À FRÉDÉRIC TITINGA PACÉRÉ : Ce fils qui manque dans la termitière…

 

À FRÉDÉRIC TITINGA PACÉRÉ

Ce fils qui manque dans la termitière…

 

8 novembre 2024

11 novembre 2024

Trois jours d’attente

Sous la tente dressée devant la case

Trois jours pour pouvoir dire l’indicible

Trois jours pour enfin écrire l’ineffable

Après l’annonce du voyage sans retour

Bien moins pour conjurer le sort des trois angles

Du triangle qui en ce jour nous étrangle

Mais fondé sur ce chiffre porteur d’équilibre, de créativité et de complétude

Bien loin de l’implacable finitude

 

Maître,

Nous sommes allés à Abidjan

Maître

Nous sommes même allés à Koumassi

Mais nous n’avons pas suivi les prescriptions

Contenues dans l’œuvre poétique Du lait pour une tombe :

« Voyageurs,

Fils de mes pères,

Passants

Fils de mes pères

Habitants,

Fils de mes pères !

Quand tu iras à Abidjan,

Tu iras à Kumassi !

Il y a une tombe !

Une petite tombe !

Il est une tombe !

La tombe d’un enfant !

Tu t’arrêteras !

Verse,

Verse,

Verse sur elle

Du lait maternel. »

 

Maître,

Si nous occultons l’épisode du Cercle d’activités littéraires et artistiques de Haute-Volta (CALAHV), créé le 27 décembre 1966, l’homme aura contribué brillamment à l’animation de la scène littéraire depuis la Société des écrivains voltaïques (SEV, 1981) à la Société des auteurs, des gens de l’écrit et des savoirs (SAGES, 2011) en passant par l’Union des gens de lettres du Burkina (UGEL, 1985), la Mutuelle pour l’union et la solidarité des écrivains (MUSE, 1990).Hommage à celui dont la reconnaissance des pairs africains a conduit à lui confier l’organisation du congrès constitutif de la Fédération des associations des écrivains de l’Afrique de l’Ouest (FADEAO), en janvier 1987 à Ouagadougou et la présidence de cette fédération.

 

Maître,

On se rappelle,

On se rappelle ce colloque du début des années 90

Colloque consacré à l’œuvre de Titinga Pacéré

Où devant l’hommage anthume pourtant mérité

L’homme s’interrogeait :

            « Dois-je mourir

Ne dois-je pas mourir

Dois-je mourir

Pour rester égal à moi-même

Ou ne dois-je pas mourir

Et courir le risque de n’être plus moi-même ? »

 

Maître,

Le 1er avril 2011, à Ouagadougou

Assemblée générale constitutive de la Société des auteurs, des gens de l’écrit et des savoirs (SAGES)

Au présidium, Paul Tinoaga Ouédraogo et Titinga Pacéré

Qui ont abreuvé l’assistance de leurs expériences respectives en les irriguant de leurs conseils avisés

Comme « le philosophe à la barbe de poussière » enseigne à Tibo

« Que la terre soit légère à ceux qui précèdent »

Mais aussi, au présidium, Pierre-Claver Ilboudo et Dramane Konaté

Qui, à l’assemblée, ont présenté ont présenté le contexte et la justification de la création de la SAGES

Que le fil de leur vie s’étire encore loin.

 

Maître Titinga Pacéré,

L’avocat, le poète et l’essayiste,

Grand prix littéraire d’Afrique noire en 1982

Avec ses œuvres Poèmes pour l’Angola et La Poésie des griots

Membre honoraire de la Société des auteurs, des gens de l’écrit et de savoirs,

À Ouagadougou et à Manéga

Les filles et les fils des pères seront là

Les mots seront empruntés à La Poésie de griots

Et chacun fredonnera :

« Condoléances,

Douleur,

            Condoléances.

C’est la barbe poussiéreuse

Qui soulève

Les castagnettes du Message.

Douleur,

Je suis venu

Vous présenter

Mes condoléances

 

La vie

C’est la cendre :

C’est exact !

Et le tam-tam est là

Qui adresse

Au père,

À la mère,

À l’enfant

Les condoléances d’une éternité »

 

Nos condoléances

À Falinga

Laissée veuve

Nos condoléances

À toute la descendance

Ainsi qu’à ces héritiers littéraires

Laissés orphelins

Nos condoléances

À tous ceux qui pleurent l’homme.

 

Maître,

Pour contribuer à la compréhension de Quand s’envolent les grues couronnées

« Le troisième recueil, le plus original sans doute, le plus grave et le plus profond certainement »

On retiendra aussi ces propos tenus à Abidjan

En avril 2012, lors d’un hommage posthume à Bernard Zadi Zaourou

« La grue couronnée vient d’un horizon, survole le village et disparait de l’autre côté de l’horizon. C’est en fait l’homme. L’homme ne meurt pas. L’homme vient d’ailleurs. Il vit sa vie terrestre et il continue dans l’au-delà. Il faut, donc, savoir que la grue couronnée c’est l’homme du travail, mais l’homme qui ne meurt pas. »

« De la bendrologie en question »[1]

À « La réponse à la bendrologie en question »[2]

J’ai le regard rivé sur ceux qui ont œuvré à perpétuer l’homme et son œuvre

Ou qui ont agi dans le sillage de cette science,

Ces études méthodiques

Les méthodes de pensée, de parler

Les figures rhétoriques relatives au tam-tam

À la culture des messages tambourinés

Notamment d’Afrique

Je pense principalement à ceux de la Côte d’Ivoire voisine

À Léon Yépri,

Qui a écrit Titinga Frédéric Pacéré : le tambour de l’Afrique poétique

Où il écrit que « l’œuvre poétique de Titinga Frédéric Pacéré est un chemin de montagne : parcours de fleurs et de parfums exquis mais si rude à la montée. Un chemin initiatique ! »

C’est ce parcours-là qu’a pourtant décidé d’emprunter Léon Yépri…

 

Titinga Frédéric Pacéré : le tambour de l’Afrique poétique

Ce livre préfacé par Bottey (Bernard) Zadi Zaourou

« L’homme à la tignasse »

L’homme du didiga ou l’art de l’impensable

 

À Niangoran Porquet et Aboubacar Ciprien Touré

Ces théoriciens et praticiens de la griotique (et la griologie)

À Georges Niangoran-Boua, le précurseur de la drummologie

Et à Urbain Amoa, l’intrépide avocat de la bendrologie

 

Je pense à ces auteurs du Burkina Faso

Comme Patrick Gomdaogo Ilboudo, Albert Ouédraogo, Salaka Sanou, Georges Sawadogo…

 

Maître,

À Manéga

Au Musée de la bendrologie

Il y a le pavillon de la mort

Le visiteur doit y entrer à reculons, déchaussé et décoiffé

En signe de respect.

 

De Manéga

Le maître

Sa majesté Naaba Panantugri de Zitenga

L’aigle royal s’envolera

Non pas déchaussé

Non pas décoiffé

Mais chaussé de ses sandales d’or

Et coiffé d’une couronne royale

Tenant majestueusement son sceptre

Titinga Pacéré entrera dans la grande Case des immortels

Pas à reculons…

 

Et voici venu le moment de conclure le propos

En ces instants où s’envole la grue couronnée

Allons encore une fois moissonner des gerbes de mots

Dans Comme des flèches du dramaturge Koulsy Lamko

Que nous déposerons sur le sépulcre de l’homme :

« Chez nous, la mort est belle. Elle est fille sublime que l’on pare de bijoux d’étincelles. Flambant neufs. Elle est une fiancée que l’on accompagne de cris de fête, d’odes et de poèmes. Toujours un départ, un voyage vers les noces éternelles, vers le pays de la félicité des âges. »

 

Abidjan, le 11 novembre 2024

 

 

Koba Boubacar DAO

 

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