Le procès du putsch manqué a repris, le lundi 7 janvier 2019 avec la poursuite de l’interrogatoire du général Djibrill Bassolé, accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtres, coups et blessures volontaires et de trahison. Il a refusé toute discussion sur le contenu des conversations téléphoniques qui lui sont prêtées.
L’affaire des écoutes téléphoniques du général Djibrill Yipénè Bassolé a été le principal sujet à la reprise du procès du putsch, le lundi 7 janvier 2019 devant le tribunal militaire. Interrogé par le parquet militaire, l’accusé a refusé de répondre aux questions sur lesdits éléments sonores, principal fondement de l’accusation.
Il a davantage insisté pour que le procureur militaire donne des éclaircissements sur l’origine de l’enregistrement, l’auteur et la manière dont l’interception des conversations téléphoniques a été faite. Le général s’est montré convaincu que le parquet ne peut donner de précisions sur ces points. Fort d’un rapport d’expertise qu’il a commandé avec un spécialiste français, et que le juge d’instruction a rejeté, il a soutenu que les écoutes téléphoniques ont été prises sur internet, où toutes les manipulations sont possibles et que la pièce sonore détenue par le parquet n’est pas l’original. En témoigne, selon lui, la bande de transmission des écoutes, 100Hz à 3700Hz, alors que le standard téléphonique international pour GSM mobile est de 250Hz à 3200Hz.
« Je ne m’engage pas à discuter d’écoutes dont l’origine est inconnue et qui ont été faites dans une irrégularité totale », a déclaré le général Bassolé. Celui-ci s’est du reste appuyé sur un extrait du rapport d’expertise officielle dans lequel il est mentionné que l’authentification avait des limites, dans la mesure où il n’y avait aucune information préalable sur les circonstances de la prétendue conversation. Mais pour le parquet, il s’agit d’une hypothèse parmi tant d’autres que l’expert a émise dans les analyses préalables à son travail. Tout le long de la journée, le général et les parquetiers se sont rejoints sur un point : « l’expert allemand, Hermann Künzel a tout dit ».
Mais chacun y est allé de son interprétation. Alors que les procureurs militaires invoquent les conclusions de l’expert déclarant que les analyses acoustiques et linguistiques appliquées aux conversations n’ont produit ni indice ni trace de trucage ou de montage, l’accusé a tablé plutôt sur le domaine de l’expertise. Selon Bassolé, l’Allemand Künzel est un spécialiste de renommée mondiale en matière de comparaison de voix. Seulement, le juge d’instruction burkinabè l’a saisi pour faire une analyse acoustique des éléments sonores, ce pour quoi il n’a pu rien relever. Pour le général, il aurait fallu qu’il soit saisi dans son domaine de compétence, ce qui aurait permis de démontrer si les voix des différents protagonistes de l’élément sonore sont authentiques.
Selon ses dires, il s’en était ouvert au juge d’instruction qui avait semblé manifester une intention de procéder à cette comparaison vocale, mais aucune suite ne sera finalement donnée. Le général Bassolé insistant sur l’illégalité des éléments sonores, le ministère public a rappelé que ces questions ont été débattues devant la chambre de contrôle de l’instruction qui a débouté la défense de l’accusé. Le parquet a aussi soutenu qu’au demeurant, l’accusé s’est pourvu en cassation à propos des écoutes et que par conséquent, il n’y a aucune raison de discuter encore ces points devant le tribunal militaire.
« Laissez tomber les communications … »
Passé le débat sur la forme et l’authenticité des écoutes, le parquet a orienté ses questions sur le contenu des conversations téléphoniques, pour savoir notamment si l’accusé s’y reconnaît. Réponse du prévenu : « Si votre démarche vise à m’amener à discuter de ces enregistrements sauvages, je m’arrête là. Libre à vous de les présenter comme éléments de preuve. Mais je n’en discuterai pas ».
N’en démordant pas pour autant, les parquetiers ont passé près de deux heures à lire les retranscriptions des communications de Bassolé avec nombre de personnes dont le général Gilbert Diendéré, le commandant Henri Paul Damiba, le président du Parlement ivoirien, Guillaume Soro et une certaine Rebecca du Togo. « Pouvez-vous nous dire si ces éléments sonores sont conformes à la réalité ? », a demandé le procureur militaire. « C’est un exercice inutile. Ces éléments n’apprennent rien à personne. Je n’y répondrai pas. C’est parce que le dossier est vide que les parquetiers ont passé le temps à lire des communications téléphoniques. En dehors de ces lectures fastidieuses et compliquées, il n’y a rien », a répliqué Djibrill Bassolé.
Et d’inviter le parquet à « revenir à la réalité », celle selon laquelle il est accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de coups et blessures volontaires et de trahison. « De ce qui a été lu, quels sont les éléments d’après lesquels j’ai soutenu, incité ou aidé à l’attentat à la sûreté de l’Etat ?», s’est interrogé l’officier de gendarmerie. « Les pièces lues sont des pièces du dossier. Libre à vous de ne pas répondre aux questions. Mais vous ne pouvez pas amener le parquet dans le sens que vous voulez », a répondu le procureur avant d’insister pour savoir si Bassolé a été en intelligence avec M. Soro pour déstabiliser la Transition. « Si vous avez autres choses que les écoutes, je suis prêt à en discuter. Si ce sont seulement les écoutes, gardez-les pour vous », s’est emmuré le général d’un ton sec. Face à l’insistance de l’accusation, il dira : « laissez tomber les communications. On peut gagner du temps ». Et de se murer dans un silence pour la suite de l’interrogatoire jusqu’à la suspension à 13h. A la reprise, les mêmes débats ont repris suscitant des vagues de murmures dans la salle d’audience remplie aux trois quarts. L’audition du général se poursuit ce mardi.
Jean Philibert SOME &
Fabé Mamadou OUATTARA