Sénégal : l’heure des comptes

Les crimes et les violences politiques perpétrées avant l’arrivée au pouvoir des opposants, Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, notamment sur la période allant de 2021 à 2024, ne resteront pas impunis. Ainsi, en a décidé la justice sénégalaise qui a ouvert une enquête sur ces troubles ayant occasionné de nombreuses victimes. Dans le lot des manifestants qui décriaient la gouvernance de Macky Sall et réclamaient le respect des règles de l’Etat de droit et de la démocratie, 80 personnes avaient perdu la vie et des centaines d’autres avaient été arrêtées ou torturées. Les circonstances qui ont entouré ces violences politiques seront passées au peigne fin dans cette enquête axée sur les crimes de sang essentiellement. Il s’agit, entre autres, des meurtres, des assassinats, des tortures et autres potentiels crimes contre l’humanité.

Le procureur de Dakar, Ibrahima Ndoye, chargé de mener les investigations, devra donc œuvrer à rétablir des faits en vue de la manifestation de la vérité. Cette enquête s’avère cruciale pour la cohésion sociale au Sénégal qui, il faut le dire, a été mise à mal, ces dernières années à cause des remous politiques. Mais, pour ouvrir la voie à ce travail, il a fallu d’abord restreindre le champ d’application de la loi d’amnistie, tant elle passait l’éponge sur les probables crimes les plus horribles. Cette loi d’amnistie votée sous Macky Sall et considérée par de nombreux Sénégalais comme « un passeport » pour l’impunité a été retoquée par le Conseil constitutionnel pour permettre des poursuites contre les éventuels auteurs de crimes. Le chrono est lancé pour le procureur Ndoye et la procédure devra s’ouvrir incessamment. Dans les prochains jours, les familles endeuillées et les victimes de tortures seront entendues, en vue de comprendre les circonstances des crimes concernés. Après avoir débloqué 5 milliards F CFA pour indemniser les victimes des violences politiques dont le nombre n’a pas été précisé, le gouvernement sénégalais entend désormais mettre l’accent sur le domaine de la justice, en vue de la manifestation de la vérité.

Ils sont nombreux les Sénégalais qui veulent connaitre les vrais auteurs et commanditaires des violences qui ont principalement visé les opposants au régime Sall. Cette enquête peut ressembler à une chasse aux sorcières aux yeux des caciques de l’ancien pouvoir, mais ces violences ne sauraient passer par perte et profit. Les Sénégalais sont favorables à la réconciliation des cœurs, à condition que l’on passe d’abord par la case justice. Il faut qu’on sache qui a fait quoi et qui n’a pas fait quoi. Quels ont été les donneurs d’ordre ? Les forces de l’ordre ont-elles abusés de leur pouvoir ? Qui a torturé qui ? Ce sont autant d’interrogations qui méritent des réponses. Les nouvelles autorités du « pays de la Teranga », qui ont été elles-mêmes victimes de ces violences quand elles étaient dans l’opposition, ne veulent pas donner l’impression de cultiver l’impunité. « La moindre injustice, où qu’elle soit commise, menace l’édifice tout entier », disait le militant afro-américain des droits civiques, Martin Luther King. Les responsables des meurtres, assassinats, actes de torture et autres doivent répondre de leurs actes, tôt ou tard. Il ne saurait en être autrement, si l’on veut aller à la réconciliation nationale. Toute chose à laquelle les Sénégalais ne sont manifestement pas opposés.

Kader Patrick KARANTAO

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