, le système est défaillant et moralement indéfendable », dénonce-t-elle. 

Pour sortir de ce cycle d’inégalités ou d’injustices sociales, il n’y a pas mille et une alternatives. « La solution est claire : taxer les riches et investir dans la majorité. Toute autre solution est une trahison. Si les Etats africains sont sérieux en matière de réforme et de justice, ils doivent cesser de récompenser une minorité et commencer à construire des économies au service de la majorité », insiste Mme N’Zi-Hassane. Et taxer les richesses extrêmes n’est pas seulement juste, c’est un ingrédient essentiel pour l’Afrique que nous voulons, conclut-elle.  

Synthèse de Mahamadi SEBOGO

Windmad76@gmail.com 

 

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