Secteur du tourisme au Burkina Faso : Bagré et Loumbila, deux symboles de la résilience des Burkinabè

La piscine bien entretenue du CET de Bagré avec toutes les commodités

Le secteur touristique burkinabè, comme bien d’autres, est confronté à un certain nombre de difficultés qui entravent son développement du fait des doubles crises sanitaire (COVID-19) et sécuritaire que traverse le pays. Malgré tout, des sites d’attraction comme le centre écotouristique de Bagré et le complexe hôtelier Loumbila Beach, font dans la résilience et avec succès. Constat.

Yacouba Diakité, DRCAT/Centre-Est : « Je salue la privatisation du centre écotouristique de Bagré et espère que l’exploitant sera plus regardant ». 

Mardi 3 octobre 2023. 16h. Carrefour menant au village de Bagré, à une trentaine de kilomètres de Tenkodogo, dans la région du Centre-Est. Des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) positionnés, assurent la sécurité des lieux tout le long de la voie. Les uns camouflés, les autres bien en vue, armés jusqu’aux dents, le regard soutenu, veillent au grain sur la sécurité de l’axe Tenkodogo-frontière du Togo. Les commerces ouverts aux abords du carrefour continuent de fonctionner. Ce dispositif et les inquiétudes d’emprunter cet axe, foi du Directeur régional de la culture, des arts et du Tourisme (DRCAT) du Centre-Est, Yacouba Diakité, s’explique par la situation sécuritaire. « Vous voyez comment le Quai d’Orsay (ministère français des Affaires étrangères, ndlr) peint la carte burkinabè ? Forcément, cela joue sur le tourisme. Par conséquent, le nombre d’étrangers qui venaient visiter le pays a chuté et pour maintenir le tourisme on ne peut que vivre du tourisme interne », explique-t-il. Ainsi, poursuit-il, dans la province du Koulpelogo par exemple, le tourisme se fait « autrement » et en majorité avec les élèves, les travailleurs de l’administration publique et du privé. « Il y a une nette amélioration depuis 2020 », se réjouit-il. Les sites les plus fréquentés, renchérit le directeur provincial en charge du Tourisme du Boulgou, Mamadi Zonga, sont ceux qui ne sont pas très loin du chef-lieu de la région, Tenkodogo, comme ceux de Garango, Bagré et Komtoèga. Pour sa part, le Directeur général adjoint du tourisme (DGAT), Bassirou Balboné, précise que la baisse du tourisme récepteur (de 60%) a été accentuée par la crise sanitaire de la COVID-19 qui a bouleversé la tendance du tourisme national et international. « La crise sanitaire aussi a eu un impact sur le tourisme interne. Mais le tourisme récepteur est en train de se relancer pour retrouver son niveau d’avant crise », informe le DGAT.

 

L’accompagnement de l’Etat

 

Les effets de la COVID-19 et de l’insécurité ont entrainé la diminution de la fréquentation de la destination Burkina par les touristes étrangers, la fermeture des entreprises, la compression des travailleurs et la multiplication du chômage technique, selon les services en charge du tourisme. Des mesures d’appui ont été prises par l’adoption de la loi n°011-2021/AN portant Loi d’orientation du tourisme au Burkina Faso, en vue de donner un nouvel élan à ce secteur. Dès lors, le ministère en charge du tourisme a entrepris certaines démarches pour soulager et soutenir les entrepreneurs touristiques. Le DRCAT du Centre-Est, Yacouba Diakité, cite des initiatives telles que la Nuit de l’entrepreneur touristique qui prime les meilleurs promoteurs, en plus de l’examen et la validation trimestrielle des requêtes de subvention de projets touristiques par un comité d’évaluation. A cela, il ajoute le Fonds de promotion culturel et touristique qui subventionne et accorde des prêts aux associations et entreprises touristiques.

 

Le Directeur général adjoint du tourisme, Bassirou Balboné, affirme que la baisse du tourisme récepteur a bouleversé la tendance du tourisme national et international.

Pour amortir le choc ressenti par les hôteliers, relate Bassirou Balboné, le gouvernement a pris des mesures pour soutenir les entreprises touristiques à travers un fonds COVID, logé au sein du ministère en charge du commerce. « A part cela, il y a eu des plaidoyers faits par le ministère en charge du tourisme qui ont permis de baisser la TVA des services touristiques à 10%. Depuis l’arrivée de la Transition, toutes les activités culturelles, touristiques et sportives ont été reprises et cela montre que le Burkina Faso est fréquentable. On a pu tenir le SIAO, la SNC, le STHO-VITHRO, le Tour du Faso », a-t-il dit. Aux dires du DGAT, le ministère en charge du tourisme soutient également les acteurs à travers le renforcement de leurs capacités, les initiatives d’émulation, l’appui-conseil, de classement et de contrôle.

 

Bagré renaît de ses cendres

La Cour fleurie du CET de Bagré respecte les normes d’hygiène et d’assainissement.

Mardi 3 octobre 2023. Il est 16h 30mn au centre écotouristique de Bagré à une cinquantaine de kilomètres de Tenkodogo. Dès l’entrée, un vent chaud et agréable venant du barrage en crue vous accueille. La verdure est luxuriante. Un calme reposant couplé aux chants d’oiseaux et d’insectes viennent compléter l’exotisme des lieux. Un potager à la touche humaine force l’admiration. Ce complexe hôtelier est un véritable paradis avec toutes les commodités offertes à ses visiteurs. La diversité faunique et floristique vous offre une villégiature comme nulle part ailleurs au Burkina Faso, le tout couronné par une belle vue sur le grand barrage de Bagré et sa splendide plage artificielle. Cet espace soigneusement aménagé pour des besoins récréatifs, idéal pour des retrouvailles diffuse un parfum mixé des fleurs de la nature, de la fraicheur des eaux du barrage, des scintillements des vagues, des décorations artistiques. Inauguré le 6 juin 2009, le centre écotouristique de Bagré a été réalisé dans le cadre des Engagements nationaux avec le soutien de la République de Chine-Taïwan. Premier du genre dans notre pays, le joyau aménagé sur plus de 25 500 ha vise à valoriser les potentialités touristiques tout en développant l’écocitoyenneté. Pour faire face à la situation sécuritaire qui a amenuisé sa clientèle, le centre, selon son directeur d’exploitation, Joël Euric Capo-chichi, a prioritairement axé ses actions marketing et commerciales sur le tourisme de proximité en offrant des services à tarif réduit à la population environnante tout en gardant des tarifs préférentiels à ses clients habituels afin de les fidéliser. Le centre, détaille-t-il, est constitué d’un total de 42 bungalows de types F4, F3 et F2, tous climatisés avec des tarifs « bien étudiés » entre 22 500 F et 50 000 F CFA par jour, en fonction du nombre de personnes par groupe et de la durée du séjour. « Dans le restaurant qui offre des mets à base de produits locaux et un bar climatisé, on peut savourer des jus naturels. L’hôtel c’est aussi des salles de conférence entièrement équipées. Des vigiles et un peloton de sécurité et d’intervention de la gendarmerie y effectuent des patrouilles de jour comme de nuit », rassure le directeur d’exploitation. L’une des particularités du centre réside dans le tourisme de vision permettant de découvrir les potentialités agro-sylvo-pastorales de la zone du pôle de croissance de Bagré et les différentes réalisations de Bagrépôle. « Le centre a repris son exploitation en novembre 2019 après une léthargie depuis 2015 où il était sous gestion de concessionnaires privés », rappelle Joël Capo-chichi. Ce qui fait dire au DRCAT/Centre-Est, Yacouba Diakité, que le centre renait de ses cendres et va contribuer à promouvoir le développement endogène. « Concernant la privatisation, le gestionnaire va bien manager et sera plus regardant parce qu’il vise la rentabilité, étant donné qu’il y a un contrat qui le lie à l’Etat. Je salue cette privatisation », indique-t-il. Concernant les retombées socioéconomiques, le Président de la délégation spéciale (PDS) de la commune de Bagré, Gérard Maré, déplore la non application de la délibération relative à la mobilisation des taxes d’hébergement. Il soutient cependant que des échanges par rapport à la mobilisation des ressources au profit du budget communal sont en perspective en vue de contribuer au développement local.

 

Loumbila Beach, cet autre paradis

 

A Loumbila Beach, des enfants et des adultes profitent de la piscine pendant leur visite. 

30 mn de route sur l’axe Ouaga-Ziniaré, au cœur de Loumbila. Bâti sur une superficie de 2 ha, Loumbila Beach est créé depuis 2008, peut recevoir 1 500 à 2 000 personnes. Dans ce centre écotouristique, à l’intérieur très accueillant, la verdure est entretenue toute l’année. Des logements confortables construits dans un style d’art et de modernité. Un bar restaurant, une cuisine spécialisée en mets africains. 30 chambres de 3 catégories, des bungalows, 2 piscines dont une semi-olympique, 4 grandes salles dont 2 de 400 à 500 places pour les séminaires, les conférences, les mariages. Une activité nautique avec les bateaux, les pédalos et les jets ski et une aire de jeux pour les enfants disposant de toboggans, d’auto-tamponneuses et de manèges. « Lors de mes voyages à l’extérieur, j’ai trouvé que ce genre de structure manquait à Ouagadougou. J’ai donc décidé d’en faire pour mon pays et les gens ont adhéré », explique le promoteur de Loumbila Beach, Eric Marie Désiré Ima.

Le promoteur de Loumbila Beach, Eric Marie Désiré Ima, explique que la situation sécuritaire a occasionné une compression de son personnel.

Avec l’avènement du terrorisme, regrette M. Ima, l’établissement a connu d’énormes difficultés en termes de fréquentation. « On a déjà fait des compressions de personnel pour faire face à la situation», dit-il. Le DRCAT du Plateau central, Bernard Saba, ajoute que la tendance est donc à la promotion du tourisme interne qui consiste à amener les Burkinabè à visiter les potentialités touristiques et culturelles de leur pays. « Je crois que c’est une adaptation, une forme de résilience pour permettre au secteur touristique de continuer à vivre malgré l’absence des touristes d’antan qui étaient majoritairement des expatriés », poursuit-il. M. Saba affirme que des expatriés viennent malgré tout mais les locaux ont compris l’intérêt du tourisme au Burkina Faso. « C’est vrai que y a des établissements qui ont fermé, mais nous pensons qu’aujourd’hui, le secteur du tourisme malgré tout continue à vivre et avec les nationaux majoritairement », relève le DRCAT/Plateau central.

 

Des emplois pour les riverains

 

Des balades en jets ski et en bateaux sur les eaux du barrage de Loumbila au gré des vagues.

Pour sa part, le PDS de Loumbila, Seyba Compaoré, rassure que les relations entre sa commune et les responsables de Loumbila Beach, sont « très bonnes ». « Les retombées en termes d’emploi dans le développement de la commune sont bien visibles et énormes. Ils ont créé des emplois pour ceux qui habitent dans la commune et aussi ceux qui ont cédé leurs champs pour la construction du complexe hôtelier », a poursuivi le PDS. Contrairement au centre écotouristique de Bagré où les clients se font rares, Loumbila Beach refuse du monde, surtout les week-ends et encore plus pendant les congés et les vacances scolaires. Une cliente qui préfère garder l’anonymat, nous confie qu’elle y séjourne pour une formation. « Le cadre est idéal, beau, propre, apaisant, le service est bien », note-t-elle, même si elle pense que les choses peuvent être améliorées. « On n’a plus le courage de visiter certains endroits. Les étrangers ont peur de venir ici et cela a des répercussions à tous les niveaux du tourisme. Le patrimoine culturel du pays est de moins en moins connu », soutient-elle. Quant à Adama Badini, fonctionnaire de son Etat, il est venu avec son fils pour passer des moments de complicité. Il affirme avoir choisi Loumbila Beach à cause de sa proximité et son cadre enchanteur. « Les services offerts sont bien mais les prix de balade sur l’eau doivent être revus à la baisse », suggère-t-il. Pour l’insécurité, M. Badini raconte qu’elle a permis aux Ouagalais de se rendre compte qu’il existe des endroits à côté d’eux qui permettent de passer de bons moments.

Haoua BABA

Ph : Haoua BABA)

 


 

Encadré : Croissance du nombre des touristes nationaux

Selon le compendium des statistiques du tourisme de l’année 2022, les arrivées des touristes à l’Aéroport international de Ouagadougou entre 2013 et 2022, laissent voir que le nombre a drastiquement baissé en 2019, période de la COVID, pour remonter en 2022. Pendant que les arrivées des touristes étrangers baissent du fait de la double crise sanitaire et sécuritaire, le nombre de touristes nationaux a commencé à croitre. Confère le tableau ci-dessous.

Tableau des touristes nationaux et étrangers qui ont le plus visité les sites burkinabè les 10 dernières années

Pays/Année 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
Nationaux 277 989 277 197 302 950 331 317

365

374

391 918 420 151 363 907 406 389 405 811
France 35 715 29 311 23 840 23 993 23 917 20 062 19 367 6 620 11 029 10 166
Côte d’Ivoire 18 852 16 509 16 665 14 914 18 741 16 715 18 791 6 718 13 791 14 056
USA 7 748 5 984 5 923 5 611 5 331 4 091 5 534 1 776 1 632 2 386
Chine 2 492 17 651 3 128 2 568 1 844 2 765 3 670 155 400 535

 

 

 

 

 

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