Accident de la circulation à Bobo-Dioulasso: des feux tricolores, panneaux, lampadaires … aussi victimes

Cet accident de voiture a conduit à l’arrachage du panneau de signalisation.

Dans la ville de Bobo-Dioulasso, les routes vivent un double drame : à côté des blessures et des pertes en vies humaines causées par les accidents de la circulation, il y a les infrastructures routières qui portent des impacts d’accidents. Panneaux de signalisation arrachés, feux tricolores renversés, poteaux électriques affaissés, box de sécurité défoncés et lampadaires abîmés. Ce sont entre autres sorts de certaines infrastructures qui subissent des dégâts collatéraux. Une situation qui porte un coup dur à la commune, mais aussi à la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL).

Ce matin du lundi 15 septembre 2025 à Bobo-Dioulasso, aux environs de 8 heures, Florent Palm, sérigraphe de son état, s’empresse de rejoindre son service. Après une dizaine
de minutes de trajet à moto, il est bloqué dans un bouchon au rond-point Thomas-Sankara (ex-rond-point Blaise-Kadhafi). Difficile de se frayer un passage dans ce tintamarre de klaxons de voitures ou de motos et coup de frein brutal. Florent Palm pique un air de colère et lance : « On ne sait plus quand s’arrêter ou passer. Il n’y a personne pour réguler la circulation ? ».

La scène est habituelle à cet endroit, lorsque des feux tricolores sont en panne et les panneaux de signalisation réduits en miettes après la survenue d’un accident.
De janvier à août 2025, la direction régionale de la Police nationale du Guiriko a enregistré

Des feux tricolores subissent des dégâts lors des accidents dans la ville
de Bobo-Dioulasso.

2 055 cas d’accidents avec 27 décès dans la ville de Bobo-Dioulasso. Parmi les causes identifiées, selon le commissaire divisionnaire Pierre-Claver Konaté, (ex-directeur régional de la Police nationale du Guiriko), il y a l’incivisme, notamment le non-respect
du Code de la route, le dépassement dangereux et l’usage du téléphone au volant comme à moto. Ces statistiques quoiqu’importantes cachent d’autres dégâts qui ne sont, pour la plupart du temps, pas pris en compte.

C’est l’exemple des feux tricolores endommagés lors des accidents. Ils sont souvent tordus ou carrément à terre, parce qu’ils sont percutés par des véhicules. Ces dégâts silencieux créent d’autres accidents du fait que ces feux tricolores ne sont plus fonctionnels ou absents dans la régulation de la circulation.

L’agent commercial, Tahirou Koné, a été victime de cette situation et garde toujours en mémoire le film de son accident dans l’après-midi du samedi 17 mai 2025. « A la descente du boulot, je rentrais chez moi étant sur mon engin. Sur l’avenue Louveau, j’ai constaté que le feu tricolore ne fonctionnait pas. Il était incliné parce qu’il a été percuté par un véhicule. Sans marquer l’arrêt, j’ai continué de rouler jusqu’à croiser une voiture au rond-point de la place de la Nation. J’ai réussi à sauter de mon engin, mais la moto s’est retrouvée sous la voiture. Elle était pratiquement irrécupérable », raconte-t-il.

Cinq carrefours stratégiques concernés

Au mois d’août, les services techniques municipaux (voirie), selon le directeur des infrastructures routières et de la mobilité de la commune de Bobo-Dioulasso, Ismaël Sana, ont recensé cinq carrefours stratégiques de la ville où des feux tricolores ont été endommagés. « Ces carrefours concernent des ronds-points et des grandes intersections de la ville », regrette-t-il. Les panneaux de signalisation ne sont pas épargnés par les accidents de la route. A certaines intersections de la ville, ils sont tordus ou arrachés à la suite d’un choc avec un véhicule.

C’est le cas notamment d’un accident survenu près du feu tricolore de l’avenue de la Nation, dont Harouna Sawadogo, commerçant d’objets d’art installé à proximité, a été témoin. « La voiture a emprunté le sens contraire de son itinéraire. Malheureusement, elle a croisé un autre véhicule qui venait en face. Elle a tenté de l’éviter, mais c’était déjà tard

Les box de sécurité de la police servant de rond-point sont souvent réduits en un tas de ferraille lors des accidents par des usagers.

parce qu’elle a été percutée. La voiture a fini sa course sur le terre-plein en arrachant
le panneau de signalisation à contournement par la droite », explique Harouna Sawadogo. A en croire le directeur des infrastructures routières et de la mobilité, jusqu’à 316 panneaux de signalisation sont hors d’usage dans la ville. Rien que dans le mois d’août, déplore M. Sana, son service a enregistré au moins 50 panneaux de
signalisation endommagés à la suite d’accidents de la circulation.

« Le quartier Kodéni est très impacté en termes de destruction des équipements routiers. Dans les ruelles de la zone industrielle par exemple, des camions-remorques stationnés anarchiquement manœuvrent par inattention ou par défaut de freinage et endommagent les panneaux de signalisation. Il ne se passe pas une semaine sans qu’on ne nous informe qu’il y a eu un accident à ces endroits », ajoute-t-il.

Des box de sécurité aussi

Dans l’optique de réduire les accidents à certaines intersections de la ville et de réguler la circulation, les services de la Police municipale et nationale ont installé des box de sécurité. Malheureusement, ces objets qui servent de rond-point n’échappent pas à la furie des usagers de la route. Ils sont soit défoncés ou réduits en tas de ferraille lors des accidents. Selon certains témoignages, ces box de sécurité sont par la suite enlevés nuitamment par des ferrailleurs pour être utilisés à d’autres fins.

Les infrastructures de la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL) en font également les frais des accidents. En ce qui concerne les poteaux électriques y compris les lampadaires, les services de la commune de Bobo-Dioulasso en ont recensé une trentaine endommagée au mois d’août, selon Sana Ismaël. « Ces poteaux électriques endommagés se répartissent sur les routes nationales 1, 7, 9, 10 et sur le Boulevard de la Révolution », déclare-t-il. Sur ces différents axes de la ville, il n’est pas rare de constater des poteaux électriques de la SONABEL inclinés ou carrément tombés.

La mauvaise manœuvre d’un camion a « couché » ce panneau.

La route nationale 7 sur l’axe Bobo-Banfora est coutumière de cette scène.
De la zone industrielle jusqu’à la sortie de la ville, la voie n’a pratiquement plus d’éclairage du fait des accidents qui ont endommagé la quasi-totalité des lampadaires et certains supports de la nationale d’électricité.

Bricoler pour parer certaines situations

De ce fait, il arrive que la SONABEL procède à des « bricolages », pour parer certaines situations. Selon l’électricien du service distribution du réseau SONABEL, Kassoum Yaro, sur des poteaux à l’origine destinés au réseau de distribution, son service est contraint à un moment donné, d’y tirer un câble pour installer de façon provisoire un éclairage public afin de réduire l’obscurité. Malgré tout, dit-il, l’éclairage reste insuffisant parce que la distance entre les poteaux et la voie n’est pas conforme aux normes en vigueur. De plus, le débordement de la charge des camions-remorques sur cet axe a sectionné les fils électriques.

Ainsi, l’on observe par endroit, des câbles à terre. L’électricien Kassoum Yaro déclare ne pas savoir le nombre de ses interventions sur les lampadaires et autres poteaux électriques sur cet axe. « Ici, par exemple, un poteau électrique a été percuté. Après avoir été sollicités, nous sommes intervenus pour creuser, installer un nouveau support et tirer le câble. Malheureusement, dans la même soirée, un autre camion l’a de nouveau endommagé. Cette route est régulièrement empruntée par de gros porteurs en direction des magasins situés à l’intérieur du port sec. Actuellement, nous réfléchissons à une solution durable pour réhabiliter l’installation et éviter de nouveaux incidents », raconte-t-il avec amertume.

Sur le boulevard de la Révolution, le phénomène est presqu’identique. Les pannes de l’éclairage public sont récurrentes à cause des accidents sur les infrastructures électriques. L’un des accidents qui retient toujours l’attention du chef de service de distribution à la SONABEL, Jean Joël Pascal Zerbo, est celui de juin 2025 à l’intersection du boulevard et de l’avenue de l’Unité. Longeant la descente du boulevard à la hauteur du pont d’Accart-ville, explique-t-il, le conducteur d’un bulldozer perd le contrôle de son engin, à la suite de l’arrêt du moteur et le système de freinage ne répondant plus. Avec ingéniosité, le chauffeur manœuvre pour éviter les usagers arrêtés au feu tricolore. Il finit sa course sur le bas-côté de la voie en heurtant un support électrique de la SONABEL jusqu’à le plier en arrachant les files.

Les dégâts sur des lampadaires et autres poteaux électriques de la SONABEL sont légion sur la RN 1.
de Bobo-Dioulasso.

Les dégâts sont énormes : l’éclairage public ne fonctionne plus et les ménages sont privés de courant au point de plonger une bonne partie de cette zone dans une obscurité prolongée. Selon le chef de service de distribution, ce support électrique endommagé est très important en ce sens qu’il constitue une sortie d’électricité (communément appelé un départ, Ndlr) qui alimente les différentes zones de la ville. « Quand vous isolez un départ, cela veut dire que l’ensemble des abonnés connait un manque d’électricité jusqu’à ce que vous preniez des dispositions nécessaires pour les reprendre », explique Jean Joël Pascal Zerbo. Il a fallu environ une semaine, ajoute-t-il, pour rétablir ce support.
De janvier à juillet 2025, le service de distribution de la SONABEL a recensé 74 accidents sur ses ouvrages.

« Les structures sont systématiquement informées »

Selon le commissaire divisionnaire Pierre-Claver Konaté, lors de la survenue d’un accident où la police intervient, elle fait d’abord le constat à savoir l’identification des usagers impliqués, l’évaluation des éventuelles blessures ou cas de décès. Ensuite, elle procède à l’inventaire des dégâts matériels qu’il consigne dans le procès-verbal de constat, qu’il s’agisse des véhicules impliqués ou des infrastructures publiques et privées endommagées.
« Lorsqu’il s’agit de dommages sur des infrastructures, les structures concernées comme la voirie et la SONABEL sont systématiquement informées, surtout lorsqu’il s’agit d’équipements comme les feux tricolores et les panneaux de signalisation.

Quand les responsables sont connus, il revient à la structure concernée d’engager les démarches nécessaires, notamment en matière de réparation ou de remplacement », relève-t-il. Malheureusement, la procédure à ce niveau ne suit pas normalement son cours. Les responsables des dégâts arrivent à se soustraire de cette procédure laissant la réparation à la charge des structures concernées. Pour le chef de service de distribution de la SONABEL, il n’y a souvent pas de plainte contre l’auteur de l’accident parce qu’il peut aussi être considéré comme une victime. « Il y a toutefois quelques cas particuliers, notamment lorsqu’il s’agit de câbles arrachés, où l’auteur peut tenter de fuir. Mais dans le cas d’un support heurté ou endommagé, il n’y a généralement pas de doute : on finit toujours par retrouver le responsable », relativise Jean Joël Pascal Zerbo.

Pour le chef de service de distribution de la SONABEL, Jean Joël Pascal Zerbo, les abonnés subissent des préjudices lorsqu’il y a un accident sur un support de la SONABEL.

Bien qu’il existe une ligne budgétaire qui permet à la commune de Bobo-Dioulasso de réparer des panneaux de signalisation et des feux tricolores, le directeur des infrastructures routières et de la mobilité de la commune interpelle que les dépenses imprévues crèvent le budget municipal. « La difficulté c’est d’avoir les ressources disponibles pour confectionner ces panneaux et les replanter parce qu’il y a des restrictions budgétaires. On n’arrive plus à faire face à certaines situations et c’est déplorable. Pour un panneau de signalisation conventionnel par exemple, nous sommes à un montant de 175 000 F CFA. On a vraiment des difficultés pour les remplacer, mais aussi pour des réhabilitations », déplore Ismaël Sana. Il dénonce l’incivisme des usagers responsables de ces accidents et encourage les citoyens à signaler les hauteurs auprès des autorités compétentes.

Paténéma Oumar OUEDRAOGO


 

Les ouvrages de franchissement en font aussi les frais

Les ponts, les balises tubulaires et les glissières de sécurité sont aussi des infrastructures routières conçues comme des dispositifs de signalisation et de sécurité pour garantir la protection des usagers. Ces ouvrages de franchissement jouent un rôle essentiel en attirant l’attention des conducteurs sur les zones sensibles ou potentiellement dangereuses. Les balises tubulaires par exemple peintes en blanc avec une bande rouge servent à signaler la présence d’un point particulier ou potentiellement dangereux sur la route, comme un pont ou un rétrécissement. Leur objectif est d’alerter le conducteur afin qu’il redouble de vigilance en abordant cette section spécifique de la route.

Sur les grands ouvrages, comme les ponts, il y a des barrières de sécurité, appelées garde-corps, reconnaissable par sa structure métallique grise. Elles sont souvent peintes pour renforcer leur visibilité afin de contribuer à l’aspect signalisation. Ces dispositifs ont pour principale fonction de protéger les piétons, en les empêchant de tomber en cas de perte d’équilibre lors de la traversée du pont. Malheureusement, l’excès de vitesse ou l’inattention sont à l’origine de leur dégradation. Le cas du pont de la Route nationale 7 sur l’axe Bobo-Dioulasso-Banfora est illustratif. Selon les témoignages d’un riverain, le chauffeur d’un camion, pris de sommeil dans la nuit pendant la conduite, s’est dirigé vers les balises du pont et s’est retrouvé dans le cours d’eau.

P.O.O

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.