Pour son deuxième mandat à la tête de la Fédération burkinabè de judo, Pimbi Nikièma compte poursuivre son œuvre entamée il y a 4 ans, en consolidant les acquis. Pour y arriver, l’inspecteur des douanes compte sur la compréhension et l’accompagnement des judokas.

Après un premier bail de 4 ans, vous revenez pour un second. Quelles sont les motivations qui ont prévalu à ce 2e mandat ?
Effectivement après un premier mandat, j’ai décidé de rebeloter. Mais je dirai que la décision n’a pas été prise seule. C’est avec l’ensemble des acteurs qui gravitaient autour de moi. Avec les membres du bureau sortant, nous avons ensemble décidé de poursuivre l’œuvre. Nous pensons pouvoir apporter aussi notre petite contribution à l’évolution de ce sport au Burkina Faso. C’est tout cela qui nous a donc motivé à continuer « le match » comme on le dit.

Vous rebelotez pour un 2e mandat. Peut-on en déduire que vous êtes l’homme de la situation du judo burkinabè ?
Il n’y a pas d’homme de situation. Si je l’étais, je pense que nous aurions eu trois ou quatre médailles dans le mandat passé. Pour moi, il n’y a pas d’homme de la situation mais plutôt celui d’une situation. Parce qu’avant moi, le judo existait et brillait, après moi, il existera et brillera.

Sous quel sceau placez-vous ce mandat ?
C’est sous le sceau de la consolidation des acquis. Parce qu’en dépit des problèmes, nous avons qu’à même eu quelques acquis qu’il faut consolider et nous lancer sur d’autres projets pour rendre encore plus visible le judo au Burkina Faso.

Qu’est –ce qui a pu être fait au cours de votre première mandature ?
Quand je prenais la tête du judo burkinabè, on organisait le championnat à la fin de la saison, c’est-à-dire en septembre. Mais lorsque nous sommes arrivés, nous avons décidé d’organiser le championnat avant celui d’Afrique. Généralement, les championnats d’Afrique ont lieu en avril. Nous, nous organisions notre championnat en mars ou début avril pour pouvoir sélectionner les meilleurs pour cette randonnée continentale. Vous n’êtes pas sans savoir que pendant cette période, souvent le budget n’est pas encore prêt au niveau de notre ministère de tutelle. Ce qui fait que nous sommes souvent obligés de préfinancer, d’organiser notre championnat avant d’être remboursés plus tard. En plus, nous avons ressuscité le tournoi international de la ville de Ouagadougou qui était interrompu il y avait une dizaine d’années. Nous avons organisé deux éditions. Nous n’avons pas pu organiser la troisième parce qu’il y a eu la crise sanitaire. L’année 2020 a été sans activités. Nous avons ainsi profité pour réunir la grande famille du judo pour discuter afin de taire quelques petites querelles et voir comment faire pour améliorer le judo au Burkina.

Et ce qui n’a pas été fait ?
Nous tenons à cœur de doter les clubs en tatamis. Sans ce matériel, on ne peut pas pratiquer le judo. Lorsque nous faisons le tour des clubs, on se rend compte que les tatamis sont très vétustes. Ce qui veut dire qu’ils travaillent dans des conditions très difficiles. Le problème est que ces tatamis ne sont pas vendus au Burkina. Il faut les commander et ils coûtent assez cher. Nous sommes donc dans les démarches pour voir dans quelle mesure nous pouvons avec les partenaires avoir les tatamis et doter ne serait-ce que les grands clubs en attendant. Nous voulons aussi ouvrir quelques nouveaux clubs. C’est ce qui a été vraiment, j’allais dire notre échec.
Pas seulement, parce qu’il faut les doter. Il faut aussi les former parce qu’il faut mettre à niveau nos encadreurs. Le mandat passé, il est vrai que nous avons eu quelques stages. Mais ce n’est pas assez. Souvent, nous n’avons pas besoin de faire venir des experts de l’extérieur. Nous avons des experts, des anciens judokas qui peuvent, sur le plan local déjà, donner de la formation. Nous allons nous appuyer sur eux et ensuite nous verrons grâce aux contributions, comment pouvoir faire venir d’autres experts pour mieux les former. Nous voulons également après le tournoi de la ville de Ouagadougou pouvoir organiser une Open à Ouagadougou. C’est notre vision et cela demande beaucoup de moyens parce qu’il y a un cahier des charges de l’Union africaine de judo et même la Fédération internationale parce que ce sont des tournois qui sont qualificatifs des Jeux Olympiques. Il faut donc respecter un certain nombre de normes pour pouvoir organiser ce genre de compétitions. Nous pensons que lorsque nous allons introduire le dossier au niveau du ministère des Sports, nous aurons une oreille attentive pour nous permettre d’organiser ce genre de compétition à Ouagadougou. Cela pourra donner de l’élan au judo burkinabè et nous permettre de nous confronter à d’autres judokas parce que l’Open ne concerne pas seulement l’Afrique mais le monde entier. C’est une compétition où on vient chercher des points. C’est sûr que les Occidentaux vont venir, les Africains seront là et souvent même les Américains. Tous les continents participent à ce genre de compétition s’il est bien organisé.

Qu’attendez-vous des judokas ?
Beaucoup de compréhension parce que nous connaissons leurs attentes. Ils ont beaucoup d’attentes mais nous aussi avons nos limites. Nous ferons de notre mieux pour satisfaire les besoins afin qu’ils puissent travailler dans de bonnes conditions. Nous travaillons pour qu’ils aient beaucoup de compétitions. D’abord sur le plan local, et par la suite dans la sous-région et pourquoi pas hors de la sous-région pour qu’ils puissent se perfectionner. Nous leur demandons beaucoup de courage et surtout beaucoup de travail.

Peut-on dire que le judo burkinabè se porte bien ?
C’est une question piège et difficile. Je ne dirai pas qu’il se porte bien mais assez bien.
En dépit de quelques problèmes, le constat est que nous avons des résultats même s’ils sont minimes. Vous l’avez vu sur les compétitions sous régionales, nous avons fait des résultats acceptables. Sur le plan continental, c’est vrai que nous n’avons pas encore eu de médaille au championnat d’Afrique mais nous avons pu quand même obtenir des 5es places qui sont réconfortantes. Parce qu’au judo, une 5e place veut souvent dire que tu as perdu la médaille de bronze.
Dans le passé, le judo burkinabè a toujours valu des lauriers sur l’échiquier continental. Mais depuis quelque temps, plus rien. Est-ce un problème de relève ?
L’on peut dire ainsi. Dans un passé récent comme vous l’avez dit, nous avons eu de grands champions, surtout chez les dames. Nous avons eu deux dames qui ont été médaillées sur le plan continental. Cela a été un honneur pour le judo burkinabè. J’ai envie de me contredire en vous disant que ce n’est pas forcément un problème de relève parce que nous avons plein de jeunes talents qui sont en train de faire leur petit bonhomme de chemin. Il ne manque que les conditions favorables pour leur permettre d’éclore. Dans les sports de combat, on ne commence pas aujourd’hui et demain on est champion. Il faut du temps pour acquérir beaucoup d’expérience. Et cette expérience s’acquiert par le nombre de compétitions. Et c’est ce que nous avons fait depuis que nous sommes là. Il y a beaucoup de jeunes qui ont participé à des tournois à Abidjan, Niamey, Ouagadougou, aux Opens de Dakar avant d’aller aux championnats d’Afrique. Si vous faites le cumul, cela fait quand même une bonne dose d’expérience. Nous pensons que ces jeunes vont monter d’un cran et pourront certainement nous valoir des lauriers.

D’où proviennent les ressources de la fédération si l’on sait que les sponsors ne courent pas les rues ?
Je conviens avec vous que le sponsoring est très compliqué au Burkina surtout pour un sport qu’on dit mineur. C’est l’occasion de saluer le ministère des Sports et des Loisirs qui nous octroie la majorité de notre budget. Le ministère fait des efforts même si le financement est arrivé en retard. Nous essayons de gérer avec beaucoup de rigueur d’abord les fonds qu’on nous donne. Ce qui nous permet de faire beaucoup de choses. Ensuite, nous avons des mécènes, des amis qui nous viennent en aide. Nous faisons aussi ce que nous pouvons en mettant la main à la poche pour pouvoir organiser des compétitions. Mais cela n’est toujours pas suffisant. C’est l’occasion de lancer un appel aux sponsors de venir également au judo qui est un sport très intéressant, un sport éducatif. Je pense que mettre son image autour du judo serait vraiment une très bonne chose pour la jeunesse et pour le pays.

Contrairement à d’autres disciplines sportives où les crises sont récurrentes, l’on constate un calme au judo. Qu’est-ce qui explique cela ?
Plusieurs raisons peuvent expliquer cela. En plus d’être un sport de combat, on enseigne beaucoup de valeurs en judo. Nous avons même un code moral. Et lorsque vous commencez le judo, vous devez réciter le code moral qui demande le respect, le don de soi, l’honnêteté, l’amitié, etc. Je pense que toutes ces valeurs qu’on a inculquées à la grande famille du judo permettent de gérer les petits problèmes. Chez nous, le linge sale se lave toujours en famille.

Qu’est-ce qui vous a le plus plu ou déplu au cours de votre premier mandat ?
Je ne pense pas qu’il y ait un fait particulier qui ne m’a pas plu. Mais peut-être les problèmes récurrents que vous connaissez. Les problèmes sont énormes et les ressources sont petites. Cela fait que c’est un peu difficile. Quand vous essayez de boucher les trous, d’autres se creusent ailleurs. C’est vraiment très compliqué. A part cela, je pense que ça peut aller. C’est une satisfaction et un honneur d’avoir à collaborer avec des jeunes, des anciens, des vieux, dans le respect. Même si souvent il y a des points de divergence, nous nous asseyons pour discuter et échanger. Nous n’avons pas besoin de l’étaler sur la place publique.

Avez-vous foi à l’avenir du judo burkinabè ?
Bien sûr que oui! Si je ne l’avais, je n’allais pas rebeloter. Mais, je préviens que c’est un travail de longue haleine. C’est vrai que nous voulons des résultats immédiats. Acceptons qu’en trois, quatre ans, on ne peut pas former des jeunes qui pourront être médaillés sur le plan africain.
Ce sera difficile. Il faut beaucoup de temps et beaucoup de travail sur une longue période pour pouvoir donner les résultats satisfaisants. Nous pensons que nous allons faire notre part. Et ceux qui viendront après nous pourront profiter afin de remettre le judo burkinabè au sommet.
Le renouvellement des structures sportives a été houleux cette année. Qu’est-ce qui fait courir les gens, selon vous, si l’on sait que c’est le bénévolat ?
(Rires). Il est difficile de répondre à la place des gens. Moi, je suis venu par passion. Bien que n’ayant pas été un grand pratiquant de judo, juste un simple pratiquant, j’organisais une petite compétition pour les tout-petits et des ainés m’ont approché de venir les aider à diriger le judo burkinabè. Je pense que dans la plupart des fédérations, tu dépenses même plus parce qu’il n’y a presque rien à gagner.

Presque rien à gagner, pourtant, il se dit souvent qu’il y a certains qui viennent pour se servir du sport ?
C’est possible, mais moi, je ne peux pas me servir du sport parce que je n’ai pas autre ambition. Mon ambition, c’est juste aider les jeunes frères à pouvoir s’épanouir dans un sport de qualité qu’est le judo. En plus d’avoir des médailles et autres, on peut dire que faire un sport, éduque aussi la jeunesse parce que c’est rare de voir des judokas bandits ou irrespectueux. Même dans les écoles, on nous dit toujours que les judokas sont parmi les plus polis, les plus respectueux. Je pense que c’est déjà quelque chose pour la Nation au-delà des médailles et autres. Je voudrais profiter de vos colonnes pour féliciter tous ceux qui ont été élus à la tête de leur structure fédérale. Je leur souhaite beaucoup de courage parce que ce n’est pas du tout simple. On a souvent de grandes ambitions mais lorsqu’on se confronte à la réalité du terrain, cela devient un peu compliqué. Que chacun joue la carte de la transparence avec l’ensemble de sa famille sportive. Quant au monde du judo, je lui demande de rester soudé comme il l’a toujours été. Qu’il nous fasse confiance et de s’ouvrir régulièrement à nous sur les manquements. Je leur souhaite beaucoup de chance et qu’à l’orée de 2024 à la fin du mandat, que nous ayons quand même des médaillés africains pour le judo burkinabè.

Interview réalisée par Yves OUEDRAOGO

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