L’ancien directeur général de la Police nationale, Lazare Tarpaga, a comparu, vendredi 8 février 2019, es qualité de témoin, dans le cadre du procès du coup d’Etat de septembre 2015.
Le rôle de la Police nationale dans le putsch de septembre 2015 se précise peu à peu. Vendredi 8 février 2019, c’est son directeur général au moment des faits, Lazare Tarpaga, qui a donné, à la barre, des détails sur les mouvements de ses éléments. Il a dit avoir d’abord reçu, le 16 septembre vers 14h30, un sms du directeur de cabinet du président du Faso, Michel Kafando, à l’époque, l’informant de la prise d’otage des autorités par les soldats de l’ex-RSP. Aux environs de 17 heures, le général Gilbert Diendéré l’a appelé au moins cinq fois au téléphone, en l’espace d’une vingtaine de minutes. Le général a premièrement informé le DG d’antan, de la situation à la Présidence du Faso. Ensuite, il lui a demandé son soutien et celui de son corps. En outre, Diendéré l’a instruit de faire des opérations de maintien d’ordre au carrefour BF1 et à la place de la Nation.
«A chaque fois, j’ai répondu : bien reçu mon général », a précisé Lazare Tarpaga. Le parquet miliaire a parlé d’un « témoignage capital », preuve que le général avait bel et bien préparé le coup d’Etat. Aussi, le témoin a indiqué qu’il avait demandé à la CRS de se rendre plutôt vers le Palais des sports (au lieu de BF) et d’effectuer une « mission de surveillance » à la place de la Nation. L’ancien DG a confié avoir tenté de joindre sans succès le Chef d’état-major général des armées au moment des faits, le général Pingrenoma Zagré. Ce serait finalement le lendemain, 17 septembre, qu’il a réussi à s’entretenir avec le général Zagré. « Je lui ai dit qu’il est possible que Diendéré soit derrière ce mouvement d’humeur… Le général Pingrenoma Zagré m’a dit que si c’était un coup d’Etat, que lui il n’était pas d’accord », explique le témoin.
Après cette entrevue peu avant 7 heures, il a reçu un autre coup de fil du général Diendéré, qui demandait que la police multiplie les patrouilles. L’ancien DG a souligné avoir posé des « conditions » à cet effet. Elles touchent au manque de matériels de maintien de l’ordre, de carburant et de frais de motivation pour les hommes. Pour lui, il s’agissait d’une « manœuvre dilatoire », pour ne pas assurer le maintien de l’ordre. Toutefois, le général remplira les conditions. « Quatre véhicules» de la police ont été approvisionnés en carburant dans les soutes du Conseil de l’entente. Lazare Tarpaga a aussi reçu du matériel de maintien de l’ordre et la somme d’un million F CFA des mains du capitaine Abdoulaye Dao. Lorsqu’il a eu la confirmation qu’il s’agissait bien d’un coup d’Etat, ses instructions ont changé.
«J’ai dit aux hommes : ceux qui sont contre le coup d’Etat, laissez-les tranquilles. C’est contre les pillards, casseurs et voleurs qu’il faut agir. Faites attention aux civils et aux cibles… Je ne veux aucune interaction avec les manifestants », a laissé entendre le contrôleur général de police. Lazare Tarpaga a indiqué avoir organisé « des patrouilles de surveillance », en refusant le maintien de l’ordre. Il est catégorique, ses éléments n’ont pas maintenu l’ordre, le matériel reçu n’a pas été utilisé non plus. Il a relaté d’ailleurs qu’un policier en poste à Gaoua a été sanctionné pour avoir empêché des anti-putschistes de manifester. Le témoin a affirmé avoir reçu un appel du Colonel-major Boureima Kiéré, dans la nuit du 18 septembre, demandant d’envoyer une équipe dans les alentours de Savane FM pour fouiller une zone dans laquelle était localisée la radio de la résistance. Il a soutenu qu’il a décliné la proposition du colonel-major.
« Mon général, votre mémoire vous joue des tours »
Ensuite, il aurait informé le président du CNT, Chérif Sy, de ce que la radio avait été localisée afin qu’il prenne ses dispositions. Mais il a admis avoir fait partie de ceux qui ont accueilli les Chefs d’Etat à l’aéroport, aux côtés du général Gilbert Diendéré. Appelés à la barre, Abdoulaye Dao, Boureima Kiéré et Gilbert Diendéré ont tous nié en bloc. Le capitaine a dit n’avoir jamais interagi avec l’ancien directeur général lors du putsch. Le général Diendéré lui, a été virulent dans ses propos à l’endroit du témoin. « Je connais Lazare Tarpaga depuis 1982. Je suis vraiment désolé de le dire, mais c’est le prototype du faux témoin. Je ne l’ai jamais appelé le 16 septembre à 17h, j’étais avec les chefs militaires (…). Je l’ai appelé le 17 septembre, parce que des personnes menaçaient d’incendier mon domicile à Yako », a rétorqué le général Diendéré. A l’en croire, il a rencontré l’ancien DG de la police en compagnie de responsables d’autres corps paramilitaires, le 18 septembre. « C’est ce jour que j’ai dit que je comptais sur la police pour gérer les cas des casses… J’étais qui pour lui demander d’envoyer des patrouilles ? », s’est interrogé le général. Il a précisé que c’est une dizaine de véhicules de la police, qui se sont approvisionnés au Conseil de l’entente.
Lazare Tarpaga lui, a rétorqué dans des termes aussi durs : « Je peux me tromper sur l’heure mais pas la date. Je maintiens bel et bien que les appels se sont passés le 16 septembre… Je suis désolé mon général, votre mémoire vous joue des tours. En 1982, je faisais la première. Je suis rentré dans la Police en 1990 ». La défense s’est intéressée à l’argent que le témoin dit avoir reçu du capitaine Dao. « Pourquoi dans votre procès-verbal, vous n’avez pas parlé du million F CFA ? », a demandé Me Mireille Barry. A la réponse du témoin, hilarité dans la salle : « Vous avez parfaitement raison Me. Ma mémoire m’a joué des tours ».
Le procureur militaire a voulu savoir pourquoi Lazare Tarpaga n’a pas refusé dès le début de donner satisfaction aux demandes du général Diendéré. Le témoin a répondu que la situation commandait la prudence, les autorités étant prises en otage. « Je ne pouvais pas dire non frontalement au Gal Diendéré. Ça aurait été suicidaire de s’opposer frontalement à lui », s’est-il défendu. Le procès reprendra le lundi 11 février 2019 avec la poursuite de l’ex-DG de la Police nationale.
Djakaridia SIRIBIE