Mali : difficile médiation

La mission dépêchée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), au chevet du Mali, pour tenter de sauver le pouvoir en place, face au mouvement de contestation qui réclame le départ du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), a accouché d’une souris. Conduite par l’ancien président nigérian, Goodluck Jonathan, la délégation a vu ses propositions de sortie de crise rejetées par le Mouvement du 5- Juin. « Les propositions de solutions de la mission de la CEDEAO ne correspondent absolument pas aux aspirations et attentes exprimées par le M5 et portées par l’écrasante majorité du peuple malien », indique le communiqué publié par le mouvement, à l’issue de sa dernière rencontre avec la mission de l’organisation sous régionale, qui s’est achevée tard dans la nuit du 18 juillet 2020.

Les médiateurs ont proposé la formation d’un gouvernement d’union nationale, la reconstitution rapide et consensuelle de la Cour constitutionnelle afin que les Sages puissent statuer à nouveau sur les résultats des dernières élections législatives, la mise en place d’une enquête pour déterminer les responsables des tirs contre les manifestants et de la destruction d’édifices publics lors des récentes mobilisations de l’opposition. Même l’octroi de 30% des portefeuilles ministérielles à l’opposition et 20% pour la société civile au gouvernement d’union nationale n’a pas réussi à faire bouger les lignes, puisque le M5 tient mordicus au départ du pouvoir de IBK.

Les manifestants reprochent à la médiation de n’avoir pas tenu compte du contexte sociopolitique et des risques majeurs que la gouvernance du régime IBK fait peser sur l’existence du Mali. Jugeant l’approche de la CEDEAO superficielle, et son analyse pleine d’erreurs, le mouvement a appelé ses militants et sympathisants à poursuivre les actions de désobéissance. A écouter les contestataires, visiblement rongés par la colère, la crise postélectorale qui a éclaté au lendemain des élections législatives est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Mais le problème du Mali est plus profond que les experts ne pensent. Manifestement le maintien du président IBK aux affaires constitue le principal point d’achoppement entre le M5 et les émissaires de la CEDEAO, dont les efforts sont vus comme des arrangements ayant pour seul objectif de sauver un président en difficultés avec son peuple.

Autant dire que c’est un échec cuisant que la CEDEAO vient d’essuyer et cela va incontestablement entamer son image déjà ternie par des faits précédents. Au point que certains se demandent si l’organisation communautaire a encore un minimum de crédibilité aux yeux des peuples. On a l’impression que les médiations de la CEDEAO se suivent et se resemblent. Lorsqu’une crise éclate dans un Etat de l’espace, elle se presse de mandater des personnalités, pour la plupart du temps, des anciens chefs d’Etat, pour discuter avec les protagonistes. Malheureusement, ces missions de bons offices peinent souvent à produire les résultats escomptés, le rapprochement des parties prenantes dans les crises n’étant pas aisé.

Les différentes médiations menées en Guinée-Bissau, pays qui a connu des crises politiques à rebondissements ou encore celle conduite par les président Bony Yayi du Bénin et Macky Sall du Sénégal au Burkina Faso en 2015 sont des exemples qui illustrent à souhait cet état de fait. Ce qui s’est passé au Mali n’a rien de surprenant, surtout pour les observateurs avisés. C’est plutôt le contraire qui aurait créé la surprise. La situation sécuritaire au Nord-Mali, marquée par la présence des groupes terroristes aux ambitions sécessionnistes, interpelle les acteurs sur la nécessité de préserver le pays d’une autre crise. Les protagonistes maliens gagneraient à s’asseoir autour de la même table, afin de chercher les solutions à leurs problèmes, au nom de l’intérêt supérieur du peuple. Car à trop tirer sur la corde, elle finit par rompre !

Beyon Romain NEBIE

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