J’ai peur d’aller à l’hôpital !

Je suis malade mais j’ai peur d’aller à l’hôpital. Cela peut paraître drôle mais au nom de ma plume qui larmoie et saigne, j’ai peur ! J’ai peur de cet hôpital qui se dresse de toute sa hauteur pour nous écraser du regard et nous marcher parfois dessus sans égard à nos plaintes et complaintes. J’ai peur de cet hôpital qui accueille ses malades avec le revers de la main et un souffreteux sourire de jaunisse. J’ai peur de cet hôpital malade de ses propres écueils, au point que ses ordonnances ne sont que des notes de souffrances infligées à la misère.

Comment voulez-vous nous guérir de nos maux si les mots que vous nous proférez creusent en nous la tombe de nos espoirs ? Comment voulez-vous nous traiter en nous maltraitant par action ou par omission ? Comment voulez-vous nous soigner sans prendre soin de nous ; sans nous témoigner un peu d’affection, un peu d’attention ? Cet hôpital est devenu un lieu de détention où l’agonie des suppliciés affectés n’est qu’un disque rayé, monotone au tympan du geôlier tout de blanc vêtu. Si seulement la blancheur était vraiment synonyme de pureté, je me ferais couper les mains sales pour ne pas entacher un seul pan de mon intégrité. Mais hélas, on peut porter une blouse blanche et faire grimper la tension d’un malade ou baisser sa glycémie rien que par le ton. On peut porter des gants blancs et des bavettes coquettes sans oser toucher un malade, par dédain. Au-delà du mesquin, c’est malsain !

Où sont passés les infirmiers d’antan qui nous écarquillaient les yeux en nous souriant ou qui nous faisaient sortir la langue en caressant nos joues ? Où sont-ils ces infirmières qui nous mettaient un bonbon dans la bouche avant de nous piquer discrètement sans réveiller la douleur domptée ? Où sont-ils ces agents de santé qui avaient en plus du savoir-faire, le savoir-être avec leurs patients, au point de faire de l’empathie l’expression d’une sympathie inconditionnelle ?

Où est-il le médecin qui avait du temps pour écouter ses malades sans regarder sa montre ni l’horloge qui marchent plus vite que la vie ? Où est-il le passionné qui expliquait au malade son mal sans ouvrir un dictionnaire mais plutôt avec ses propres mots, dans la langue du malade, loin du pédantisme d’une science en mal simplicité ? Où est passé celui qui parlait aux malades avec des mots qui apaisent mieux que les doses de spécialités en pharmacie ? Entre la chimie médicale des laboratoires et l’alchimie des sentiments du cœur, aucune potion magique ne soulage mieux que l’Amour. Et le vrai amour, c’est que l’on ressent et manifeste dans son travail et pour son travail. C’est ce que l’on exprime dans nos relations avec les autres. Aujourd’hui, la rhétorique du praticien donne parfois des coliques au patient ; le comportement du soignant affecte le rétablissement du malade ; la relation malade-soignant est déterminante dans la guérison, parce qu’au-delà du comprimé qui apaise la douleur du corps, il y a l’attention ou la bienveillance qui rassure l’Esprit, l’âme. Malheureusement, nos hôpitaux ne souffrent pas plus de l’insuffisance de personnel de qualité que de la carence en humanité du même personnel. Nos hôpitaux ne sont pas plus en quête de spécialistes que d’humanistes.

Il y a des hôpitaux de renom, plus équipés dans ce pays mais il suffit parfois d’évoquer leur simple nom pour susciter l’émoi au sein d’une bonne frange de la population. Il y a de simples Centres de santé et de promotion sociale (CSPS) dont la renommée en accueil dépasse les mouroirs les plus huppés du pays. Là aussi, il suffit de tendre l’oreille pour savoir que la meilleure des publicités, c’est celle qui repose sur la vérité. Tu peux être docteur ou professeur spécialisé en tout, si tu ne sais pas communiquer avec le malade, tes diplômes et tes titres ne sont valables que pour toi. Tu peux être bardé des médailles d’honneur les plus dorées, si tu n’es pas capable de mettre cet honneur au service de l’homme, tu resteras un buste encombré de décoration, sans la moindre satisfaction morale.

De nos jours, il y a des malades qui meurent par erreur et même par négligence, parce que le soignant ou les soignants n’ont pas véritablement joué leur rôle. Il y en a qui trépassent, parce qu’ils ont passé le temps à avaler des médicaments chargés de principes actifs certes, mais avec des soignants vides de principe d’éthiques humaines. Non, je n’irai pas dans cet hôpital où le sens de l’humain est un cul-de-sac sans issue. Il suffit de poser parfois une question « bête » à Monsieur ou à Madame le Docteur, pour se rendre compte qu’on ne pose pas de question à celui qui nous soigne. Il suffit d’exprimer la plus petite des curiosités pour susciter le courroux du manitou en blouse blanche qui défend ses connaissances et compétences sans faire preuve de tempérance. Non, on ne pose pas de question à n’importe quel agent de santé ! Et ne poussez pas la « bêtise » ou l’outrecuidance en lui posant des questions sur le médicament administré, s’il a fait ceci ou cela, s’il peut faire ceci ou cela pour apaiser votre malade ! La réponse sera cinglante : « êtes-vous médecin ? Êtes-vous du corps médical ? Calmez-vous, ici c’est moi qui soigne et vous la fermer sinon… C’est ainsi que j’ai vu des agents de santé boycotter des malades en trainant les pas, en n’étant pas disponibles au moment crucial, en disant clairement à l’accompagnant qu’il est libre d’amener son malade ailleurs. J’ai vu ce père de famille trimballé sa fille anémiée dans cet hôpital et être refoulé manu militari, parce qu’il n’avait pas de référence. Malgré ses supplications, ils n’ont rien fait. La petite a rendu l’âme… Y a-t-il une meilleure référence que celle qui vient du cœur, de notre sensibilité, notre compassion. Personne n’est obligé de répondre, c’est une question « bête » !

 Clément ZONGO clmentzongo@yahoo.fr

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