Le travail au sens figuré ou propre ?

Quand je regarde tous ces jours fériés en rouge qui encombrent mon calendrier, je renverse mon encrier et je rougis de questions : quelle perception, quelle place donne-t-on au travail ? Le travail, au-delà de son caractère contraignant et de la souffrance physique qu’il génère menace-t-il autant la liberté individuelle ?

Quand je pense à tous ces jours ouvrables ouverts mais mal ouvrés, je me demande pour qui nous travaillons et pour quelle cause nous nous battons ? Encore faut-il que l’on sache vraiment que la paresse nourrit impunément son homme sans le grandir. Les jours fériés ne sont pas tous superflus ; il y en a qui méritent vraiment leur place par leur charge symbolique. Mais au-delà de toute considération éthique, il faut reconnaître que ces jours fériés ne font plus vraiment école dans l’attitude et le comportement du commun des mortels.

Peut-on, selon le bon sens, célébrer une journée dédiée aux martyrs sous les manguiers entre gallinacées et bière fraîche, le tout pimenté de femmes en laisse ? Quand vous perdez votre fils ou votre frère ou sœur dans la barbarie des hommes, vous ne pouvez pas faire le show, le jour anniversaire de son assassinat. Doit-on se réjouir des longs weekends munis de « ponts », chômés et payés qui ne font que raccourcir notre niveau de développement ?

Mais de quel développement parle-ton d’ailleurs quand les jours ouvrables, nous tournons le pouce devant l’ouvrage qui s’entasse ? De quel développement parlons-nous quand nous ne sommes même pas capables d’imprimer la moindre marque d’évolution au quotidien dans notre propre vie ?

Rien ne sert d’être le directeur si vous n’avez pas la capacité de vous orienter, de surcroît, diriger. Rien ne sert d’être un agent si vous ne pouvez pas vous plier pour transformer une instruction en exécution et si vous n’êtes pas suffisamment souple pour savoir passer dans le trou d’une aiguille. Il y a toujours quelque chose à faire dans nos services ou ailleurs, mais combien s’attellent vraiment à faire ce qu’ils doivent faire avec l’idée de bien faire ? Combien sont enclins à dépasser leurs propres limites pour s’affirmer par le travail.

Oui, on me dira que nous sommes des millions et qu’une seule personne ne peut prétendre changer le monde. Mais qui vous demande de réinventer la roue ? Pour certains, il faut être ministre pour imprimer sa marque pendant que le balayeur de rue sait que chaque matin ses coups de balai rendent la ville propre.

Combien coûte un cadre de vie sain et beau ? Ce monde est un vaste champ d’opportunités et de travail, mais en quoi le président de la République s’échine-t-il plus que le cordonnier adroit, qui s’applique ou le diligent brancardier qui sait prendre le relais du pompier ?
Nous ne travaillons pas assez ; nous revendiquons parfois plus que nous ne sommes exigeants envers nous-même. Nous ne nous mettons pas suffisamment à la tâche ; nous travaillons juste pour nous donner bonne conscience et mériter un salaire qui n’est pas toujours l’équivalent de l’effort fourni.

Le bon travail n’a pas de prix ; il est simplement estimé loin de sa juste valeur. Parce que la vraie valeur du travail ne se voit pas mais elle brille enfouie en celui qui l’exécute. Si on devait vraiment mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, il y en a qui n’auront pas de place devant l’ouvrage. En vérité, nous travaillons d’abord pour nous-même avant de le faire pour l’employeur qui ne regarde ou ne voit que les résultats.

Beaucoup sont surpayés pour avoir tourné le pouce entre les quatre murs intimes de l’effort infime. Quand ils vont au service, c’est juste pour valider une présence parfois vide de contenu. Ils arrivent toujours en retard et repartent toujours avant les autres. Pendant la saison des grèves, ils cultivent l’absentéisme dans le champ de l’égoïsme national. Ceux-là ne sont pas fiers de leur paresse, parce qu’ils ont triché, copié ou volé.

Dommage que ce soient eux qui récoltent à la place du laboureur. Parfois même, ils ne savent pas bien récolter, parce qu’ils n’ont jamais su semer.
Pendant ce temps, l’« âne de la République » se tue à la tâche contre un salaire de misère qui fâche. Mais comme c’est un « âne », il travaillera jusqu’à la dernière goutte de sueur sans la moindre reconnaissance qui exalte.

Au fond de lui, il y a un grand esprit qui sait se défendre, qui sait faire de la matière brute un produit fini. C’est en forgeant que l’on devient forgeron et il n’y a pas de forge sans marteau ni enclume. L’expérience est la meilleure gratification de ceux qui vont au charbon. On peut avoir des résultats en claquant deux doigts, mais c’est avec dix doigts habiles et un esprit agile que l’on parvient au résultat escompté. Entre le diplôme et la pratique, il y a un grand fossé qui ne se comble qu’avec des œuvres.

« Ne soyez pas comme des chats : friands de poissons, ils détestent la nage. Le travail est l’ami des vivants. Travaillez donc, travaillez ! Les pauvres sont des charges pour l’humanité. Seriez-vous beau mais besogneux, parlez, on ne vous écoute. En chemin, vous marcherez derrière les autres. Car l’enfant qui ne veut travailler, dans un verger, maraudeur ; dans la ville, quémandeur ; à la maison, de trop. Le travail, mes amis, seul, fait l’homme », disait le poète et journaliste malgache, Flavien Ranaivo.

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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